Deux mois après le raid franco-mauritanien qui a fait sept morts dans ses rangs, Aqmi n’a pas baissé pavillon. Au contraire, tout indique que le mouvement jihadiste semble avoir opté pour l’escalade. En guérilla contre la France et en guerre contre la Mauritanie depuis vendredi, la nébuleuse joue son va tout et n’entend pas tomber comme un fruit mûr.
Bluff ou pas, deux jours après le raid du 22 juillet dans l’invivable jungle dunaire entre Tombouctou et Nema, Droudkel le patron d’Aqmi, annonçait l’exécution de Michel Germaneau, l’otage français enlevé au Niger par la Khatibat d’Abuzeid. En fin août, l’AFP annonce l’exécution – démentie par les services de douanes algériens- d’un douanier algérien par Abdelkrim Taleb, le salafiste touareg. L’exécution, dans la foulée, de l’auxilliaire des douanes malien, Merzoug, elle, n’est pas démentie.
Le front de l’Ouest Elle sera même confirmée par Aqmi qui avait libéré les deux otages espagnols, le 24 août, avant de lancer un kamikaze dans un camion bourré d’explosif contre un camp mauritanien le 25 août. L’attentat est déjoué mais il fait des blessés et surtout montre la détermination d’Aqmi d’en découdre d’avec la Mauritanie d’Abdel Azziz. Vendredi soir, des combats qui se poursuivaient encore dans la journée du samedi opposaient Aqmi à l’armée mauritanienne, en territoire malien. A une centaine de kilomètres de Tombouctou, mais un peu au Nord de Tin Aicha, à une cinquantaine de kilomètres du territoire mauritanien, assurent d’autres sources. « On pouvait samedi, entendre des bruits de mortiers à partir de Tin Aicha », s’inquiétait un ressortissant de cette localité. Le bilan, nul doute, sera élevé de part et d’autre. Mais c’est la loi du genre, chaque côté minorera ses pertes et revendiquera la victoire.
Quant à la France, Droudkel l’avait juré : les morts du raid de l’Akla, le 22 juillet, seront vengés. La promesse apparemment est en passe d’être tenue depuis jeudi dernier avec le coup d’Arlit, au Nord du Niger, où cinq Français, un Togolais et un Malgache sont enlevés sur un mode opératoire qui porterait la signature d’Aqmi. D’où le branle-bas côté français. Dès vendredi, Sarkozy, qui n’avait pas besoin de cet ennui supplémentaire, organise un conseil de défense, exhorte ses compatriotes à ne pas prendre de risques inutiles dans un Sahel devenu dangereux et promet de tout mettre en œuvre pour retrouver les otages. Il déclare avoir mis des moyens de surveillance à la disposition de l’armée nigérienne qui poursuivait les assaillants jusqu’au vendredi soir où, selon l’AFP, des sources nigériennes et algériennes déclarent que les preneurs d’otages avaient pu « regagner le Mali ». Bamako ne confirme pas mais ne dément pas non plus. Samedi à 13 heures, RFI prêtait aux sources militaires maliennes l’information que les auteurs des enlèvements d’Arlit se trouvent sur le sol malien.
Le front de l’Est
Quelques heures auparavant, le président malien assurait cependant sur les mêmes antennes que l’armée malienne était mobilisée autour du « triangle », soit la frontière commune Niger- Mali-Algérie. Pendant ce temps, Paris accélère les choses, rapporte le Figaro : taskforce de la DGSE mise en place, centres d’écoutes téléphoniques réorientés sur le Sahel en plus du satellite « Helios » pour surveiller les mouvements dans cette vaste région, avions d’observation Breuguet Atlantic mobilisés de Ndjamena, les services français sont sur les dents. Rien, semble t-il n’est exclu pour faire rendre gorge aux hommes d’Abuzeid, y compris l’éventualité d’une intervention des forces spéciales françaises stationnées en Mauritanie, la collecte de renseignements à partir d’un possible réseau de sympathies touareg. La guerre totale donc, mais sans illusions, car rapporte le Figaro citant une source sécuritaire, les Français feront « face à des ravisseurs qui ont su utiliser les dernières rançons payées par les Espagnols pour se procurer des véhicules tout neufs, des GPS et du matériel de vision nocturne ».
Ensuite, les Salafistes disposeraient de « relais parmi la population du désert, où ils stockent leurs armes et l’essence nécessaire à leurs mouvements.» Mais pour les observateurs, nul doute que la guerre qui a pris une nouvelle tournure, le week-end, sera féroce. Ils estiment, en effet qu’Aqmi joue sa survie physique tout court. Sarkozy et Aziz quant à eux joueraient leur survie politique. Les dégâts collatéraux, bien entendu, seraient importants. D’abord sur le Mali, une fois de plus remise sous les feux de l’actualité et pas que pour son cinquantenaire qui est fêté ce mercredi. Et ensuite sur l’Algérie qui ne convaincrait guère la communauté internationale en continuant d’aligner plus les projets de résolution que les forces spéciales contre le monstre sorti de ses entrailles.