Incident à Kidal : La sournoiserie de la communauté internationale

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Suite aux incidents survenus à Kidal, les réactions n’ont pas tardé, y compris du côté de la communauté. On peut toutefois s’interroger si des poursuites vont suivre à l’encontre des fauteurs, en vertu notamment des résolutions de l’ONU qui prévoient des sanctions pour les cas d’obstacle à la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. 

La Médiation internationale, à travers le chef de file dudit accord, l’Algérie, a réagi avec indignation et jugé inadmissibles les événements survenus, le 17 juillet 2019, dans la ville de Kidal où des manifestants ont délibérément saccagé et vandalisé les symboles d’État notamment en mettant le feu au drapeau national. Elle a en effet condamné «avec la dernière énergie» les agissements en les assimilant à une atteinte «gravissime à l’unité nationale du Mali». L’Algérie appelle par la même occasion les Kidalois à se désolidariser du genre de pratique qui fait figure de violation de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

Prenant acte des déclarations de condamnation des parties maliennes, la communauté internationale a également appelé la CMA à jouer un rôle responsable pour un meilleur encadrement des populations. Le communiqué rendu public à cet effet rappelle d’ailleurs aux responsables de la CMA leur engagement – lors du troisième CSA de haut niveau en date du 17 juin 2019 -à œuvrer au retour effectif des symboles de l’État. Le Gouvernement du Mali, pour sa part, est appelé à accélérer le redéploiement de l’Administration, mais il n’est pas superflu de se demander s’il ne s’agit pas un communiqué de plus.

Quoique la Médiation internationale ait réclamé la diligence d’une enquête en vue de démasquer les personnes blâmables pour entrave à la mise en œuvre de l’Accord – conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies -, force est de constater qu’elle n’a jamais été en mesure de s’illustrer par des restrictions dissuasives. Les signatures de l’Accord d’Alger, en mai et juin 2015, ont été suivies d’un calendrier et d’un mécanisme de mise en application constamment violés au point d’en faire monnaie courante.

Même la désacralisation fait du drapeau et d’autres symboles du Mali n’est pas une première car la célébration de l’indépendance de l’Azawad a toujours donné lieu à la même pratique chaque 6 avril depuis 2012 sans que l’on ne crie gare. C’est dire que si l’Algérie tape du poing sur la table, elle joue sans doute convenablement son rôle mais assez tardivement pour ne pas pouvoir rattraper la caducité de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

 Idrissa Keïta

 

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4 COMMENTAIRES

  1. …REMARQUEZ QUE SOUS LE NOM COMMUNAUTEE INTERNATIONALLE ON DESIGNE LA MAFIA ABRAHAMIQUE ET ASSOCIES…..

  2. Ça fait pitié , rire et honte en même temps, ce crime infligé aux symboles de la République du Mali. Que faire ? A l’impossible nul n’est tenu . Ce qui est révoltant , c’est lorsque le médiateur fait semblant d’ignorer les auteurs , qui ne sont d’autres que les animateurs de la CMA, protégés par la France et entretenus par le gouvernement d’IBK. Celui ci fait honte au peuple malien à cause de sa gestion du problème de Kidal. Humilié et bafoué partout , IBK se croit encore le Predident de la République , mais quelle République ? La dignité lui commande de rendre le tablier . Mais jamais il ne le fera . C’est bien sous son règne que notre pays est tombé au fond du puits, plus possible de le sortir . Ce qui s’est passé à Kidal est la enieme fois sans aucune conséquence . Alors les bandits armés peuvent se permettre de faire tout ce qu’ils veulent , face à un homme qui est avide du pouvoir. Les maliens ont tout compris, ils doivent tirer toutes les conséquences sans compter sur IBK qui est au service de la France initiatrice de tous ces malheurs qui s’abattent sur notre peuple. Un jour , la vérité triomphera !

  3. Contribution de l’anthropologue français André Bourgeot d’Août 2009: Adagh n’Foghas pour Ifoghas

    Dans l’analyse qui suit, je ne prendrai pas en compte les contributions produites par des responsables européens de projets de développement confrontés à des réalités bien concrètes qui les ont conduit à être déçus de la Targuité utilisée à des fins personnelles et instrumentalisée , « marchandisée » comme un quignon de pain. Non que cet aspect ne présente pas d’intérêt, bien au contraire (les distorsions entre le dire et le faire sont légions) mais c’est là l’objet d’un autre débat.

    Je m’appuierai donc sur deux textes : l’un intitulé «La Targuité : Réalité tangible ou fonds de commerce douteux ? » du 04/08/2009 – l’autre « Toumast en danger de mort » du 15/08/09 de Mohamed AG HAMATY, alias « Wartehen » sur le forum de débats autour du thé de Kidal Info..

    Chaque texte, à leur manière introduisent trois catégories sociologiques pour décrire les transformations sociales, politiques et économiques que connaissent les sociétés touarègues en général et plus particulièrement celle des Kel Adagh. (« ceux de l’Adagh », Adagh désignant la « montagne » située dans l’extrême septentrion malien vers l’Algérie).

    Sauf erreur de ma part, c’est l’administration coloniale qui a cru bon d’accoler à Kel Adagh, l’appellation lignagère de la chefferie locale à savoir les Ifoghas, leur conférant ainsi implicitement des « droits » d’appropriation sur un territoire et sur les hommes qui y vivent, transformant ainsi l’Adagh en Adagh n Ifoghas (« L’Adagh des Ifoghas ») valorisant, conférant et institutionnalisant un pouvoir politique territorial des Ifoghas sur l’Adagh.

    On remarquera qu’à aucun autre espace ou région géographique, n’est accolé le nom d’une chefferie quel qu’en soit le niveau. En effet, en terme d’unités politiques autonomes les unes des autres (les « ettebel » ou « confédérations » selon la terminologie administrative-coloniale), les Kel Tamasheq, selon leurs catégories endogènes utilisent : Kel Ahaggar (« ceux de l’Ahaggar ») Kel Aïr (« ceux de l’Aïr », Kel Azawad (« ceux de l »Azawad »), etc. Ces appellations géographiques ne sont pas assorties de dimensions politiques. Elles se réfèrent à des massifs montagneux (Aïr, Ahaggar, Adagh) ou à des plaines (Ezawagh ou Azawad selon les endroits). Une autre manière de les classer repose sur l’utilisation de points cardinaux notamment sur l’opposition Est et Ouest : et associés à une appellation « tribale ». Il apparaît ainsi que seuls les gens de l’Adagh sont affublés d’une dimension politique dans leur dénomination introduite par la colonisation. Cet aspect est loin d’être insignifiant et neutre. Il appartient aux intellectuels et historiens locaux de rechercher quel est ou quels sont les administrateurs coloniaux qui sont à la source de cette transformation politiquement significative.

    Par exemple, l’appellation Kel Ahaggar désignant les gens de l’Ahaggar, toutes catégories sociales confondues (aristocratie autrefois guerrière, tributaires, religieux, esclaves, affranchis) ne recèle pas de connotations politiques territoriales. Pourquoi?

    Une des dynamiques fondamentales des sociétés touarègues réside dans le fait que les stratégies de domination et de conquête n’ont pas pour finalité une expansion territoriale mais la « conquête » des populations occupantes. Car en contrôlant des hommes on contrôle les territoires qu’ils occupent. C’est là une des raisons pour lesquelles les espaces politiques touaregs sont flexibles. Ainsi, l’enjeu politique fondamental est donc le contrôle des hommes. Les structures sociales et les organisations des systèmes politiques touaregs (endogamie sociale, hiérarchie socio-politique étanche) incorporent ces stratégies de conquête des hommes : en contrôlant des hommes on contrôle des territoires.

    Or, les « gens de l’Adagh » ont été affublés d’une dimension politique accordée au lignage dominant à savoir les Ifoghas constitutif d’un « ettebel » (unité politique incorporant toutes les catégories sociales) Il suffisait à l’administration coloniale de franchir un pas et de transformer cette montagne en un territoire politique dénommé par le lignage dominant et « tribalement » homogène, constituant ainsi un « isolat » tribal assorti d’une assise territoriale porteur de la conception d’un territoire autonome « tribalement propre et pur ». A l’évidence de tels processus sont d’une gravité extrême car en période de crises profondes, les réactions épidermiques animées par des groupes à la radicalité dangereuse peuvent conduire à des formes d’exclusion, voire « d’épuration » (pas encore physique). C’est un peu ce qui s’est passé avec les événements de Kidal qui ont conduit à refuser des emplois accordés, sur la base de compétences reconnues, par l’ONG Médecins du Monde, à des Touaregs de la région de Tombouctou et à des actes de vandalisme à l’endroit des locaux de cette ONG.

    Ces pratiques dont il importe de savoir si les autorités politiques locales les ont condamnées et sanctionnées, peuvent mettre en péril la paix en Adagh et peut être au-delà. Toutefois, il serait tout aussi dangereux de globaliser les responsables en accusant les Kidalois dans leur totalité, de ces évènements. Il s’agit de minorités agissantes qu’il nous appartient d’isoler et qui font le jeu de forces politiques externes et internes et qui ont intérêt à pratiquer le « diviser pour régner » et à créer des affrontements « tribaux » dans un contexte de compétitions multiples.

    On est là, bien loin de la Targuité et de la cause touarègue (logorrhée des années 90) et autrefois prônées comme valeur cardinale de la culture touarègue. Alors, dans ce contexte de tensions multiples aux origines diverses, ce serait une grave erreur politique de demander le départ de Touaregs résidents à Kidal mais ressortissants d’autres régions du Nord Mali : ce serait s’inscrire dans une logique « tribaliste » et faire le jeu des petits groupes radicaux dont l’assise sociale reste à démontrer : au contraire il faut exiger leur maintien.

    Ce sont là des faits qui interpellent à propos des flatteries « ethniques », « culturale-linguistiques » à caractère idéologique qui peuvent être dangereuses pour la démocratie républicaine et l’unité nationale. Dans des contextes de crises graves, les processus qui cheminent lentement et conduisent plus rapidement de l’ethnicisme au tribalisme et du tribalisme au repli sur les lignages sont, historiquement parlant, assez classiques, générateurs de « parcellisation territoriale » du pouvoir politique: et à une multiplicité de « petits pouvoirs » : L’Afrique, malheureusement, peut en témoigner.

    Je reviens à ma première idée. Ma question est la suivante : est-ce qu’une des racines des revendications « ethnicistes » (puis plus récemment, « tribalistes ») depuis 1963 de certains Kel Adagh ne réside-t-elle pas dans cette manipulation linguistique à caractère politique? Si ce raisonnement est juste et pertinent, alors reste à savoir quel est l’administrateur colonial qui a conféré un statut politique « à part » (j’allais écrire « statut particulier »…) à cette montagne? Il appartient aux intellectuels et historiens locaux d’en faire les recherches.

    L’histoire, associée à l’anthropologie (et réciproquement), peut appréhender les phénomènes récurrents et en fournir un éclairage, voire des explications.

    Ce n’est pas là une simple digression. J’en reviens aux trois catégories socio-économiques des deux textes auxquels je me réfère. Cette classification résulte partiellement, me semble-t-il, des bouleversements sociaux, politiques et économiques engendrés par les rébellions des années 90.

    Alors, la question que l’on peut se poser serait la suivante : compte-tenu des spécificités des systèmes politiques touaregs, leur histoire particulière (comme toute histoire…) à l’époque coloniale, les contextes de crises climatiques (1969-1973; 1982-1984), économiques (les plans d’ajustement structurels imposés par les institutions internationales telles que le FMI et la BM dans les années 80), et l’avènement du multipartisme du début des années 90 (contexte international de l’effondrement du bloc soviétique), la violence armée sous forme de rébellion ne renvoie-t-elle pas aux conditions particulières d’insertion de ces sociétés dans les processus de la mondialisation capitaliste hégémonique?

    Enfin, pour terminer (provisoirement) ces courtes analyses, j’ajouterai une 4ème catégorie (bien que ce ne soit pas mon vocabulaire..), à savoir l’émergence des tributaires (trivialement appelés « vassaux ») dans l’arène politique des Kel Adagh, et leur prise du pouvoir par les voies démocratiques au détriment de la chefferie locale, à savoir les Ifoghas (va-t-il falloir alors changer l’appellation « Adagh n Ifoghas et au profit de quelle autre?…..permettez-moi de suggérer : « Adagh n Mali »). C’est là un tournant fondamental qui fait plus que fissurer l’édifice politique dit « traditionnel ». Mais en définitive, cette lutte politique n’était-elle pas déjà inscrite dans les rébellions de 1990? Très schématiquement, n’assiste-ton pas là au passage d’un pouvoir fondé sur le sang (celui des Ifoghas) et construit par la colonisation, à un pouvoir issu des urnes par le peuple? Est-ce pour autant la fin de la colonisation? Pas si sûr : d’autres se pointent même si le terme « colonisation » aux fondements historiques bien précis n’aura plus la même pertinence politique.

    Bref ? voilà quelques analyses, à chaud, visant à alimenter les réflexions et les débats.

    André Bourgeot

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