L’Hôtel Safir d’Alger a abrité du 10 au 12 décembre 2011 une conférence internationale d’urgence contre les guerres d’occupation, l’ingérence dans les affaires des pays et en défense de l’intégrité et la souveraineté des Nations.
Co-organisée par le Parti des Travailleurs (PT) et l’Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA), cette conférence internationale a enregistré la participation de plus d’un millier de délégués venus de tous les continents et représentants des organisations politiques et syndicales d’Afrique, d’Europe, d’Asie, d’Amérique Latine, des Caraïbes et des Etats-Unis.
Le Mali était représenté à cette conférence internationale d’urgence par une délégation du parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance) conduite par Nouhoum Keïta, Secrétaire Administratif du Bureau Politique, membre du Comité Central et comprenant en outre le Pr Balla Konaré, membre du Comité Central du Parti. On notait également la participation d’une délégation du SYNACOME (Syndicat National de la Construction Civile , des Mines et de l’Energie) dirigée par Baba Dao, Secrétaire Général de la Section Nationale et Ibrahima Guissé.
Dans son allocution d’ouverture, Louisa Hanoune, Secrétaire Général du Parti des Travailleurs, a rappelé le contexte dans lequel se tient cette conférence internationale d’urgence. Selon elle, pour la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, le nord de l’Afrique est la cible d’une intervention militaire perpétrée par l’OTAN, alors que déjà les basculements qui s’opèrent à un rythme de plus en plus accéléré, sur tous les continents, aggravant les souffrances et la régression, comme produit de l’ingérence et des interventions militaires étrangères, mettent à l’ordre du jour l’avènement d’une ère de guerre généralisée et de chaos.
Pour illustrer ses propos, Louisa Hanoune a évoqué les images révoltantes de l’intervention étrangère prétendument humanitaire en Somalie, il y a 20 ans. Un pays qui a sombré dans le chaos ruiné par le paiement de sa dette extérieure et le Programme d’Ajustement Structurel (PAS).Elle a aussi donné l’exemple de nombreux pays qui ont plongé dans les guerres civiles du fait du pillage de leurs ressources, des manipulations et des interférences extérieures comme en République Démocratique du Congo, au Rwanda, le Burundi, la Côte-d ’Ivoire.
Analysant le concept d’intervention humanitaire, Mme Louisa Hanoune souligne qu’il est le prélude au droit pour les grandes puissances de s’immiscer dans les affaires internes des pays, d’intervenir militairement directement, sous couvert de l’OTAN ou à travers des Coalitions internationales sous leurs ordres, avec pour objectifs d’organiser le pillage systématique des richesses naturelles et ressources des peuples, de garantir de nouveaux marchés aux multinationales. Et dans le même temps, est imposée davantage la militarisation sur tous les continents par l’installation de bases militaires étrangères et la multiplication des zones de conflits.
Selon elle, l’ingérence extérieure est désormais un trait dominant dans la situation mondiale et elle n’exclut aucun domaine et aucun continent, se substituant aux souverainetés populaires et violant les souverainetés nationales. Elle inclut l’interférence dans le choix de dirigeants et la nature des régimes par l’immixtion systématique dans les processus électoraux des pays opprimés d’Afrique, d’Asie et des Amériques, pour faire élire des forces politiques acquises aux politiques dictées par les centres impérialistes ; elle contrarie le cours des processus politiques naturels d’émancipation des peuples et offre l’occasion aux grandes puissances de créer des situations d’impasse et de pourrissement qui provoquent des dérives meurtrières, ouvrant ainsi la voie aux interventions militaires étrangères.
Ingérence internationale, une menace aux droits politiques et sociaux
Pour Louisa Hanoune aucune Nation n’est à l’abri des ingérences étrangères, lesquelles constituent une sérieuse menace aux droits politiques et sociaux conquis par les Etats, les syndicats et les partis ainsi que de tous les acquis de la civilisation humaine. A l’exemple de la Grèce , pays dans lequel le G20 est intervenu pour annuler une décision du Premier Ministre grec, de convoquer un référendum populaire sur le plan meurtrier d’austérité imposé par le FMI et l’Union Européenne. Le tableau est comparable dans d’autres pays d’Europe comme l’Italie, le Portugal, l’Espagne et l’Irlande qui sont placés sous tutelle de la Troïka composée du FMI, de la Banque Centrale Européenne et de l’Union Européenne qui dicte tout, aussi bien les politiques d’austérité antipopulaires que l’identité de ceux qui doivent les mettre en œuvre pour réduire les déficits et éponger les dettes dont les travailleurs et les peuples n’en portent aucune responsabilité.
Revenant sur les bouleversements qui ont marqué l’année 2011 plus généralement en Europe et plus particulièrement aux Etats-Unis, au Maghreb et au Machrek, Louisa Hanoune a souligné qu’en réponse aux aspirations des peuples à vivre dans la dignité et la liberté, les Gouvernements des grandes puissances accélèrent la marche vers la barbarie, matérialisée par le saccage des conquêtes sociales, les guerres d’occupation et les interventions militaires en Asie et en Afrique.
La région sahélo-saharienne, une poudrière
S’agissant de la situation en Libye, la Secrétaire Générale du Parti des Travailleurs Algériens a affirmé que ce pays est soumis à de lendemains incertains, car l’intervention de l’OTAN et l’armement massif des civils (plus d’un million de pièces à Tripoli, 100.000 Kalachnikovs et 15.000 missiles sol-air volatilisés), ont non seulement créé les conditions d’une guerre civile, mais transformé l’ensemble de la région sahélo-saharienne en une poudrière. En attendant d’avoir le bilan réel du nombre de victimes civiles occasionnées par l’intervention militaire, l’OTAN a mené une destruction massive et systématique des infrastructures économiques vitales de la Libye, afin de créer les conditions pour un marché florissant de la reconstruction évaluée à 470 milliards de dollars US. Ce sont les multinationales des pays ayant participé aux frappes notamment les USA, la Grande-Bretagne , la France , l’Italie qui se partageront les juteux contrats. Quelques miettes reviendraient aux entreprises turques et qataries en guise de remerciement pour avoir soutenu avec zèle l’intervention militaire. Ainsi, les 200 milliards de dollars de fonds souverains libyens gelés s’avéreraient insuffisants. Ce qui signifie que la Libye va sombrer dans la spirale de la dette en faisant appel au FMI. Ses richesses pétrolières déjà ouvertement convoitées par les multinationales, en contrepartie des frappes aériennes, seront hypothéquées pour des décennies, détournées des besoins du peuple libyen.
Pour Louisa Hanoune, le choix de la Libye comme cible de l’agression n’est pas fortuit : outre les richesses que son sol recèle, ce choix est également en rapport avec les développements en Tunisie et en Egypte où les peuples ont décidé de prendre leur destin en main, par les moyens de la démocratie, pour se libérer des régimes corrompus au service d’une minorité de riches et du capital international.
L’Algérie qui partage 950 KM de frontières avec la Libye est l’objet de chantage extérieur continu exercé contre elle par les Gouvernements des grandes puissances. Après avoir été par le passé saigné à blanc par la dette extérieure et subi la politique d’ajustement structurel qui a massacré son potentiel économique, il est reproché à l’Algérie de mettre en œuvre une politique socio-économique à contrecourant des politiques meurtrières de rigueur appliquées en Europe et aux Etats-Unis au profit des banques et entreprises privées.
L’introduction de correctifs importants dans l’orientation économique notamment la renationalisation des hydrocarbures en 2006, la restauration de la souveraineté de décision économique à travers la LFC 2009 et celle de 2010, l’injection d’importants investissements publics dans la relance économique, les augmentations de salaires et autres dépenses sociales malgré les pressions du FMI, de la BM , de l’UE et des Gouvernements des grandes puissances, l’instauration de la règle de 51/49 dans les contrats de partenariat avec les étrangers, le droit de préemption au profit de l’Etat, la préférence nationale, l’obligation pour les entreprises étrangères d’investir une part de leurs bénéfices en Algérie, sont autant de raisons qui expliquent cette politique d’hostilité et de chantage menée par les Occidentaux. S’y ajoute l’extrême convoitise des multinationales US et européennes du marché de la relance économique du pays qui s’élève à plus de 286 milliards de dollars et pour l’octroi duquel des pressions de toutes sortes sont exercées sur l’Etat algérien afin qu’il offre le pactole à ces multinationales sur un plateau d’argent. Une autre raison de cet acharnement contre le pays : son opposition ferme et résolue à l’installation d’Africom sur son sol et dans l’ensemble de la région.
La grande détermination du peuple algérien à défendre sa souveraineté
Cependant, Louisa Hanoune a tenu à marquer l’extrême détermination du peuple algérien à défendre sa souveraineté et son indépendance et à faire échec à toutes les tentatives de déstabilisation d’où qu’elles viennent.
En concluant son discours, la Secrétaire générale du Parti des Travailleurs Algériens a affirmé que partout dans le monde, les peuples se dressent contre la guerre sous toutes ses formes, contre le diktat des Gouvernements des grandes puissances et des institutions à leur service. Leur résistance à la guerre signifie la défense de la civilisation humaine, contre la barbarie rampante en Europe, dans les Amériques, en Asie et en Afrique.
Siaka Z Traoré
Encadre
Bilan de la Conférence Internationale d’Alger
La rencontre internationale d’urgence contre les guerres d’occupation, l’ingérence dans les affaires internes des pays, convoquée à la suite de l’agression contre la Libye, a été un franc succès. Les délégués présents ont unanimement salué ce travail de mise en lien effectué par l’Union Générale des Travailleurs Algériens et le Parti des Travailleurs.
Ils ont reconnu et partagé l’idée selon laquelle, après la destruction de la Libye et sa mise sous tutelle réalisées par l’OTAN, les puissances capitalistes ont cédé la place à Africom pour agir sous le couvert de la lutte contre le terrorisme et la circulation des armes en provenance de la Libye , préparant le terrain à une présence militaire étrangère permanente.
Le tour ainsi joué, les pays de la région opposés à une présence militaire étrangère, se trouvent devant le fait accompli, les conditions d’une telle présence étant fabriquée par la situation d’insécurité induite par l’intervention de l’OTAN prenant en otage tous les pays de la région.
Dans le même temps, le tribalisme qui caractérise la structure sociale de la Libye permet la mise en œuvre dans toute la région du plan US visant à dépecer les Nations ; du Pakistan à la Mauritanie sur des bases ethniques, communautaires et religieuses, les tributs ayant des ramifications dans les pays voisins. La manipulation de cette question conjuguée aux fragilités sociales dans la plupart des pays de la région devient un risque majeur de désintégration des unités territoriales. La boîte de pandore est ainsi ouverte.
Les participants sont unanimes à déclarer qu’il y a une situation d’urgence, lorsque les grandes puissances décident d’intervenir militairement sous l’égide de l’OTAN en Libye ouvrant la voie devant l’insécurité et l’instabilité dans la région, mettant en péril l’intégrité des pays du Sahel. Alors que déjà ces puissances ont détruit l’Irak par la guerre d’occupation, elles poursuivent la guerre en Afghanistan, maintiennent Haïti sous occupation militaire, imposent des bases militaires dans différents pays du monde.
Ils dénoncent vigoureusement l’intervention militaire en Libye qui, loin de «libérer» le peuple libyen, prépare les violences de demain sur des bases tribales ethniques et communautaires. De même, ils s’opposent à l’installation d’une base militaire étrangère, qu’il s’agisse d’Africom ou d’autres, dans la région du Sahel sous quelque prétexte que ce soit. Ils reconnaissent qu’il y a situation d’urgence lorsque les grandes puissances préparent les conditions de la guerre généralisée dans la région du Machrek, en continuant notamment à dénier ses droits au peuple palestinien qui se voit soumis aux exactions, à l’enfermement à Gaza et en Cisjordanie, à la répression, à la négation du droit au retour pour tous les réfugies.
Les participants ont également déclaré leur ferme opposition à toute intervention militaire en Syrie et en Iran, avec ou sans l’aval de l’ONU. Ils réaffirment la même position contre la guerre par procuration au Bahreïni, contre la répression du peuple bahreïni et sont solidaires avec sa lutte pour ses revendications et ses droits politiques.
Aussi, ils reconnaissent qu’il y a une situation d’urgence, lorsque les grandes puissances déclenchent une guerre sociale en Europe et aux Etats-Unis, par des plans de rigueur assassins, pour sauver les spéculateurs, les banques et assurances privées ou lorsque ces puissances érigent l’ingérence dans les affaires des pays en système mondial, s’arrogeant le droit de disposer du sort des Nations et des peuples.
Réunis à Alger, les participants marquent leur refus de voir les réalisations de la civilisation humaine anéanties. Ils accusent les grandes puissances et les institutions à leur service, de mettre en danger la continuité de l’humanité par les guerres, les famines, la destruction des conquêtes sociales qui matérialisent le progrès humain.
Pour réussir ce combat et mettre fin aux agressions de ces puissances capitalistes, la Conférence Internationale d’urgence tenue à Alger les 10, 11 et 12 décembre en appelle à la construction d’un puissant mouvement de solidarité qui militera en permanence pour le droit des peuples à vivre en paix et dans la dignité, à décider librement de leur présent et leur avenir par l’exercice des droits démocratiques.