«Ce ne sont pas seulement les groupes armés rebelles qui ont intérêt à semer la pagaille dans le nord du Mali. Le conflit a des racines économiques puissantes. Il s’y est développé une économie souterraine mafieuse basée sur toutes sortes de trafics, d’armes et surtout de drogue. Derrière les discours religieux et indépendantistes se déroule une bataille féroce pour le contrôle des réseaux et des routes de trafic. Bien des gens en tirent des bénéfices tant au sein des appareils de l’État que de la classe politique aussi bien au Mali que dans certains pays voisins. L’argent de la drogue est devenu un enjeu économique et financier global plus que le djihadisme ou la rébellion armée qui n’en sont que le vernis. On fait malheureusement semblant de l’ignorer. Il alimente en partie le système financier international et on le sait. L’argent de la drogue déstabilisera nos pays tant que nous n’en extirperons pas les racines qui sont au cœur même de nos institutions. L’éclairage fourni par la publication du dernier ouvrage du correspondant de RFI à Bamako en dresse un tableau inquiétant. Il fait froid dans le dos. La rébellion armée dans le nord du Mali nourrit trop de gens et pas seulement les groupes rebelles touarègues. Des réseaux implantés au cœur des États, des appareils sécuritaires, de la classe politique, des milieux d’affaires et autres, s’en nourrissent quotidiennement. Dans ces conditions, le conflit risque de perdurer. Il n’y a pas non plus de solution durable dans le cadre du système malien actuel. Il faut résolument en sortir ».
Ces extraits sont tirés de la tribune « Faut-il désespérer du Mali de IBK ? », publiée en mai 2014 sur le site de Médiapart. A l’époque, le processus d’Alger n’avait pas démarré et nous étions loin de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation qui interviendra un an plus tard, le 15 mai 2015. Les annonces faites par le Président de la République lors de son adresse à la nation le 31 décembre 2016 relative à l’installation des autorités intérimaires pourront ne pas être respectées à ce rythme. L’attaque du 18 janvier 2017 contre le camp du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) n’est pas sans conséquence sur le démarrage des patrouilles mixtes. Pour surmonter le choc de la barbarie ayant fauché de nombreux jeunes gens, les différentes parties doivent faire preuve d’une grande détermination et d’une volonté réelle d’aller de l’avant. Ce qui est loin d’être le cas actuellement. Le 21 janvier dernier, le Groupe d’auto-défense des Imghad et alliés (Gatia) a accusé la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) de l’attaque de l’une de ses positions dans le secteur de Tinzawaten avec 14 morts et deux véhicules emportés. Même si la CMA a publié un démenti, les membres du Gatia persistent et signent que les auteurs de l’attaque de leur position sont venus de Kidal et y sont retournés. Cette action ouvre une plaie qui est loin d’être cicatrisée.
L’enlisement dans lequel se trouve le processus de paix prouve à suffisance que la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali est sous les bottes des groupes mafieux. Les principaux animateurs se recrutent dans tous les camps et bénéficient malheureusement de la protection de certains services de l’Etat. Le processus est en danger. Et tout peut basculer à tout moment.
Par Chiaka Doumbia