La réalité semble dépasser la fiction au Nord-Mali. Lundi, deux autres mauvaises nouvelles. A Al Moustarat, deux enturbannés à motos braquent le tout terrain de la brigade de gendarmerie en partance pour la relève de faction et l’emportent, larguant ses passagers dans la nature : quatre gendarmes que le maire de Tarkint viendra remorquer dans sa voiture. Dans le même temps, plus au Nord, dans des circonstances tout aussi rocambolesques, le véhicule du préfet de Kidal devant le Commissariat de la ville est enlevé. Autre mauvaise nouvelle qui a fait le tour de Bamako dans l’après-midi du lundi : l’émir Abdelkrim, le Touareg d’Aqmi, aurait rejoint Iyad Ag Ali en dissidence depuis deux semaines.
Abdelkrim -de son vrai nom Ahmada Ag Ama-est originaire de Kidal, de la classe des Ifoghas comme Iyad dont il a été le pote. Même s’il est aujourd’hui, le chef d’un khatibat de 150 à 200 hommes opérant sous les ordres du redoutable Abuzeid. Dans les années 1990, Iyad a fréquenté avec lui la Dawa, cette antichambre de l’islam d’essence khareijite dont la finalité reste l’Etat théocratique musulman! Mais la vie d’ermite et d’ascète n’est pas la tasse de thé du chef historique du leader historique du Mouvement populaire de l’Azawad, l’épicentre de la rébellion nomade.
Et il ne tarde pas à renouer avec le monde et ses plaisirs. Cet homme ne peut-il pas être tenté par un projet d’Etat islamique? Alghabass Ag Intallah, député et tout nouveau chef des Ifoghas, éclate presque de rire en apprenant la nouvelle du ralliement du chef salafiste à l’ancien chef rebelle. « Abdelkrim et Iyad sont séparés par l’extrémisme du premier et la flexibilité du second». Histoire de rappeler ce que tout le monde sait et qui rend rédhibitoire le compagnonnage des deux ex-potes : Iyad n’est pas un adepte de la «frugalité heureuse». Mais Etat islamique ou pas, Iyad est en rupture avec l’Etat malien et dans les montagnes de l’Adrar.
Assurances
Ce n’est guère réjouissant en ce moment où même sans ce stratège aux mérites reconnus (il s’est battu au Tchad et au Liban dans la légion islamique de Kadhafi des années 1980), Kidal donne des frayeurs à la République. Les enlèvements de véhicules et même de motos se sont multipliés dans le Nord, à Kidal, à Gao et à Tombouctou. Une bonne dizaine en deux mois. S’y ajoutent les revendications indépendantistes du Mnla adossé, semble t-il, à la puissance de feu des irrédentistes du groupe de feu Ag Bahanga, des Idnan ex-militaires revenus de Libye avec à leur tête Mohamed Najim et la bande au Chamanamas Assalat. Et depuis jeudi, comme souvent, la moyenne semble avoir dépassé le total, avec les enlèvements de Hombori et de Tombouctou.
Le volcan va-t-il se réveiller ? Ag Intalla qui balaie d’un revers de main l’accusation qu’il est passé du côté de la dissidence, est pourtant très optimiste. «Nous sommes sur la bonne voie». Pour lui, s’il reconnaît que la situation est sérieuse, il n’y a rien d’insurmontable dans sa région. Il a servi d’ouvreur de portes à tous les émissaires du gouvernement qui viennent chez lui pour rencontrer les dissidents. Et lui-même, assure t-il, sera « sur le terrain demain pour rencontrer tout le monde ». Comprenons par tout le monde les différents éléments du « cocktail malitov » qui se sont regroupés à Kidal.
Adam Thiam