Malgré les informations rassurantes des structures gouvernementales et des organismes internationaux concernant la sécurité alimentaire au Nord du Mali, le Forum des ONG Internationales au Mali (FONGIM) continue de soutenir que «le risque est là».
«Quand le gouvernement et les ONG se rencontrent, il est très rare que la réunion prenne fin sans débats houleux», nous confiait un expert chargé de la sécurité alimentaire, il ya quelques mois. Jeudi dernier, lors de la rencontre qui a regroupé le gouvernement et ses nombreux partenaires au siège du PNUD, on a assisté exactement à ce type de scénario.
C’est tout d’abord Gilles Marion, représentant du FONGIM, qui a allumé la mèche. Dans un document qu’il a distribué aux participants à la réunion, il soutient tout d’abord qu’en février 2010 le Système d’Alerte Précoce (SAP) a rapporté que 629 427 personnes étaient en difficulté alimentaire ou économique. Ceci requérait des distributions alimentaires gratuites de large envergure aux populations affectées, de mai à août 2010.
Bien que les agences internationales aient eu des incertitudes par rapport aux critères définissant les difficultés alimentaires ou économiques, et se trouvent confrontées à l’absence de couverture d’autres régions du Nord du Mali, l’enquête menée par le PAM et le CIRAD, ainsi que l’évaluation rapide d’Oxfam‑GB, conduites en mars 2010, ont confirmé que le Nord de notre pays souffrait effectivement d’insécurité alimentaire.
Ces enquêtes ont également confirmé des tendances anormales, tant dans la migration animale qu’humaine (exode) et ont relevé l’utilisation de stratégies de survie néfastes, dues à un accès largement insuffisant à la nourriture.
Par ailleurs, Gilles Marion affirmera que l’évaluation de sécurité alimentaire d’Oxfam‑GB de mars 2010 a indiqué qu’en 2009 la récolte de riz des cercles de Gao et de Bourem ne suffisait à nourrir que 14% des ménages vivant dans ces cercles. Le prix de la nourriture de base, telle que le mil, a augmenté jusqu’à 178 FCFA par kg (plus de 25% plus cher qu’à la même période en 2009), dans la région de Gao, prouvant une insuffisance en céréales dans la zone… Déjà, cette étude recommandait une aide d’urgence. Depuis mars, la situation des ménages s’est encore détériorée, étant donné que beaucoup de ceux-ci ont même vendu ou consommé leurs biens productifs…
En réponse à toutes les données du FONGIM, c’est la Commissaire à la Sécurité Alimentaire, Mme Lansry Nana Yaya Haïdara, qui a réagi la première. «Je trouve votre document très pessimiste. Nous avons déjà eu une réunion sur ce même sujet, et les données sur le terrain sont encourageantes. Je ne vois pas ce que ces points noirs viennent faire dans ce rapport. Vous le savez très bien, de nombreux efforts sont faits et cela amoindrit les souffrances des populations».
Elle sera rejointe par le ministre de l’Agriculture, Aghatam Ag Alhassane. Dans un style qui est propre, il a exhorté les ONGs à «travailler ensemble avec le gouvernement et à chercher la bonne information, pour que les efforts des uns et autres ne soient pas anéantis».
«Je vous aime bien, mais il faut faire la part des choses. La malnutrition et la famine sont deux concepts différents. On peut avoir le ventre plein et être malnutri. La malnutrition existe dans cette zone du Mali, comme on le dit chaque année. Il n’y a, cependant, pas famine. Pour preuve, le PAM acheté du mil au Mali pour soutenir le Niger voisin. Actuellement, il y a une requête de 8 000 tonnes de riz que nous avons reçue et que nous allons satisfaire. Il y a beaucoup de riz au Mali. Il n’y a pas famine au Mali», a-t-il martelé.
Il faut reconnaitre que la crise qu’a connue le Nord de notre pays cette année est plutôt pastorale. Face à cela, le gouvernement et ses partenaires se sont mobilisés. Ainsi, depuis octobre 2009, il a été procédé à la distribution gratuite de 6 970 tonnes de mil / sorgho au profit de 23 communes en difficulté alimentaire et à l’achat, l’acheminement et la vente de 2 000 tonnes de riz et de 1000 tonnes d’aliment bétail à Kidal. Ces opérations ont été déjà entièrement réalisées.
On notera aussi l’approvisionnement en eau potable de Kidal par le PIDRK, à hauteur de 26 millions de FCFA, l’appui alimentaire aux enfants scolarisés, à travers le programme des cantines scolaires du PAM, qui offre désormais 2 repas par jour au lieu d’un seul à 35 895 élèves à Gao et Kidal, l’appui du gouvernement japonais au CSA pour du riz subventionné et celui gouvernement algérien, pour, entre autres, la distribution gratuite de 2 500 tonnes de riz. A ce jour, environ 2 356 tonnes ont été réceptionnées dans les magasins du PAM à Gao, Kidal et Tombouctou.
Il faut aussi signaler que les projets de 3 agences (CERF) sur financement des Nations Unies, avancent normalement. La FAO a déjà procédé à Kidal à des opérations de distribution de kits vétérinaires et d’aliment bétail. Plus de 4 000 personnes vont bénéficier de cette assistance, soit 1 830 femmes et 2 170 hommes, chaque personne devant bénéficier d’une dotation de 150 kg environ. Le PAM a, de son côté, signé le 10 mai dernier des contrats avec les partenaires locaux pour le volet développement rural et le blanket feeding des enfants (6‑24 mois), pour les femmes enceintes et allaitantes. Au total, cette intervention du PAM concerne 10 166 bénéficiaires, y compris 3 260 enfants et 3 336 femmes allaitantes. Enfin, l’UNICEF a actuellement engagé le financement que le CERF lui a alloué et se trouve en phase d’exécution des opérations de surcreusement et de désensablement des puits tout autour de Kidal.
Enfin, chacune des communes du Mali dispose aujourd’hui d’une banque de céréales, grâce aux efforts du gouvernement, avec l’appui de ses partenaires au développement. Des missions de suivi-évaluation seront organisées dans certaines régions par le Commissariat à la Sécurité Alimentaire et l’Administration régionale, pour évaluer la réception des stocks et leur fonctionnement.
Il sied de souligner que la Représentante Résidente du PAM au Mali, Mme Alice Martin Dahirou, a séjourné au Nord du Mali, il y a tout juste quelques jours. Lors de la réunion de jeudi, elle était présente et son compte-rendu augure, semble-t-il, de lendemains meilleurs pour le Nord Est du Mali, en ce qui concerne la sécurité alimentaire.
Paul Mben