Le 17 septembre 2010, l’armée mauritanienne a attaqué un groupe d’Al Qaida au Maghreb Islamique près de Hassi Sidi (100 km au Nord-Ouest de Tombouctou). Ce violant accrochage a poussé la population nomade à fuir la zone et à s’installer sur un site nommé Attwal à 60 km au nord-est du lieu d’affrontement. Une année après, notre équipe de reportage se rend sur le site Attwal.
Il est 10h du matin en ce dimanche 4 septembre dernier, le jour du marché hebdomadaire du site Attawal. Nous sommes à 70 km au nord de Tombouctou sur les dunes de sable couvertes légèrement par des herbes en cette période hivernale. Le chef du site, Salek Ould Hamadi raconte « Il y a 1.500 personnes qui habitent sur le site et le jour du marché nous accueillons encore beaucoup plus du monde. Des gens arrivent d’Essakane, de Léré, de Tombouctou, de Tichift… Les commerçants vendent tout ce qu’on peut trouver dans une ville comme Tombouctou. Il y a toutes les catégories de commerçants qui viennent aujourd’hui ». Depuis une année Attwal est devenu un site important de concentration des populations nomades de la commune de Salam.
Aujourd’hui, il y a huit à neuf tribus tout autour du site, mais les gens sont confrontés à la réalité du désert. C’est-à-dire le manque d’eau, de santé et d’éducation » fait remarquer Mohamed Ould Salah, le chef de fraction d’Oulad Ghanam-ouest. L’année dernière, la croix rouge est venue distribuer des vivres à la population fuyant les affrontements entre AQMI et les militaires mauritaniens. La mairie a construit trois magasins, une mosquée et un marché hebdomadaire. Cette commune a été prise entre deux feux lorsque les militaires mauritaniens ont mené des attaques contres les groupes d’AQMI dans la localité. « La commune de Salam a vécu des événements malheureux lorsqu’il y a eu des accrochages entre AQMI et l’armée mauritanienne. Et la première décision que la mairie a prise a été de mettre le maximum de campements sur un site bien connu. Cela, pour que nous puissions connaître tout ce qui va arriver aux citoyens de la commune. On veut désormais savoir qui a été enlevé par qui et pourquoi. L’année dernière, nous avons vécus des drames ici. Les citoyens ont été tués, d’autres battus, enlevés, séquestrés et libérés plus tard en Mauritanie. Si les gens étaient regroupés, cela n’arrivera pas ou les autorités seront au moins informés de tout ce qui est arrivé aux populations », déplore le maire de la commune de Salam Mohamed Taher. En zone nomades, il est de tradition que les campements soit distants les uns des autres, souvent de plusieurs dizaines de kilomètres. Dans une zone sans couverture téléphonique, cela crée un manque de communication entre les campements autour desquels des éléments d’AQMI et la Mauritanie ont l’habitude de s’affronter.
Se sédentariser pour vivre au désert
Selon le maire, la distance entre le campement et le manque de communication fait qu’on peut tomber sur un campement ou sur un autre dans cette zone sans que les gens ne soient au courant de ce qui vous arrive. C’est ainsi que cette commune a voulu regrouper les campements pour être informée de leur état de sécurité. Et pour ça, il faut créer des conditions de vie. « Il faut de l’eau, la santé, l’éducation. Et la mairie n’a pas les moyens pour réaliser tout ça. Ici pour une simple fontaine, il faut au moins 40 millions de FCFA », explique un conseiller du maire. Cependant, le problème qui revient dans la bouche des habitants ici est celui lié au manque d’eau. Le site de Attwal n’a qu’un seul forage pour 1.500 personnes et leurs animaux (chameaux, des bœufs, des moutons, chèvres…) : « Le jour du marché, le site peut accueillir jusqu’à 3.00 personnes en plus. En ce moment, avec la saison hivernale où le pâturage existe, les gens ne font que venir chaque jour s’installer » fait remarquer le chef de fraction d’Oulad Ghanam ouest.
A en croire le chef de fraction d’Oulad Gahanam Mouhamed Ould Salaha, Al Qaida au Maghreb islamique est dans la zone, mais la mairie est là aussi : « Le premier jour où la commune a inauguré le marché hebdomadaire, les gens d’AQMI sont venus voir pourquoi ce regroupement. Lorsqu’ils ont compris qu’il s’agit d’un marché hebdomadaire, ils ont commencé à faire des prêches à tendance salafistes. Lorsque le maire les a vu en train de parler avec la population, ils les a dit de partir car leur présence empêche le développement de la commune et les gens ont peur d’eux. La discussion a failli tourner au drame mais AQMI est parti quand même ». Et le magasinier de la mairie ajoute : « Depuis ce jour, on a plus revu les éléments d’AQMI par là».
L’eau, c’est la vie
Lorsque la croix rouge est venue distribuer des vivres, les donateurs ont promis de faire une fontaine pour cette population. « Depuis lors, nous attendons, mais rien n’arrive à tel point que les populations nomades commencent à partir du site car il n’y a pas d’eau pour tout le monde », déplore le maire de la commune. Face à ce manque d’eau, les gens se dispersent encore alors que les mêmes problèmes d’insécurité sont présents. QMI est dans la zone, l’armée mauritanienne est à la frontière, il peut avoir un autre accrochage à tout moment dans la zone. « Aujourd’hui nous demandons à l’Etat et aux bailleurs de fonds de nous créer le minimum pour la survie. C’est à dire avoir de l’eau. Nous sommes dans une zone difficile. Ici pour avoir de l’eau, il faut creuser loin dans le sol afin de rencontrer une source. Ce qui n’est pas le cas dans d’autre localité du pays » signale le maire de Salam.
Pour la population d’Attwal, cette situation difficile ne peut être un prétexte pour abandonner sa localité. « Le sud de l’Algérie a le même problème climatique et géographique qu’ici, pourtant leur Etat a créé les conditions pour les populations » explique un habitant d’Attwal.
Un marché hebdomadaire malgré tous
A la veille du marché hebdomadaire, la commune rempli une cuve de 1.000m3 d’eau à partir du seul puits du site Attwal pour donner à boire aux commerçants. 20 litres sont vendus à 100FCfa, histoire d’encourager celui qui est chargé de remplir la cuve d’eau et de l’acheminer sur le marché. Deux chameliers viennent du nord en provenance des campements, un chef de famille vient avec deux chèvres et un mouton.
Au Marché des animaux d’Attwal, des hommes discutent du prix des moutons, des bœufs, chameaux… Une chose est sûre, tous les commerçants savent qu’ici les animaux sont moins chers qu’à Tombouctou, la seule grande ville située à 70km au sud. Le marché de bétail est un marché très fréquenté par les commerçants qui viennent de Tombouctou, Léré et autres localités pour y revendre les animaux payés à Attwal. Debout devant cinq têtes de moutons, Hamou Ould Haybala est venu vendre ces animaux pour ensuite payer des céréales. Il raconte : « depuis que le marché d’Attwal est créé, nous avons beaucoup d’avantages. Nous n’avons plus besoin de faire 70 km pour aller vendre nos animaux à Tombouctou, les céréales se trouvent aujourd’hui tout près de nos campements grâce à ce marché ». Pour assurer la sécurité alimentaire aux populations d’Attwal, la mairie a fait une banque de céréales : « Il y a dix tonnes de céréales dans les magasins que la mairie a construit. Ces sacs de céréales ne sortent du magasin que lorsqu’il y a rupture stocks sur le marché. Les sacs sont vendus au même prix qu’à Tombouctou, sauf qu’il y aura l’augmentation du prix des transports. Pour cela la mairie et ses partenaires ont investi pour que ces céréales soient acheminés sur le site », raconte le maire de la commune M. Mohamed Tahar. Qui ajoute : « nous avons de l’Alhor (pierre de la localité) pour la construction d’autres magasins et boutiques pour le marché, mais le manque d’eau nous handicape énormément ».
Content de l’animation qu’il y a sur le site, Khatar Ould Hamad, un vieux de cette localité nous signale : « avec les gens qui viennent pour le marché, nous avons des informations sur ce qui se passe dans les localités qui se trouvent autour de nous comme Zouera, Essakane, Tichift, Tombouctou… Et un commerçant Hama Ould Taleb venu de la localité d’Agouni pour le marché hebdomadaire d’Attwal de conclure : « Nous avons surtout un problème lié à la route et le manque de réseau téléphonique car il n’y a que les traces de voitures que les commerçants suivent pour acheminer leurs marchandises
Baba Ahmed, envoyé spécial à Tombouctou.