Frictions au sein de la communauté Arabe du Mali : Mohamed El Moctar déploie ses talents de médiateur

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Réunie à Gossi, le 11 et 12 novembre 2011, la communauté arabe du Mali a tenté de passer au peigne fin les problèmes qui la minent à l’interne et de passer en revue des sujets qui alimentent l’actualité brûlante au Nord du Mali. Non sans quelques frictions.

Et, comme le ministre de l’Artisanat et du Tourisme, Mohamed El Moctar, l’a, lui-même reconnu, lors de son discours de clôture, «les choses n’ont pas été faciles». En effet, annoncée tout d’abord pour le jeudi 10 novembre, la rencontre a finalement débuté le lendemain. Dans la plus pure tradition nomade. En petits groupes et après plusieurs coups de fil, les participants se sont regroupés sous un hangar. «Quand on demande aux nomades, généralement habitués à se promener, de se réunir, il faut du temps et, surtout, de la patience».

De la patience, le ministre El Moctar en a bien eu besoin pour rameuter toute la troupe. C’est finalement vers midi qu’il a fini de rassembler son monde. Puisque nous étions un vendredi, jour de prière, le ministre, qui venait de se transformer en véritable chef d’orchestre, était obligé de signifier à tout le monde «on va à la mosquée» et «après la prière, on se retrouve pour les débats».

Auparavant, tour à tour, le Maire, le Président du Conseil de cercle et le très respectable Professeur d’arabe, Ahmed Ould Sidi Mohamed, avaient salué l’initiative d’organiser cette rencontre. Laissant entendre, au passage, qu’elle contribuerait à asseoir un climat de paix et de cohésion, gage de développement harmonieux entre les Arabes et les autres communautés.

Le ministre El Moctar, plus politique, avait, pour sa part, assuré les autres communautés du soutien des Arabes dans la consolidation des nombreuses actions des plus hautes autorités. Saluant, dans le même temps, la jeunesse, venue en nombre pour participer à cette réunion: «je salue la jeunesse, ici présente en grand nombre. Je suis fier de les avoir avec nous. Cela montre que le témoin passe correctement, pour un avenir radieux».

Comme convenu, les participants devaient se rencontrer dans l’après-midi pour échanger autour de plusieurs questions et en tirer des recommandations. C’était sans compter avec les multiples tiraillements qui existent au sein de la communauté arabe, aussi bien chez les personnes âgées que chez les jeunes. D’ailleurs, ce sont les derniers cités qui ont mis le feu aux poudres. Pour éviter toute prolongation des débats, les organisateurs avaient décidé de faire lire la déclaration de Gossi et de clore la rencontre. Mais Abdoul Aziz Ould Mohamed, qui aurait été désigné par les jeunes arabes comme porte-parole la veille, ne l’entendait pas de cette oreille. Il a fait appel à ses supporters pour déclencher un désordre général.

Selon Abdoul Aziz, «on a essayé de faire croire à l’opinion nationale que Sidi Ali Ould Bagna était le président du Bureau des jeunes arabes du Mali. C’est faux, car il n’est que le Président de l’association des jeunes du Sahel». Cette opposition contaminera même la classe politique et contraindra le maire de Tarkint à s’emparer du micro et à proclamer son «désaccord à tout ce qui se dira dans les résolutions». Lui aussi estimera que tout ce qui s’est dit dans les pourparlers a été détourné par un groupe de personnes. Face à ce tohu-bohu, le ministre et les quelques personnes de bonne foi qui tentaient désespérément de calmer la foule ont dû baisser les bras.

Il faut noter que, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres réunions, les débats, cette fois-ci, se sont plutôt déroulés sous les tentes, et souvent à des heures impossibles. Cela, pour éviter tout malentendu et, surtout, pour résoudre au mieux les différends qui pouvaient naître ici et là.

«Chez les Arabes, quand ça crie, c’est à ce moment que tout se règle», dit-on souvent. La fin des travaux de cette rencontre n’a pas démenti cette assertion. Samedi, vers huit heures du matin (chose inhabituelle), tout était mis en place. Les mines étaient plutôt bonnes. Les discours, quant à eux, en appelaient à la cohésion et au dialogue. Comme celui du ministre El Moctar qui a, tout long des deux jours, usé de ses talents de médiateur: «nous sommes tenus d’avancer, même si nous rencontrons des obstacles. Il n’y a jamais de rencontres sans difficultés, mais l’essentiel est de rester soudés autour du même idéal. Femmes, jeunes et vieux, nous somme tous liés par les mêmes idéaux d’unité. Unité sans laquelle nous ne pouvons rien faire. Le Mali est un pays de longue civilisation, que nous devons préserver. Ce n’est pas seulement l’affaire des autorités. C’est celle de tous. Nous, Arabes du Mali, jouerons notre partition dans la construction de ce pays, qui nous est si cher».

Côté recommandations, on note l’appel des Arabes aux leaders du Nord pour un dialogue permanent, la prise des mesures idoines pour sécuriser les personnes et leurs biens et le respect de tous les engagements pris lors du rendez-vous de Gossi. La communauté a, en outre, félicité le Président de la République pour les actions menées dans le cadre de l’accueil des Maliens revenues de Libye. Toutefois, elle demande d’appuyer plus les démarches tendant à les réinsérer dans la vie socioéconomique du Mali.

Le rendez-vous de Gossi, malgré les petites querelles, a été une véritable occasion pour les cadres arabes de toutes les couches socioprofessionnelles de se retrouver. Parmi eux, on pouvait noter la présence de l’hôte, Alla, du Dr. Abdoulaye Alkady Baby, Directeur Adjoint du Cabinet à la Primature, du Dr. Bouya Ben Moulaye Idriss, du Colonel Sid Ahmed, de Mohamde Baby de la BHM, du Colonel Baba Ahmed, venu de Kayes, de Mohamed Ould Mahmoud du PSPSDN et du Colonel Annaji du Groupement de la Garde nationale de Kidal. Sans oublier les opérateurs économiques, comme Nema Ould Sid Amar, PDG de la SONEF ou encore Chérif Ould Taha, pour ne citer que ceux-ci. Gossi 2011 a eu lieu. Rendez-vous est pris pour janvier 2012, dans la Commune de Salam, pour un congrès national. Avec, espérons-le, moins de tiraillements et plus d’actions concrètes.

 

Paul Mben, envoyé spécial

 

 

 

Mise en œuvre du PSPSDN :

 

L’intérêt particulier du Cercle de Gourma-Rharous

 

Tout est bien qui finit bien. Commencées au début du mois d’octobre, les rencontres intercommunautaires menées dans le cadre du Programme Spécial pour la Paix, la Sécurité et le Développement des Régions Nord (PSPSDN) ont pris fin début novembre. A Gossi, où la délégation d’experts a échangé avec les populations du Cercle de Gourma-Rharous, c’est un intérêt tout particulier qui s’est exprimé.

En effet, à travers les nombreux débats, souvent houleux, les participants à la rencontre ont soulevé plusieurs questions, relatives à la sécurité, à la paix et au développement du cercle. Durant deux jours, on a donc passé au peigne fin les problèmes qui freinent le développement et l’entente entre les différentes communautés. De plus, les discussions ont mis un accent particulier sur les moyens mis à la disposition des forces armées et de sécurité pour mener à bien leurs missions régaliennes.

Au sortir, c’est une vingtaine de recommandations qui ont été formulées. Elles vont de la prise en compte, en priorité, du Cercle de Gourma-Rarhous dans la deuxième phase de la construction de différentes infrastructures étatiques, à la création de postes de sécurité, l’électrification de la ville de Rharous, la création d’un programme spécial pour sauver la ville de Gossi ou encore le financement d’Activités Génératrices de Revenus (AGR).

 

Traditionalisme et amertume

Justement, la question concernant les AGR a fait couler beaucoup de salive lors de cette rencontre. Et pour cause! Ici, à Gossi, comme plus généralement dans tout le cercle de Gourma-Rharous, la tradition qui veut que «ce sont d’abord les personnes âgées qui ont droit au chapitre» est fortement ancrée. Or, dans la démarche du PSPSDN, les AGR priorisent les femmes et les jeunes. D’où la remarque d’un notable lors des débats: «On ne parle que des femmes et des jeunes qui doivent bénéficier des projets. Et nous, les vieux, comment allons-nous gagner de l’argent?». D’ailleurs, lors de la rédaction des différentes recommandations, aucun jeune ne figurait dans la commission. Les femmes, quant à elles, ont vite fait de se mettre un peu à l’écart.

Rencontré dans l’une des nombreuses ruelles de la ville de Gossi, un jeune n’a pas manqué de nous interpeller sur ce fait: «actuellement, ils sont en train de rédiger les recommandations. Si vous allez sur les lieux, vous ne verrez aucun jeune. Ici, ce sont les vieux qui veulent tout faire, tout décider et tout mettre en œuvre. Or ils ont souvent des idées dépassées. Nous sommes l’avenir de cette ville, de ce cercle et de ce pays. Si nous sommes mis à l’écart, il y aura un sentiment de révolte et nous irons nous chercher ailleurs».

C’est dans cette ambiance que le PSPSDN s’apprête, pour sa deuxième phase, à combler les différentes attentes. Il faut, enfin, noter qu’auparavant les experts avaient présenté des exposés sur les objectifs du PSPSDN et les thèmes paix, sécurité et bonne gouvernance.

 

 

Paul Mben

 

 

 

Artisanat, maraîchage, teinture…: les femmes de Gossi «forgent leur avenir»

A Gossi, elles sont très nombreuses, mais elles n’ont pas toujours voix au chapitre. Elles, ce sont les femmes de Gossi, réunies au sein de l’Association «Ania» (en Sonrhaï la bonne volonté). C’est cette «bonne volonté» qui a poussé Mme Dicko Zéïnabou Walet Mohamed à «se donner la main avec ses sœurs depuis 1997».

Ainsi, Mme Dicko a convaincu les femmes de Gossi à cotiser, chacune, 1 000 FCFA. La somme récoltée a été remise à l’Agence Norvégienne, qui n’a pas hésité à y ajouter sa contribution. «Le début des activités n’a pas été facile», nous a confié Mme Dicko. Avant de reconnaître «qu’aujourd’hui, les femmes ont compris l’utilité de cette action».

Toutefois, la Présidente de l’Association Ania «craint pour cette année». «L’inondation a laissé beaucoup de familles sur le carreau. Elles ont presque tout perdu. Les remboursements des prêts étaient déjà lents dans les années normales. Cette année, ils seront encore plus lents, à cause de la catastrophe».

Dans cette association, qui regroupe aussi des handicapés, ont fait de la teinture, de la broderie, du maraîchage, de la couture… Pour Mme Dicko, «c’est une façon pour les femmes de prouver qu’elles sont capables, qu’elles ont du talent, qu’elles veulent forger leur avenir». Selon toujours elle, avec l’arrivée très prochaine du PSPSDN, leurs ambitions seront revues à la hausse, pour le bonheur de tous.

 

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