Infos ou intox ? Toujours l’impasse

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Le Mali est toujours dans l’impasse, malgré quelques remous ça et là rapportés par la presse, laquelle est toujours confrontée aux problèmes d’accès à l’information. Le gouvernement, qui a un porte-parole hautement qualifié puisque sorti du moule onusien ne communique pas beaucoup, sauf pour écrire des communiqués laconiques que personne ne prend au sérieux. Et puis, de toutes les manières, si le gouvernement ne communique rien c’est qu’il ne fait rien.

Lundi, depuis son asile parisien dont il a du mal à sortir, le président de la transition a pardonné et demandé aux Maliens de pardonner à ses agresseurs, lesquels ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Un croc-en-jambe à la Cédéao qui avait exigé une enquête pour retrouver et punir les auteurs et commanditaires de la barbarie ? Peut-être, en tous les cas, l’organisation sous-régionale a décidé de ne plus envoyer à Bamako une commission indépendante d’enquête à laquelle le gouvernement de transition ne faciliterait pas la tâche. Un gouvernement inopérant qui ne facilitera la tâche à personne d’autre, ne sachant trop quoi faire lui-même. On se demande pourquoi, par honnêteté intellectuelle et courage politique, ses membres n’ont pas encore démissionné. D’autant plus que ceux qu’ils sont censés combattre ont investi le président de l’Azawad et tenu leur premier conseil des ministres.

Mardi, est-ce que le gouvernement a enfin compris qu’il n’est pas à la hauteur ? En tout cas, ce jour, le Premier ministre plein de pouvoirs a enfin daigné rencontré la classe politique à la laquelle il aurait demandé un accompagnement politique de l’action gouvernementale. Il faut dire que les acteurs politiques, depuis le 22 mars, avaient été écartés de la gestion du pays par la junte et la Cédéao, principaux maîtres d’œuvre du Mali post-putsch. A la mi-avril, ils ont bien été convoqués à Ouagadougou par Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, mais depuis, rien. Alors que dès la consommation du coup d’Etat, ils s’étaient organisés en deux principaux camps, selon qu’ils soutiennent ou non les putschistes, ayant comme arbitres des modérés, plus prudents, qui eux ne se focalisaient pas trop sur qui va commander ou non. Ces modérés étaient (sont) plus préoccupés par le sort des occupés du nord. Ils avaient raison.

Mercredi, en effet, deux jeunes gens auraient reçu chacun cent coups de fouet à Tombouctou. C’était la sentence prononcée par Ansar Eddine à l’encontre d’un jeune couple accusé de relations intimes adultérines en concubinage. Le couple a ensuite été marié de force selon les prescriptions de la charia. Cette sentence est surtout le point de départ de l’imposition effective de la loi islamique, prouvant qu’Iyad Ag Ghali et ses comparses sont décidés à faire ce qu’ils avaient dit. Et « la ville mystérieuse » n’est que le prélude, il faut étendre l’action aux autres régions conquises avant de s’attaquer au reste du pays.

Jeudi donc, pour mieux asseoir la légitimité de sa folle entreprise, Iyad Ag Ghali a convoqué à Kidal des chefs de fraction et de tribus, des leaders religieux et communautaires, des notables et personnalités de la région afin de tenter de les rallier à sa cause jihadiste. Pour l’instant, une fin de non recevoir lui a été opposée. Mais une guerre de leadership est désormais ouverte.

Cette région est fortement influencée par la personnalité de l’Aménokal (le patriarche) des Ifoghas, la fraction sans doute la plus importante et la mieux structurée. Il y a quelque temps, ce chef, Intallah Ag Attaher, a adressé une correspondance à tous les chefs de tribus et oulémas, à ses fils, pour leur dire de se démarquer et de s’écarter d’Ansar Eddine, le « parti d’Aqmi ». Cette correspondance serait-elle restée lettre morte ? Il faut le croire. Car même si le projet d’Iyad Ag Ghali a été désavoué par la centaine de participants à cette réunion, on peut croire que le vieux patriarche n’est pas si écouté. D’abord parce que les gens, alors qu’ils n’y étaient pas obligés, ont répondu massivement à la convocation du chef du mouvement jihadiste, ensuite parce que, surtout, dans le même temps, le propre fils du chef des Ifoghas, Alghabass Ag Intallah, se trouvait chez Blaise Compaoré en mission pour Ansar Eddine. A Ouagadougou, avec d’autres responsables du mouvement, ils auraient proposé de négocier avec les autorités maliennes.

Vendredi, ils ont pu croiser les émissaires du Mnla venus avant eux mais ils n’auraient certainement pas eu le loisir de rencontrer Cheick Modibo Diarra. Le Martien était parti encore une fois chez Blaise Compaoré quemander des négociations avec les envahisseurs. On se demande ce que ce responsable pourtant si plein de pouvoirs veut bien négocier. Les mauvaises langues disent qu’il tergiverse pour imposer de jouer des prolongations. Or l’urgence est là : il faut libérer le nord de l’indépendance et de la charia.

Samedi, à propos des indépendantistes, la ville de Gao a été surprise. Répentance ou ruse, deux responsables du Mnla, Mohamed Diéri, Songhay et vice-président, et Mossa Ag Assarid, Targui et ministre de la communication, sur les ondes de certaines radios privées de la place, ont présenté des excuses publiques pour tout ce qu’ils ont fait endurer aux populations car ces derniers temps. Sincère ou pas, le repentir public pourrait attendrir certains occupés et les amener à s’associer avec les Pouilleux dans leur lutte désormais inévitable et inéluctable contre Ansar Eddine, Aqmi et Mujao.

Cheick Tandina

 

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2 COMMENTAIRES

  1. S’il s’agit de négocier pour ruser, OK. Sinon, ATT a été condamné parce qu’il a négocié, et au moment de sa chute il avait cessé de négocier, ce qui finit par accélérer sa chute par des soldats effrayés par AGUELHOC. Que peut-on négocier après tout ce qu’ATT a essayé avec ces gens (intégration et réintégration, postes juteux, argent, quasi complicité dans le paiement des rançons, etc.) Il est évident que ni la charia, ni l’indépendance n’intéressent ces gens. Ces soi-disants combattants de l’islam sont essentiellement des ‘’Mounafikoum’’/ les ennemis internes de l’islam : leurs activités se limitent aux vols, viols, pillages, narcotrafics, pirateries, etc. Le MNLA n’est qu’une minorité d’une minorité touareg. Aujourd’hui qu’ils ont quasiment indépendants, tout le Nord Mali est à l’arrêt EXCEPTIONNELLEMENT FAIT DU NARCOTRAFIC ET DU TRAFIC D’ARMES. Enfin, toute cette négociation semble se tenir sans la majorité sonray, sans les arabes, sans les bellahs, sans les peulhs et sans les dogons qui sont assujettis ! C’est dire qu’à terme, si l’armée malienne ne se démène pas, la guerre civile est inévitable au Nord, parce que nulle part au monde, une minorité n’opprime une majorité ad vitam et ad eternum (même l’Afrique su Sud blanche n’y est parvenue). Si l’armée malienne a des problèmes à s’en sortir seule et qu’elle veuille s’en sortir, elle ne peut qu’acquiescer à la venue de la CEDEAO, ce qui suppose la perte de son arme de terreur de la presse, des leaders politiques et de la population en général. On ne peut pas quémander et poser des conditions…

  2. La révolte contre le régime ATT est aujourd’hui récupérée par des profiteurs à d’autres fins.
    Ce qui ne rendra pas la tache facile sur le plan politique et militaire les choses sont très mal gérées.
    Au lieu que l’esprit d’apaisement prévale c’est les règlements de compte qui risque de trop durer et d’être répétitifs.
    Il faut mater la rébellion permttre à l’UDPM de revenir dans la vie politique restaurer la cohésion dans l’armée cela facilitera la stabilité nationale.
    Il faut une bonne gestion de l’affaire de mercenaire qui tend à devenir l’affaire de bérets rouges.
    Il y a eu beaucoup de choses mais évitons qu’il ait trop de choses.

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