Guerre au Mali : La presse indésirable à Sévaré

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Aller dans la région de Mopti est devenu un véritable parcours du combattant, dès lors que l’on est titulaire d’une carte de presse. Markala, Niono, Diabali et plus au Nord, San et, depuis quelques jours, Somadougou, sont les seules «villes ouvertes» à la presse, toutes provenances confondues.
Djenné vient de passer en «zone rouge», non sur les sites de Conseils aux voyageurs des chancelleries occidentales, mais tout simplement parce qu’il fut loisible un moment d’y louer une pinasse pour rallier Mopti par voie fluviale. Si nombre d’habitants ont fui les zones de guerre par crainte, soit de dégâts collatéraux, soit de représailles de type racistes, les check points militaires sont devenus des sites de regroupements de journalistes.
Peut-on entrer à Sévaré? Ont-ils ouvert la route? Quand pourrons-nous faire un reportage à Konna? Comment accéder à Douentza? Qui a un contact dans telle ou telle localité? Les journalistes maliens qui ont tenté, comme je l’ai fait cinq jours durant, de faire leur métier en se rendant sur le terrain, se sont retrouvés à jouer le rôle de «facilitateurs», en toute confraternité, pour leur confrères des radios, télévisions et journaux venus des quatre coins du monde.
En apprentis militaires, nous avons nous aussi envoyé des «éclaireurs» glaner quelques informations et suivre l’évolution des mouvements. Stratégie numéro 1: dormir à San et se rendre tôt le matin vers Sévaré, car on ne pouvait aller à Sévaré. Le premier jour, c’est à Somadougou que l’on nous a dit, d’un ton sans appel: «vous ne passerez que si nous recevons un coup de fil du ministère de la Défense. Les accréditations du ministère de la Communication et les autorisations de filmage du CNCM, on s’assied dessus». Le lendemain, l’espoir fut de courte durée, une fois de plus. On pouvait arriver au poste de contrôle de Barbé, mais juste voir Sévaré et repartir dans l’autre sens, vers San ou Ségou, car, comme chacun le sait, Somadougou est loin d’être réputé pour ses capacités hôtelières.
Le QG de la presse internationale est donc actuellement Ségou, ville très accueillante, comme le sont les militaires positionnés à Markala, Niono et Diabali. Tout le monde fait donc son petit micro-trottoir et ses images sur ces trois sites, les seuls accessibles, les seuls autorisés, comme stipulé par la Stratégie numéro 2. Au palmarès des reportages, ajoutons la Base 101 de Sénou, avec ses chars et autres avions et soldats très photogéniques, Stratégie numéro 3, à adopter lorsqu’on n’a plus aucun grain à moudre en 4ème région ou juste avant de s’y rendre!
Tout cela parce qu’il existe, selon les organisations internationales de défense des droits de l’homme, des indices graves et concordants d’exécutions sommaires de «peaux blanches» en Cinquième Région, commises tant par des militaires que par des civils. Le hic est que les enquêteurs de ces organisations ont pu travailler à Sévaré, n’étant pas des membres de cette presse tant honnie. Second aspect totalement contre-productif de cette censure qui ne dit pas son nom, à défaut de pouvoir effectuer des reportages, les journalistes du monde entier ont lu et relu les rapports de HRW et de la FIDH, les ont commentés et ont fait leurs «papiers» sur ce sujet, faute de mieux.
Tout comme on ne peut cacher le Soleil avec sa main, on ne peut, à l’ère d’Internet et du téléphone mobile, empêcher informations et rumeurs de circuler. Le rôle de la presse est de relater des faits vérifiés et recoupés. L’empêcher de le faire ne sert à rien, sinon qu’à amener à douter de notre démocratie, qui garantit la liberté d’expression et celle d’informer. Ce n’est pas le messager qu’il faut «assassiner», ni celui qui dit la vérité.
Cette guerre sans images, ou plutôt avec des images soigneusement sélectionnées et des médias minutieusement choisis, quand ils ne semblent pas totalement «embedded», c’est-à-dire embarqués pour les uns ou intégrés pour les autres, devrait voir ses responsables de la communication témoigner plus de confiance aux professionnels que nous sommes, conscients de leurs responsabilités, qu’ils soient Maliens ou non. L’exemple récent de l’annonce du faux décès de notre confrère de Gao Kader Touré (Que Dieu lui prête longue vie!) le prouve à suffisance!
Ramata Diaouré, Envoyée spéciale

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