Ancien commandant des forces parachutistes, Amadou Toumani Touré, président de la République du Mali, estime que les conditions ne sont pas réunies pour une action militaire en vue de libérer les otages.
Savez-vous où sont les otages enlevés au Niger le 16 septembre?
Malgré un minutieux travail de renseignement, nous ne sommes jamais parvenu à savoir exactement où se trouvent les otages. Evidemment, ce serait confortable de dire que les otages se trouvent à un point précis.
Une opération militaire pour les libérer est-elle possible?
Non, car les conditions ne sont pas réunies. Une opération militaire classique et bien organisée exige des renseignements vraiment pointus — qui sont très difficiles à obtenir — et une maîtrise de la zone, ce qui est pratiquement impossible. Il est certain que les ravisseurs ont dispersé leurs otages en plusieurs groupes. Ils ne dînent jamais là où ils ont déjeuné et ils se déplacent rapidement. Une intervention des forces spéciales risquerait donc de mettre en danger la vie des otages. Il y a un proverbe africain qui dit : « Lorsque tu as ton doigt dans la bouche de quelqu’un, il ne faut pas le gifler. »
Il ne reste donc que la négociation…
Le Mali apporte toute son aide, mais les contacts sont quasiment impossibles avec cette bande. On doit passer par des intermédiaires et il y en a tellement qu’on ne sait pas toujours lequel est le bon. Il faut être très patient. Personne ne peut dire combien de temps les otages d’Areva et de Satom seront retenus. Pour mener à bien cette négociation, il faut une conjugaison d’efforts et d’initiatives de plusieurs pays. Et de la discrétion.
Connaissez-vous les exigences des preneurs d’otages?
Malheureusement non. Depuis le début de cette prise d’otages, les ravisseurs, contrairement à leur habitude, ont moins parlé.
Des médicaments sont parvenus à Françoise Larribe, est-ce un signe encourageant ?
J’ai appris cela, mais je n’étais pas au courant. Si cette nouvelle est vérifiée, c’est un petit pas et une très bonne chose. Même dans les plus longs voyages, les petits pas comptent beaucoup.
Quelle force représente aujourd’hui Aqmi?
C’est un péril de plus en plus grand : l’islam que propage Aqmi n’est pas l’islam, c’est du terrorisme pur et simple. Sur le plan militaire, la réputation d’Aqmi est surfaite. Ses effectifs ne sont pas aussi importants qu’on le dit. Cependant, un ennemi invisible et très mobile qui traverse les frontières et bénéficie de complicités peut s’avérer plus dangereux qu’on ne croit. Mais la menace n’est pas seulement militaire, elle est aussi idéologique. Et là, personne n’en connaît les limites.
Une opération militaire vient d’être menée ces jours-ci par les armées mauritanienne et malienne. Quel était son but?
Il s’agissait d’une opération ponctuelle. Chaque fois qu’il y a une pression des terroristes sur la Mauritanie, ce pays réagit et nous ne manquerons jamais de lui prêter main-forte. Mais je suis convaincu qu’il faut faire plus. Le problème fondamental de la bande sahélo-sahélienne, c’est le déficit de coopération entre les Etats concernés. L’Algérie a engagé une initiative très importante à laquelle nous adhérons : l’installation d’un état-major commun à Tamanrasset. Il nous reste à organiser et à planifier nos actions militaires.
Propos recueillis par Phillipe Martinat le 20 11 2010 (LeParisien.fr)