Infos ou intox ? La république déglinguée

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La semaine a connu des soubresauts et rebondissements inattendus ici, sur les plans sécuritaires, institutionnels et politiques. La presse, dans son ensemble, n’est pas restée en demeure

Lundi, une déclaration unilatérale du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) faisait part de la création d’un Etat (et d’un conseil) islamique de l’Azawad.

Relayée, l’information est condamnée par la communauté internationale et les autorités maliennes. Et à part les condamnations, rien d’autre. La Cédéao dit qu’elle attend l’appel au secours officiel du gouvernement pour se saisir militairement de la question. L’Algérie est préoccupée mais hésite encore à s’aventurer hors de ses frontières et à mécontenter ses propres Touaregs. La Mauritanie continue de faire double jeu, surtout celui de la France, au détriment de son voisin sans président opérant. Le président français, fraîchement élu, François Hollande, compatit mais ne veut engager son pays dans une guerre que sous l’étendard onusien. La journée se passe dans l’angoisse des uns et la jubilation des autres. Deux jours plus tôt, samedi soir, les canons ont tonné toute la nuit à Gao pour fêter l’union entre les deux mouvements.
Mardi, ce mariage entre Mnla (indépendantistes et séparatistes) et Ansar Eddine (jihadistes et terroristes) se révèle être un canular. « L’accord de principe » reste en son état, certains indépendantistes ne veulent pas entendre parler de charia. Au sud également, on ne veut pas de la loi islamique. Ça et là des voix fusent pour dire que le Mali est un pays laïc, que les Maliens pratiquent un islam modéré et tolérant. Ces mêmes voix, il n’y a pas si longtemps, affirmaient haut et fort que le Mali est pays de l’islam. « Nous sommes musulmans à 99,99%, il n’est pas question qu’on sorte du cadre strict du Coran et de la loi islamique » pour faire plaisir à l’Occident satanique en accordant des droits hors normes aux femmes et à une certaine catégorie d’enfants.

Les 50 000 places du Stade du 26 mars n’ont pas pu contenir la foule sortie massivement pour fustiger un Code des personnes et de la famille, adopté par l’Assemblée nationale mais jugé trop modéré et tolérant envers les femmes et les enfants nés hors mariage. Et voici que ces voix, qui n’aiment pas les codes modérés et tolérants, se découvrent brusquement modérées et tolérantes, et ne veulent pas entendre parler d’Ansar Eddine venu leur donner l’occasion d’appliquer la charia et de prouver qu’elles sont bel et bien musulmanes. Même à Tombouctou, qu’on ne perd jamais une occasion de présenter comme étant une vieille Cité sanctifiée par 333 saints, ne veut pas plus de la loi islamique basée sur le Coran et la Sunna. D’où cette question pleine de perplexité : en dehors du Coran (parole révélée de Dieu) et de la Sunna (faits et gestes du prophète de l’islam) sur quoi un musulman peut-il ou doit-il fonder sa foi et sa croyance ? Il faudrait peut-être savoir ce qu’on veut.
Mercredi, dans le cafouillage général d’intégristes qui se braquent et de populations qui fuient la religion, le Mnla, toujours unilatéralement, fait état de l’installation d’un gouvernement de quarante ministres et d’un Conseil permanent de douze membres. La situation devient donc encore plus grave. En tout cas suffisamment pour alarmer la communauté internationale et pousser les autorités de certains pays à une réflexion plus nourrie.
Jeudi, sur RFI, Yayi Boni, terrorisé, craint plutôt un Etat terroriste infesté d’intégristes et de bandits armés, à l’image de l’Afghanistan, et invoque une intervention onusienne sur le modèle somalien. Mais il y a un hic : l’Onu n’a pas l’habitude de ce genre d’intervention, habituée plutôt à s’interposer entre différents belligérants après l’obtention d’un accord de paix ou d’un cessez-le-feu. Une telle éventualité consacrerait de fait la partition du Mali entre nord et sud, et pourrait, à la longue, aboutir, comme au Soudan, à la création d’un second Etat.
Vendredi, le tragique de la situation ne peut empêcher le sourire quand, comble exquis du comique, le Mnla annonce sur Rfi (encore cette radio) avoir « rejeté » l’accord de principe du samedi précédent. Comme si les Pouilleux étaient en position de rejeter quoi que ce soit. De fait, les parrains (l’Occident pour les Pouilleux, les Arabes pour les Barbus) sont intervenus de part et d’autre, et ont obligé les occupants du nord à se réfugier dans leurs tranchées respectives. Sauf que, ayant abdiqué pour beaucoup aux injonctions du Conseil national des Amazighs, les Pouilleux n’ont pas consommé le « mariage de raison », sont revenus à leur position de faiblesse, avec une perspective très sombre. Celle de perdre encore des combattants. Ceux-ci, interdits par la charia des Barbus de voler, piller et violer, ne supportent plus de vivre dans le dénuement total dans les rangs d’un Mnla en manque de moyens financiers et matériels, et sont tentés par Ansar Eddine plus riche et mieux outillé.
Pendant ce temps, à Bamako, les bérets rouges, dont la fuite de Gao aurait provoqué la chute de cette ville, font l’objet d’une information judiciaire pour tentative présumée d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Ils seraient une dizaine à être entendus par le procureur de la République. Une dizaine parmi laquelle ne figurerait aucun étranger. D’où cette question : où sont passés les mercenaires venus de pays de la sous-région, qu’un certain officier affirmait avoir traqué et arrêté ?
Cheick Tandina

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