De récents propos du Premier ministre, Moussa Mara traduisent une crise de confiance en l’armée malienne, un sentiment qui est loin d’être partagé par les populations des régions du nord, qui, depuis des mois vivent malgré elles avec différentes forces militaires. Dont chacune a ses priorités et ses objectifs.
«L’Eutm forme en ce moment le cinquième bataillon de notre armée. C’est très bien. Mais si les soldats sont dépourvus de matériel, s’ils n’ont même pas une Kalachnikov, à quoi bon ? Au premier accrochage, ils détalent. » Ces propos que le Premier ministre malien a tenus en France, il y a quelques jours, ont fait couler beaucoup d’encre et de salive. S’ils ont indigné plus d’un, ils jurent surtout avec ce que Moussa Mara avait affirmé après le 17 mai, à savoir que les forces armées et de sécurité (FAS) avaient les moyens de reprendre Kidal et de déloger les groupes armés terroristes qui l’occupent depuis l’intervention française contre le terrorisme dans le nord du Mali. Si, visiblement, le chef du gouvernement n’a plus confiance en ses troupes, ce n’est pas le cas pour les populations du nord. D’un sondage réalisé par Gisse (Groupement d’intérêt scientifique des statisticiens économistes) dirigé par le jeune économiste statisticien Sidiki Guindo, il ressort que dans leur très grande majorité, les habitants des régions du nord croient en leur armée et en ses capacités à faire revenir la sécurité et la paix. A condition que des pays qui se disent amis ou alliés du Mali fassent jeu honnête et clair, notamment en ce qui concerne leurs liens avec les groupes armés terroristes. Ces amis et alliés, ce sont bien évidemment la France et les pays dont les troupes constituent la Minusma onusienne. Comme ces habitants du nord, Moussa Mara non plus ne comprend pas le jeu trouble de la France après son intervention salvatrice et salutaire, en janvier 2013. Mais si les mouvements jihadistes ont été mis en déroute et déstructurés, les actes terroristes continuent toujours malgré les forces en présence. Qui sont-elles ?
Quatre principales forces se partagent le nord malien, chacune avec des intérêts et des objectifs qui lui sont propres.
Totale confiance aux Forces armées et de sécurité du Mali
Il y a tout d’abord les Fama. Elles sont chargées de défendre l’intégrité territoriale mais surtout de la reconstituer depuis que des localités de la huitième région administrative échappent à son contrôle. Elles ont réinvesti le terrain et sont présentes partout à l’exception de Kidal où elles ont été battues par une coalition nébuleuse de rebelles et de terroristes, le 21 mai dernier, suite à la visite du Premier ministre dans cette région. Depuis, elles ont reculé pour se positionner à quelques centaines kilomètres de Kidal, dans le cercle de Bourem. Elles ne sont pas non plus présentes à Ménaka malgré la présence d’un détachement qui est parvenu à se réfugier dans cette localité et à se mettre sous la protection de la force internationale.
Serval puis Barkhane, l’ambigüité
Il y a ensuite les forces françaises. Elles sont chargées, sous le nom d’opération Serval puis Barkhane, de participer à la lutte contre le terrorisme international et l’intégrisme religieux (jihadisme) qui menacent les intérêts des Occidentaux. En rentrant à Kidal avec le Mnla dans leurs bagages et en ne s’interposant pas entre l’armée malienne et ses agresseurs les 17 et 21 mai, les Français ont démontré qu’ils ne sont pas au Mali pour s’opposer à une rébellion armée ou à la scission d’un pays dont ils prétendent être les amis et les alliés. Avec Serval ou Barkhane, il s’agit pour eux de circonscrire le mal dans le Sahel et d’empêcher les terroristes d’y venir s’entrainer pour aller poser des bombes en Occident. Avec la signature d’un accord de défense et de sécurité, ils ont eu ce qu’ils ont longtemps cherché : avoir des bases militaires fixes dans le Sahara, notamment au Mali et au Niger, riche de plusieurs ressources naturelles et propice aux essais militaires.
Casques bleus inoffensifs
Il y a aussi la Minusma. La mission de ces troupes onusiennes est d’assurer la protection des biens et des personnes, de participer au retour d’une paix globale et définitive. La Minusma est mandatée par le conseil de sécurité des Nations unies à l’initiative de la France, et, depuis quelques temps, des voix s’élèvent pour doter ses casques bleus d’un mandat plus musclé. Pour le moment, le caractère offensif de son mandat ne lui permet que de se balader entre les localités et de sauter quelques fois sur des mines anti-personnel ou d’essuyer des tirs de roquettes.
Tchad : Chairs à canon et boucliers humains
Jusque là, ceux qui ne se marrent point, ce sont les Tchadiens. Utilisé comme force supplétive des opérations françaises, ce pays d’Afrique centrale n’a jamais vraiment intégré la Minusma composée essentiellement de pays de l’Afrique occidentale. Ses soldats sont portés aux avant-postes, servant de chair à canon ou de boucliers humains aux forces françaises. Avec des dizaines de morts, ils ont payé le plus lourd tribut dans cette guerre, au point que récemment, leurs autorités sont sorties de leurs gonds pour dénoncer une situation qu’elles ont du mal à comprendre.
Groupes armés terroristes
Il y a enfin les groupes armés terroristes. Le plus emblématique est le Mouvement national de libération de l’Azawad qui a déclenché la rébellion armée en janvier 2012, et dont les combattants sont responsables de massacres de militaires et de civils. Après avoir noué des alliances avec les mouvements islamistes, le Mnla a été le maitre du nord pendant quelques mois avant d’être vaincu et chassé par ses alliés. Revenu à la faveur de l’intervention française, il règne sur la région de Kidal (où sont néanmoins présents quelques casques bleus tchadiens et sénégalais) et une grande partie du cercle de Ménaka (7ème région). A ses côtés, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad. C’est lui qui dispose en réalité de la véritable puissance militaire et des moyens humains et techniques, contrairement au Mnla qui est une coquille presque vide. A côté de ces deux groupes touareg, les Arabes ont également créé le leur : Mouvement arabe de l’Azawad.
Le but de ces trois forces, qui ont chacune leur dissidence, selon le mot du Premier ministre, avec lesquelles le gouvernement, en principe, entamera demain à Alger un nouveau round de négociations, est de parvenir à l’indépendance des trois régions du nord qu’ils appellent Azawad. Alors que, selon les résultats du même sondage, les populations de cette partie du pays sont réfractaires à toute idée d’autonomie ou de fédéralisme. Et, à l’instar du reste du pays, elles ne veulent même pas entendre parler d’un statut particulier pour le nord et attendent que le gouvernement malien et les communautés internationales reconnaissent le vrai statut de ces trois forces : des groupes armés terroristes.
Cheick TANDINA
Traitre
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