Instinct de survie des Maliens et reconquête du soi collectif

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Le Mali est soumis aux feux et aux cyclones. L’Etat est sérieusement laminé, la Nation souffre. Notre vivre-ensemble fut mis à mal. Il m’est arrivé de ressentir ce qu’un Malien peut ressentir aux heures les plus douloureuses où le doute prend le pas sur la certitude : voir disparaître le Mali. L’attaque de Konna a largement diffusé ce sentiment jusqu’aux confins de Bamako.

L’instinct de survie nous apprend notre fragilité dans un monde paré de dangers mais il nous pousse à puiser au fond de soi des ressources insoupçonnées qui sont cachées en l’Etre et qui -au moment des menaces mortelles- l’ordonne de faire preuve de sa capacité d’adaptation aux situations difficiles, confuses, alambiquées. La psychologie n’a pas tort de faire de l’adaptation aux difficultés nouvelles, aux situations imprévues la pierre focale de la définition de l’intelligence humaine, loin d’être une faculté de mémorisation exceptionnelle mais plutôt un art à surmonter le jaillissement de l’inédit. Vérité qui vaut autant pour les individus que pour les sociétés en crise.

Chaque jour en me réveillant, un petit tour sur les réseaux sociaux me permet de comprendre cette capacité de résistance de la jeunesse malienne, son désir d’avenir dans un Mali indivisible quoique divers. Face à la propagande des hérauts de la victimologie doublement experts en martyrologie comme ressources diplomatico-médiatiques, la résistance des Maliennes et des Maliens, leur capacité à déconstruire les messages apocryphes (pardonnez le clin d’œil aux évangiles), à démasquer les pistes menant aux intox, à dénoncer le laxisme de notre Etat, à soutenir notre armée, souvent à palabrer entre Maliens sur notre rapport à la CEDEAO ne faiblissent point. Cela me donne tant d’espoirs de voir toutes les couches sociales mobilisées qui -pour composer une chanson, qui pour soutenir financièrement nos frères du Nord, qui pour laisser les boulots et aller à des rassemblements, qui, pour veiller sur facebook et répondre à temps à certaines officines à la désinformation savamment distillée. Instinct de survie devant être transformé en pouvoir citoyen, véritablement conscient de nos faiblesses et de nos forces. Sur ce Mali -terre légendaire, vieille et belle de sa diversité ethnique, culturelle, musicale, religieuse, de son hospitalité, de son passé solidaire auprès de Peuples qui hier étaient dans la difficulté, nous n’avons plus le droit de baisser la garde. Elevons davantage la Conscience ! Surveillons nos dirigeants comme du lait sur le feu ! Ne laissons plus personnes agir comme un Dieu parce que les diplômes sorbonnards des Doctes omniscients et les galons des Néo-Napoléons stratèges des temps numériques sortis des Académies militaires les plus prestigieuses n’empêchent guère la banalité des décisions, leur potentiel dangereux parce que manquant souvent de vision prospective. L’intelligence des élites ne doit pas se passer de celle du Peuple qui les produit en tant qu’elles en sont l’émanation. Ne paniquons pas mais évitons le triomphalisme. L’ennemi du Mali a plusieurs visages, plusieurs noms, plusieurs astuces pour mettre à l’épreuve la veille nation riche de sa mémoire, de son potentiel mais faible de l’optimisation de l’intelligence de ses ressources grises (les Hommes). Cet ennemi n’est ni l’Arabe ni le Touareg ou le Noir. L’ennemi, c’est tout simplement tout dessein sordide traître de l’Unité et de l’Intérêt de la Nation. Et l’ennemi n’est pas seulement au Nord du pays. Il pullule au Sud. Notre capacité à tenir ne doit pas être simple réaction aux coups. Nous devons savoir et pouvoir anticiper, sonder, prospecter et arrimer «l’Idéel» à «l’Action», les deux tirés par l’Ethique d’un «Idéal» fait Sacrifice de l’Individu pour le Collectif, non pour s’effacer avec son génie personnel mais le mettre au service d’une Idée de l’Etre plus transcendante. La reconquête de notre soi collectif est en passe de réussir en dépit des dangers qui ne manqueront pas. Face à une horde hostile, mobile, il nous faut avoir le souffle long et les intelligences individuelles faites synergie au service du Mali, notre Case et de l’Afrique-Maman, notre Maison dans le vaste Village planétaire tiré par l’interpénétration des flux et l’incandescence des bouillons dont les déclinaisons économiques, migratoires, culturelles cachent d’autres dimensions non moins sulfureuses.

YAYA TRAORE

 Politologue Consultant-Directeur d’OXYGENIE SSEECCO

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