Le Haut commissaire de l’Onu pour les réfugiés, Antonio Guterres, a effectué une visite de 72 heures dans notre pays. Il a rencontré le chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta, les ministres et les représentants des institutions humanitaires. Antonio Guterres s’est aussi rendu à Tombouctou pour écouter, discuter et voir les conditions de vie des familles rapatriées. Il était accompagné du ministre de l’Action humanitaire, de la Solidarité et de la Reconstruction du Nord, Hamadou Konaté, et de David Gressly, le coordonnateur humanitaire de l’ONU au Mali. La rencontre avec les désormais ex-refugiés de Tombouctou a eu lieu dans la salle de conférence de l’institut Ahmed Baba.
Un débat, sans tabou, a permis de recueillir les différentes doléances des familles rapatriées. Ces familles, à en juger par les interventions des uns et des autres, manquent de tout. Une situation imputable, selon certains intervenants, à l’organisation même de leur retour au bercail. Le processus n’a pas bénéficié de l’accompagnement nécessaire du gouvernement et du HCR. Pour la simple raison que les réfugiés ont décidé de revenir chez eux non seulement en ordre dispersé mais aussi au compte gouttes.
Revenus depuis 7 mois à la faveur des élections, les familles rapatriées de Tombouctou attendent toujours une assistance à la fois de l’Etat et du HCR. Cette assistance tarde à venir alors que pour la majorité de ces familles, tout est à refaire.
A Tombouctou, comme dans les autres régions du Nord, toutes les infrastructures ont été détruites. La réhabilitation de ces infrastructures devait précéder le retour définitif des réfugiés. Actuellement, ceux qui sont revenus au bercail n’ont ni eau potable, ni électricité encore moins de formations sanitaires adéquates et d’établissements scolaires. Lors de sa visite dans les différents camps de refugiés au Niger, au Burkina et en Mauritanie, Antonio Guterres avait pu constater que les refugiés maliens étaient désireux de retourner au bercail, mais ils voulaient au préalable un retour définitif de la paix et de la sécurité et des garanties pour leur réinsertion. Ces trois conditions sont nécessaires pour créer les conditions d’un retour réussi des déplaces et réfugiés.
Le témoignage de cet ancien réfugié au Burkina est éloquent à ce propos : «Nous sommes rentrés, mais nos parents sont nombreux encore à l’extérieur. Ils ont peur de revenir. Faites quelque chose pour nous. Car depuis notre retour, nous n’avons pas le minimum pour vivre. Il n’y a pas d’eau, ne parlons de la sécurité. Tout ceci donne envie de retourner dans les camps ». Cet aveu illustre le drame actuel des familles rapatriées qui jugent donc que la vie de refugiés était moins dure.
CONVENTION TRIPARTITE. Le Haut commissaire de l’Onu pour les refugiés a appelé au dialogue entre le gouvernement et les groupes armés pour créer les conditions du retour des réfugiés. Le rétablissement de la paix et de la sécurité est, estime-t-il, la condition sine qua non pour un retour volontaire des réfugiés maliens essentiellement établis au Niger, au Burkina Faso et en Mauritanie. Les problèmes posés par ces familles sont légitimes, a jugé Antonio Guterres qui assure comprendre le mécontentement et les frustrations des anciens refugiés revenus à Tombouctou.
Cependant les imperfections relevées tiennent essentiellement à la mauvaise organisation du processus de rapatriement. Ce rapatriement relève d’un long processus qui lie à la fois le pays d’asile, le Mali et le HCR. Ce processus a été entamé par la signature d’une convention tripartite entre le Niger, le Mali et le HCR. Les accords avec la Mauritanie et le Burkina sont en cours de finalisation. Ces conventions tripartites visent à installer les mécanismes de facilitation du retour volontaire de nos compatriotes dans la sécurité et la dignité. Notre pays s’engage, de son côté, à poursuivre les efforts de sécurisation et d’amélioration des conditions de vie dans les zones qui accueilleront les ex-réfugiés. Les pays d’accueils doivent garantir l’asile et la protection internationale à ceux de nos compatriotes qui n’auraient pas encore opté pour le retour. En collaboration avec notre pays et les pays d’accueil, l’UNHCR exercera son rôle de supervision et de coordination de l’opération de rapatriement volontaire ainsi que de réinsertion effective et rapide de nos compatriotes qui auront choisi de rentrer au bercail. L’accord met donc en place les mesures nécessaires pour faciliter leur retour volontaire.
Le Haut commissaire de l’Onu pour les réfugiés a promis que son organisation poursuivra son travail d’appui et de sensibilisation en direction des refugiés et déplacés afin que ceux-ci acceptent de retourner dans leurs communautés respectives.
A ce propos, Antonio Guterres a ardemment souhaité que notre pays retrouve la paix et que les conditions économiques et sociales soient réunies pour un retour massif et durable des réfugiés qui ne demandent qu’à revenir enfin chez eux. Cependant, il reste beaucoup à faire pour cela, a admis Antonio Guterres qui a préconisé une synergie autour de la problématique.
DANS SIX SEMAINES. Pour le ministre de l’Action humanitaire, de la Solidarité et de la Reconstruction du Nord, revenir à la maison est le meilleur choix que les déplacés et réfugiés maliens puissent faire. Dans cette perspective, il appartient à l’Etat de s’employer afin que ceux qui acceptent de rentrer au bercail soient mieux soutenus et accompagnés. Leur exemple incitera alors leurs frères à leur emboiter le pas.
Le gouvernement assure être en mesure de satisfaire les doléances formulées par les familles rapatriées. Cependant, indique le ministre Konaté, il le fera bien si tous le font ensemble. Réfugiés, déplacés, Etat, partenaires doivent donc conjuguer leurs efforts pour mieux organiser le processus de rapatriement volontaire lancé par le gouvernement. Pour marquer la volonté des pouvoirs public d’aplanir les difficultés, Hamadou Konaté a annoncé le remboursement des 165 millions de Fcfa de frais de transport engagés par les réfugiés qui sont retournés sans assistance.
Le ministre a promis que le rapatriement des réfugiés et déplacés bénéficiera désormais de toute l’attention possible. Hamadou Konaté a jugé compréhensible l’impatience des anciens refugiés face à leurs difficultés d’insertion et a annoncé une intervention coordonnée pour gérer cette question. Il a estimé que l’Etat devait être visible et que ses actions ait un impact positif sur la situation. Il a donné rendez-vous dans 6 semaines pour la mise en œuvre de ce paquet de résolutions.
L’attention des visiteurs du jour a aussi été attirée sur la situation des réfugiés vivant en Algérie qui semblent avoir été oubliés. L’assurance a été donnée par le gouvernement et l’UNHCR que la prise en charge de ce cas particulier est déjà engagée.
Antonio Guterres ne pouvait quitter Tombouctou sans visiter les hauts lieux de la Cité légendaire.
M. A. TRAORE