Entre guerre et paix au septentrion : L'argent de Kadhafi divise et délie les langues à Gao

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Acheminée en 7ème Région pour une fumée de calumet à Fafa, une maigre manne financière en provenance de la Libye est plutôt en train de souffler sur des braises. En attendant un incendie susceptible d’être provoqué par des moyens plus conséquents promis par le même Guide de la Jamahiria, au nom d’un autre processus de paix au septentrion malien. 

     À la guerre par les armes a aussitôt succédé la guerre pour le contrôle de la jeunesse, au nom d’une réinsertion socio-économique – ou du moins ce qui est présenté comme tel. Et pour cause : ce qui était annoncé pour sonner le glas de l’accalmie et de l’apaisement est sur le point de tourner à un véritable cauchemar. Dans le but apparent de conjurer un éventuel rebondissement de l’insurrection armée à Fafa, une pâle copie de Flamme de la Paix a été récemment imaginée, et pour l’organisation de laquelle Mouammar Kadhafi a contribué pour plusieurs dizaines de millions de nos francs. Combien exactement ? On ne saurait le dire avec précision : certains parlement d’une cinquantaine ; d’autres d’une centaine, mais toujours est-il que la manne, selon des sources concordantes, a transité par Koulouba avant de choir aux  mains du Maire de Gao. Celui-ci a naturellement saisi cette aubaine, s’en est bombé le torse un peu partout, avec notamment la fierté de figurer parmi les rares personnalités politiques qui méritent la confiance du chef de l’Etat dans la conduite d’une opération de paix en 7ème Région. Par ces temps d’implantation de son nouveau parti, le PDES, il s’agit sans doute d’une corde très importante à l’arc de Sadou Diallo.

Seulement voilà : le chef reconnu de la rébellion armée de Fafa, Amadou Diallo, ne l’entend point de cette oreille, ni ne paraît disposé à s’accommoder d’une telle récupération. Du reste, les deux hommes, pour autant qu’ils soient longtemps perçus comme deux compères dans les épisodes de Fafa, ne partagent pas la même approche de pacification de cette contrée où la furie du Ganda-Iso a si sévèrement régné. Les visées du Maire portent sur la mobilisation de moyens financiers pour une réinsertion socio-économique avec de possibles retombées politiques, tandis que l’autre rêve plutôt de promotion militaire pour lui et ses hommes. Conséquence : la Flamme de la Paix de Fafa, en dépit du grand battage médiatique l’ayant accompagnée, a été visiblement orpheline d’un des pères incontestables de la guerre.     

Et à force de couver, les divergences entre les deux hommes ont fini par éclater au grand jour, il y a deux semaines, à travers un affrontement par voie de presse. Abordant la question sur les antennes d’une radio locale de Gao, le Maire de la Cité des Askia n’y est point allé de mainmorte dans la clarification du rôle joué par les différents acteurs de l’avènement ”Ganda-Iso” et des douloureux événements de Fafa. "Amadou Diallo était mon protégé et Ganda-Iso, ma fabrication. Il n’est qu’un élément parmi une douzaine d’acteurs clés du mouvement". Telle est la substance des propos que de nombreux témoins ont attribués au Maire de Gao, dont le passage tonitruant sur les antennes locales visait sans doute une crédibilisation de sa Flamme de la Paix.  

Les mêmes témoins ajoutent, par ailleurs, que les affirmations du vice-président du PDES ont été fortement appuyées, sur les mêmes antennes, par quelques un de ses fidèles parmi les éléments actifs du mouvement armé de Ganda-Iso. A ces derniers, il est en effet attribué des aveux inédits sur la série d’attaques à la grenade perpétrés contre des victimes innocentes à Gao et dont les auteurs sont toujours demeurés dans l’ombre.    

Vingt-quatre heures après les révélations incendiaires du Maire et de ses compagnons, ce fut au tour du plus charismatique chef de Ganda-Iso de prendre le relais pour balayer d’un revers de main les prétentions de ses adversaires. Aucun d’entre eux ne contrôle les combattants encore moins les armes et munitions en leur possession, a-t-il rétorqué de son côté, avant de révéler que les armes brûlées à Fafa ont été toutes achetées pour les besoins de la circonstance. Comme pour laisser entendre que le processus de paix passe par Amadou Diallo ou ne sera pas.

En attendant de tirer au clair la situation, chaque protagoniste est en train de procéder pour son propre compte au recensement de jeunes à verser dans le lot des potentiels bénéficiaires d’une réinsertion. Pour chaque individu, il semble que la Libye est prête à débloquer 800 000 franc CFA, et le Maire de Gao ne s’est point fait prier pour emprunter le chemin de Tripoli muni d’une longue liste dans sa valise. Quant à son grand rival, Amadou Diallo, il attend de pied ferme et se battra sans doute pour faire échec à ce qu’il considère non seulement comme une usurpation de paternité, mais aussi comme une démarche de pacification contraire à son approche : une réinsertion de ses éléments par voie de cantonnement dans l’armée.

Quoi qu’il en soit, l’épisode pourrait avoir consacré la phase la plus avancée d’une contagion de la 7ème Région par un syndrome qui a pignon sur rue dans la région voisine de Kidal : celle qui consiste à vouloir acquérir chaque avantage aux moyens des armes et par un retrait dans le maquis.    

A.Keïta

 

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