Grand reportage à Kidal : Trois mois, après les attaques de Bahanga

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Au mois d’août dernier, Ibrahim Ag Bahanga, qui n’en était pas à son premier coup, s’attaquait à une mission du ministère de l’agriculture présente dans la région de Kidal dans le cadre de la lutte acridienne. Les agents de cette mission et certains gardes et gendarmes, chargés de l’escorte, sont enlevés.

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Bahanga venait de se signaler à nouveau à l’attention de l’opinion nationale et internationale, en rompant unilatéralement l’Accord d’Alger conclu, le 4 juillet 2006, entre les autorités maliennes et l’Alliance du 23 mai pour le changement. Par la suite, l’attaque du poste militaire de Tinzawaten et le siège organisé par le bandit autour de cette localité frontalière avaient fait planer le risque d’une reprise des hostilités à Kidal. L’armée, à la suite d’une opération d’envergure, a finalement desserré l’étau autour de Tinzawaten, qui est totalement sous contrôle des éléments des forces armées et de sécurité.

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A Kidal, le calme règne désormais. En vue d’informer ses lecteurs et l’opinion sur la situation qui prévaut dans la cité de l’Adrar des Iforas, l’Aube a initié un grand reportage. Outre les citoyens, notre envoyé spécial a rencontré les élus, les notabilités et le commandant des opérations militaires, le colonel El Hadj Gamou, qui, pour la première fois, se prononce sur la situation sécuritaire, le cas Bahanga et les opérations militaires en cours à Tinzawaten. Reportage.

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L’Accord d’Alger signé le 04 juillet 2006 avait ramené le calme à Kidal. Mais, en août dernier, Ibrahim Bahanga, à la tête d’une bande armée, est entré en action dans la zone de Tinzawaten. Il venait de rompre le calme en poussant l’outrecuidance jusqu’à prendre en otage des militaires et à poser pour la première fois dans notre pays, des mines. Ces explosifs de guerre, utilisés dans les pays en situation de guerre ouverte, n’avaient jamais servi dans les différentes crises touarègues dont la dernière, de l’avis des Kidalois, n’engage qu’une petite partie de cette communauté.

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Trois mois après ces événements, le constat est bien là, et atteste  que le pire a bel et bien été évité à Kidal dont le sol a été miné en différents endroits par les bandits qui s’étaient retirés dans la localité de Tinzawaten, à 320 kilomètres de la localité de Kidal.

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Les opérations militaires déclenchées par l’armée et les forces de sécurité ont permis de rétablir l’ordre dans le secteur de Tinzawaten. Depuis plus d’un mois, Bahanga et ses hommes ont été contraints d’abandonner le terrain et se sont repliés vers le territoire algérien. Depuis, l’accalmie règne désormais sur le terrain. L’ordre est rétabli à Tinzawaten. Et Kidal retrouve le calme et un climat de sécurité. Le tout sous une forte présence militaire qui rassure les populations.

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La quiétude, une réalité à Tinzawaten

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Face à la gestion de ces tristes événements, il convient aujourd’hui de saluer les autorités maliennes dont la sagesse et l’ouverture d’esprit ont permis d’éviter le pire à notre pays. « C’est une affaire que nous allons gérer avec la raison et non avec le cœur » avait, en son temps, soutenu le chef de l’Etat. Avec la lucidité qu’on lui connaît, Amadou Toumani Touré, avait invité les Maliens à faire la part des choses et à ne point s’attaquer injustement à leurs frères touaregs qui n’ont été mêlés ni de près, ni de loin à cette attaque armée.

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A l’occasion du siège de Tinzawaten, les populations civiles vivant dans la localité avaient fuit pour échapper aux combats nourris ayant opposé les éléments de l’armée aux bandits. Après cette épreuve de force qui a abouti à la reprise de Tinzawaten par l’armée, les populations sont revenues habiter leurs hameaux; nous a confié un officier de l’armée, haut placé dans la hiérarchie de commandement des éléments déployés à Tinzawaten.

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Selon les informations fournies par ce chef militaire, les combats pour la libération de la zone, ont été acharnés. Mais la situation s’est stabilisée depuis un certain temps et la confiance s’est réinstallée entre les populations et les militaires, qui vivent actuellement en parfaite symbiose. Les militaires ne constituent plus pour les habitants de Tinzawaten une source de peur, mais, bien au contraire, leur présence apporte, à ceux-ci, davantage de sécurité et d’assurance, a dit l’officier. Celui-ci a par ailleurs apprécié le bon comportement des forces armées. Un comportement basé sur le respect strict des consignes, et qui a permis de faire rétablir très vite la quiétude dans la zone. « La situation à Tinzawaten est actuellement sous parfaite maîtrise grâce aux patrouilles militaires qui sillonnent toute la zone jusqu’à la frontière algérienne », a-t-il conclu.

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Tous, pour la paix

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Aucune action de longue portée n’est possible dans une situation de crise. C’est du reste l’analyse que les populations kidaloises font de la crise. Cette crise, selon les kidalois, est la principale cause de la cherté de la vie aujourd’hui à Kidal ; une ville qui vit sous une forte pénurie justifiée par le départ précipité de nombre de projets de développement.

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« Notre souhait le plus ardent, est qu’on trouve une solution définitive à cette crise et à la question des otages » confie Harouna Maïga, un jeune commerçant dont la boutique se situe au centre ville. C’est à quelques mots près, le même sentiment d’un autre passant qui estime que « cette situation de pénurie risque de perdurer aussi longtemps que Bahanga et ses hommes resteront blottis dans la brousse ». Une situation qui, de son avis, n’offre pas suffisamment de garantie pour les partenaires.

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Même si l’activité économique a repris à Kidal, il faut reconnaître que ce n’est pas sans grande difficulté. En effet, les populations trouvent très excessifs les prix des produits, notamment les denrées de première nécessité. Une flambée qui motive actuellement une certaine prise de conscience des populations. Celles-ci commencent à chercher les vraies raisons de cette crise.

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Mobilisation générale

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« Seule la question des otages, toujours en suspens, cause cette situation qui est la suite logique du départ de Kidal de la plupart des projets et Ong de développement», analyse de son coté Sidi Ag Abdallah, enseignant à Kidal.

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En plus de cet aspect économique, il faut reconnaître que les populations de la zone, habituées à circuler librement, sont aujourd’hui à bout. Les contrôles systématiques des passagers entrant dans la ville ou en partance pour une localité relevant de la circonscription de Kidal, sont autant de signes de malaise que les populations veulent voir cesser. C’est pourquoi, cette situation d’insécurité, imposée ici par le rebelle Bahanga est, pour la plupart des habitants, une situation qui ne doit plus perdurer. C’est la raison principale de la multiplication depuis un certain temps des initiatives tendant à trouver une issue définitive à la crise. Le premier signe annonciateur de cette aspiration des populations a été la tenue, en début du mois d’octobre dernier, d’une grande assemblée générale. Elle a regroupé toutes les sensibilités de la communauté touarègue. Au centre des échanges, la libération des otages et l’accélération du processus de déminage de la zone de Tinzawaten. Lors de cette assemblée très suivie, les participants ont fustigé le comportement du rebelle avant de l’inviter à regagner l’ordre républicain.

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Après la tribu des Kounta, les députés des quatre cercles de Kidal ont rejoint le mouvement. Dans une démarche purement interne, ils se sont concertés pour toucher Ibrahim Bahanga et le faire revenir à la raison. C’est le principal message qu’ils ont chargé dernièrement Iyad Ag Ghaly de porter à la connaissance du rebelle qui était sur le territoire algérien où il s’était retiré depuis que l’accrochage à Tinzawaten avec l’armée a tourné en sa défaveur.

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Dans un entretien sur place à Kidal, Mohamed Ag Intalla et Mohamed Ag Bibi,  respectivement député élu à Tin Essako et à Abeïbara, nous ont fait part de leur ferme engagement aux cotés des autorités maliennes afin d’obtenir la libération inconditionnelle des otages. Pour ces députés, qui ont la particularité d’être tous deux de la même communauté que le rebelle Bahanga, c”est-à-dire de la tribu minoritaire des Ifoghas, l’heure est désormais à la prise de conscience et au retour de la paix et de la stabilité dans leur région.

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« Même si Bahanga exige encore le retrait des militaires de la zone de Tinzawaten avant de procéder à la libération des otages, notre conviction, qui est aussi celle de toute la communauté touarègue, est que cette libération doit se faire dans les plus brefs délais et sans aucune condition préalable », a indiqué l’élu d’Abeïbara. Pour lui la création récente d’une commission pour la réconciliation et la stabilité procède de la volonté des élus des quatre cercles de formaliser entre eux un cadre de concertation leur permettant d’identifier tous les voies et moyens permettant de vaincre la résistance de Bahanga et de le faire revenir à la raison.

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La jeunesse donne de la voix

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Au finish, ce qui reste constant, c’est qu’il n y a rien de durable sans paix et sans l’accompagnement de la jeunesse, qui représente l’avenir et le devenir d’une nation. Kidal, dans ce contexte, ne saurait constituer une exception. Et, à la grande satisfaction de toute la population de Kidal, les jeunes viennent également de donner leur caution à la paix. L’initiative a été prise à la faveur d’une conférence régionale sur la paix qu’ils ont tenue à Kidal le dimanche 11 novembre dernier, en présence aussi des jeunes de la campagne. Le thème retenu « Jeunesse et paix : quel enjeu pour la région de Kidal ? » a été jugé opportun par beaucoup en raison de son lien étroit avec la situation particulière dans la région. Une région qui a aujourd’hui un besoin fort de paix et de stabilité pour amorcer sa croissance économique et sociale.

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L’un des challenges que le bureau du conseil régional de la jeunesse a relevé, c’est sans doute la qualité des conférenciers qui comprenaient des personnalités bien imprégnées de la question sécuritaire dans la région. C’est le cas notamment du colonel Dembélé qui a été mis à contribution par les jeunes pour traiter de ce thème sous ces différentes facettes.

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Pour les différentes autorités administratives et communales présentes, cette conférence marque aussi une nouvelle orientation dans le retour de la paix et de la stabilité à Kidal.

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« On ne construit pas un pays en engageant tous ses fils dans les forces armées » a martelé le représentant du gouverneur de Kidal, Mohamed Coulibaly qui présidait la cérémonie d’ouverture de la conférence. Aux jeunes, il a rappelé qu’ils sont l’avenir du pays et de Kidal, qui a aussi un énorme besoin en enseignants, médecins, ingénieurs…

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Comme pour donner leur caution à cette belle initiative des jeunes, les députés des quatre cercles étaient également présents à la cérémonie d’ouverture de la conférence qui a été une franche occasion de communication entre autorités de Kidal et les jeunes qui avaient beaucoup de revendications à formuler, notamment en matière d’emplois. C’est ainsi qu’au nom de ses camarades, Chegaly Ould Al Arby, le président du conseil régional des jeunes de Kidal a insisté sur l’important rôle que doivent jouer les jeunes dans la consolidation de la paix. Mais, pour que les fondements de cette paix soient très solides, a-t-il conseillé, il faut que le taux de chômage des jeunes de Kidal qui est actuellement de 90%, soit revu à la baisse.

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Des revendications jugées opportunes par le représentant du gouverneur qui a informé les jeunes des bonnes perspectives qui s’offrent à leur région dans le cadre d’un meilleur accroissement de l’emploi des jeunes. La mise en œuvre de ce programme a déjà commencé avec le financement étatique d’une formation professionnelle au profit des 220 jeunes anciens combattants de l’Alliance du 23 mai. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’application de l’Accord d’Alger. Elle est le début d’un vaste programme qui devra bientôt voir le jour dans le cadre de l’emploi des jeunes, de la relance des activités économiques de la localité. Toutes choses qui s’inscrivent dans l’objectif global du développement de la région de Kidal qui reste aujourd’hui un idéal pour les pouvoirs publics.  

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Oumar Diamoye,

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Envoyé spécial

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