Ex-combattants de retour de Libye : Premiers contacts officiels

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Un groupe d’environ 400 personnes récemment arrivé a accepté de rencontrer les autorités régionales de Kidal. Récit.

Le reflux de nos compatriotes de la Libye ravagée par la guerre ne concerne pas que les civils. Il y a aussi ceux qui combattaient dans les rangs de l’armée libyenne. Depuis la détérioration de la situation en Libye, le mouvement de retour de ces combattants était attendu et même redouté. Les craintes d’une détérioration de la situation sécuritaire dans le nord du pays déjà fragile, sont d’autant plus fondées qu’il ne s’agit pas d’innocents civils qui rentrent au pays les mains vides. Un important groupe de combattants pro-Kadhafi a ainsi débarqué mardi à Kidal. Ils sont environ 400 personnes et d’autres convois sont attendus dans les jours à venir. Il y a quelques temps déjà, les différents leaders des communautés de la Région de Kidal avaient lancé un appel à leurs ressortissants intégrés dans les rangs de l’armée de Kadhafi pour qu’ils rentrent au pays. L’appel semble avoir donc été entendu, même si l’effondrement du régime libyen y est pour beaucoup. Un comité d’accueil a été mis en place pour accueillir ces ex-combattants. Ceux-ci, avec en leur tête neuf officiers, ont accepté à l’initiative du comité d’accueil de rencontrer les autorités régionales.

La rencontre a eu lieu mardi dans l’après-midi à Takalot, une localité située à quelques 35 km de la ville de Kidal, dans le cercle de Tin-Essako. Elle s’est déroulée sous l’égide du gouverneur de la Région de Kidal, le colonel-major Salifou Koné. Celui-ci était accompagné d’une forte délégation composée de chefs de services régionaux, de personnalités influentes de la région, d’un membre de l’Assemblée régionale et d’une équipe de médecins. La rencontre s’est déroulée en plusieurs séquences. La délégation a été d’abord reçue par les membres du comité d’accueil qui l’attendaient dans les parages d’une école. Le comité d’accueil est composé d’actuels et d’anciens élus locaux. Certains sont venus des régions de Tombouctou et Gao. On y trouve un membre du Haut conseil des collectivités territoriales venu de Bamako.

Pendant que les officiels discutaient avec les membres du comité d’accueil, les Bérets rouges lourdement armés prenaient position sur les hauteurs qui surplombent le site tandis qu’un officier se mettait à l’écart pour téléphoner avec un téléphone satellitaire. Au bout quelques minutes de conversation en langue nationale tamasheq, il revint vers les officiels et chuchota quelques mots à l’oreille d’un autre officier. Tout le monde commença alors à s’aligner. L’atmosphère était lourde. Soudain un nuage de poussière attira l’attention de tous. Deux véhicules 4X4, des Toyota V8, arrivaient. Ils s’immobilisèrent à quelques mètres du gouverneur.

La portière avant s’ouvrit et un officier, lunettes noires, teint basané, arborant une barbe, en sortit avec un téléphone satellitaire à la main. C’était le colonel-major El Hadj Gamou, adjoint au chef de l’État-major particulier de la présidence de la République. Les autres occupants des véhicules apparurent les uns après les autres. Ils étaient une dizaine au total. El Hadj Gamou après s’être présenté au gouverneur demanda avec humour : « On fait comment ? Est-ce que c’est nous qui venons saluer le comité ? ». L’atmosphère se détendit aussitôt. D’un signe de la main, il demanda aux autres de s’approcher et de se présenter au gouverneur. Exécution. Ces hommes ne portent pas de galons, mais des pistolets à la ceinture ou des fusils mitrailleurs à l’épaule. Un membre du comité d’accueil explique que la dizaine d’officiers revenus de Libye ont derrière eux entre vingt et trente ans de service dans les rangs de l’armée libyenne. Plus tard, des dizaines de véhicules (une cinquantaine) dont des Toyota Land Cruiser V8 flambants neufs arrivent. Certains sont surmontés d’armes lourdes. À bord de ces tout-terrain, des hommes en treillis, enturbannés avec le regard fixe.

Le convoi est accompagné d’un camion citerne pour le ravitaillement des engins en carburant. Le porte-parole du groupe, un certain Mohamed Elbachir qui aurait le grade de colonel, s’exprime en tamasheq et ses propos sont traduits par le colonel-major El Hadj Gamou. « Nous sommes rentrés au pays, sans arrière-pensée. Nous sommes à la disposition du Mali pour la paix et le développement. Nous sommes des militaires. Nous ne connaissons pas d’autre métier ». Un leader local s’invite dans la traduction en confirmant que ces hommes n’ont appris que le métier d’armes et qu’ils souhaitent servir le pays dans ce domaine.

La question de leur intégration au sein des forces armées est ainsi indirectement évoquée. Un autre intervenant se présentant comme le 4ème vice-président du Haut conseil des collectivités territoriales assure que dès le début du conflit en Libye, les leaders communautaires ont appelé tous les ressortissants des régions du Nord-Mali à « rentrer à la maison et se mettre dans une logique républicaine ». « Nous avons aménagé le site de Takalot pour eux et nous les avons guidés par téléphone depuis le territoire libyen jusqu’ici à Takalot. Ce sont nos fils et cousins qui rentrent à la maison après une mésaventure », assure Hamny Belco Maïga, représentant de l’Assemblée régionale de Kidal. Pour Eglès Ag Foni, ancien gouverneur de la Région de Kidal ,et Ambéïry Ag-Rhissa, enseignant à la retraite, le retour des ces ex-combattants libyens dans leur pays d’origine est un motif de satisfaction. « Mais il faut discuter avec eux pour connaître leurs intentions, estime l’ancien chef de l’exécutif régional. Celui qui veut la paix vient se présenter à vous. L’autre qui a des mauvaises intentions ne se fait pas voir. Il n’y a rien d’inquiétant quand on rentre dans son pays d’origine et se présente aux autorités compétentes ». A la fin de la cérémonie, le gouverneur de la Région, le colonel-major Salifou Koné a remis une enveloppe symbolique au comité d’accueil.

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