Gestion des rebellions et des prises d’otages au Sahara : La méthode ATT fait ses preuves

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En franchissant la Méditerranée pour venir, en vol plané, tenter de libérer son compatriote, Michel Germaneau, des griffes des terroristes de l’Aqmi, tapis quelque part dans l’immense Sahara, le président français, Nicolas Sarkozy, savait parfaitement le risque qu’il prenait. Tant pour la préservation de la vie de l’otage que pour sa propre image de chef d’Etat d’une grande puissance. Mais avait-il le choix? Faisant face, depuis un certain temps, aux feux brûlants de l’actualité intérieure, le président français avait, réellement, besoin d’essayer de redorer son blason. C’était compter sans le don d’ubiquité des terroristes qui écument le Sahara. Aussi, il avait superbement ignoré les sages conseils du président malien pour qui l’arme fatale, dans ce genre de situation, c’est la négociation. Comme ATT se plaît à le dire : "Aucun pays, à lui seul, ne peut venir à bout d’Aqmi ". S’il avait été suivi…

Maintenant que Michel Germaneau, l’otage français froidement assassiné par Aqmi, le 24 juillet 2010, alors qu’il cheminait paisiblement vers ses 79 ans, n’est plus de ce monde, il serait immoral de vouloir se hasarder à  pointer du doigt ceux qui ont tenté sa libération. Mais pour l’avenir, car d’autres otages sont encore entre les mains d’Aqmi, notamment des Espagnols, il faudra plus de circonspection et de concertation de l’ensemble des acteurs-pays engagés dans la traque des terroristes dans la bande sahélo-saharienne.

     Ce qui vient de se passer est, en tout cas, une leçon utilitaire pour les amateurs d’opération commando en vue de libérer des otages retenus dans le Sahara. Si l’opération – nous ignorons son nom de code – avait réussi, Michel Germaneau serait, certainement, aujourd’hui, en vie et même déjà dans sa ville de Marcoussis, en France. Mais la conséquence de  ce succès aura été, aussi, qu’Aqmi, qui a la rancune tenace et la violence dans le sang, allait mener des représailles contre les pays considérés comme ayant participé ou  donné leur caution à la France. ATT pouvait-il, dans ce cas, dire : " Je n’ai pas été informé et mon armée n’a pas participé à l’opération ". Peut-être que oui. Mais – et c’est vérité d’Evangile – Aqmi n’allait pas prendre les propos d’ATT au sérieux et notre pays se trouverait, alors, involontairement et de manière plus qu’inconfortable, assis entre deux chaises. Et des deux côtés, le mal allait être infini.

     En violant le territoire malien, sans ordre de mission aucun, le couple franco-mauritanien, cherchait, peut-être, à humilier le Mali, dont le président est, à tort, traité de laxiste dans la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb Islamique.

C’est pourquoi, ses pairs algérien et mauritanien ont décidé de le confiner dans l’isolement. Et cela sur un champ de bataille où sa présence et son expertise s’avèrent plus que déterminantes dans les négociations en vue de sauver la vie d’éventuels otages. Une telle attitude isolationniste ressemble à une sorte de cécité dans un environnement où il faut avoir plus que ses deux yeux pour voir et comprendre. Si ATT a, jusqu’ici, réussi à faire libérer des otages sans, pour autant, vendre son âme au diable, c’est qu’il a su écouter la voie de la sagesse et de la responsabilité qui devrait, en tout cas, primer sur celle des armes, fussent-elles sophistiquées.

Mais ce qui est surprenant dans cette histoire d’isolement du Mali, c’est que la France, elle-même, s’est associée à cette tentative de mise à l’écart du président malien alors que ce dernier vient, tout juste, de souffrir le martyr quand, contre l’avis de son opinion publique, il a fait libérer des terroristes invétérés pour obtenir la  libération de Pierre Camatte d’entre les griffes des membres d’Aqmi. Grâce à ATT, qui a fait fi de l’avis même de ses services de renseignement intérieur (même sans être dans les secrets des dieux, on peut facilement le supposer, car la population était farouchement opposée à la libération des terroristes), ce dernier vit, aujourd’hui, tranquillement dans l’Hexagone et est même devenu l’invité vedette de plusieurs chaînes de télévision.

     Si la Mauritanie est excusable dans cette opération qui, en réalité, est un casus belli, la France l’est beaucoup moins. C’est pourquoi, l’opinion malienne s’interroge et se demande : comment le président Sarkozy, connu pour sa persévérance, son entregent, sa fidélité en amitié mais aussi pour son goût du risque et du défi, a-t-il pu, dans cette opération, à haut risque et déterminante pour la vie même de l’otage, ignorer ATT ? Allant jusqu’à héliporter des forces spéciales françaises et mauritaniennes sur près de 200 kilomètres à l’intérieur du territoire malien, sans prévenir son homologue malien voire daigner recueillir son assentiment. De telles attitudes et comportements confortent la thèse de ceux qui pensent que l’Afrique est encore colonisée. Peut-être que la France le pense. Les incursions non autorisées et des poursuites hasardeuses en territoire étranger pourraient avoir comme conséquences que s’installe une situation de conflits armés pouvant amener à une afghanisation du Sahara et principalement de la bande sahélo-saharienne. Le président français a-t-il conscience de cette éventualité ? Alors qu’en Afrique et, principalement, en Afrique de l’Ouest, l’opinion n’a que faire des mots tels bourbier, enlisement, attaque, explosion, victime, otage, attentat, représailles, mines…entrés par effraction dans le vocabulaire contemporain.

La belle leçon d’humilité     

Dans la gestion des crises, tant de dimension nationale, africaine ou internationale, le président ATT a toujours prôné le dialogue, la concertation et la négociation. Beaucoup de gens s’interrogent, d’ailleurs, de savoir comment un soldat, et de surcroît un commando parachutiste, peut-il être un partisan si zélé de la paix.  ATT est si attaché à la recherche de la stabilité par des moyens pacifiques qu’il irrite, parfois, même ses compatriotes. Rappelons-nous l’Accord d’Alger, signé le 4 juillet 2006, qui a, en son temps, essuyé les foudres d’une frange importante de l’opinion. Mais l’histoire avait fini par donner raison au vieux soldat de la paix, blanchi sous le harnais de la médiation dans les conflits.

En recevant ce tir croisé franco-mauritanien dans le dos, ATT ne s’est même pas retourné pour savoir si c’est Sarko qui a visé, tiré et raté, ou bien si c’est un autre. Dans sa grande sagesse, le président malien s’est plutôt empressé d’envoyer un message de condoléances à son homologue français qui, en retour…de politesse, a instruit à son ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, de se rendre, illico presto, à Bamako pour rencontrer le locataire de Koulouba. Cette rencontre a eu lieu, hier, lundi dans la matinée. C’est un peu comme l’histoire de l’arroseur arrosé.

    Maintenant, de quoi ATT et son hôte ont-ils parlé ? L’opinion publique nationale et internationale a besoin d’en savoir plus sur cette opération ratée aux conséquences incalculables. C’est dire que la bande sahélo- saharienne fait, désormais, face à des Robins des bois, sans foi ni loi. 

    Comme on le voit, la méthode ATT de gestion des prises d’otage est, certes, moins spectaculaire mais elle est beaucoup plus efficace. Dorénavant, ils s’en souviendront. Certainement.

 

Mamadou FOFANA

Chroniqueur politique

mamadoufofana07@yahoo.fr

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