Le matin du samedi 26 novembre dernier, un groupe de touristes a pris un avion affrété par les autorités maliennes pour quitter Tombouctou, où trois étrangers ont été enlevés à l’Hôtel Dombia à Hombori, avec à la clé, un allemand tué le vendredi dans la cité des 333 saints. Toujours au nord du Mali, l’armée française s’active pour retrouver deux otages au passé trouble. Pendant ce temps, la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) est sur place.
Le nord du Mali est de plus en plus une zone à risque pour tous les Occidentaux. Le jeudi dernier, deux Français, présentés dans un premier temps comme des géologues, avaient été enlevés à leur hôtel à Hombori. Le lendemain, des hommes armés ont tué un touriste étranger et ont enlevé trois autres en plein cœur de Tombouctou (haut lieu du tourisme au Mali… et ville située également dans la partie nord du pays).
Après ces récentes actions visant des Occidentaux, l’évacuation semble lancée pour les étrangers qui se trouvent dans cette zone : un premier groupe d’une dizaine de touristes étrangers a quitté le samedi matin à bord d’un vol la cité des 333 saints. Ils ont pris la direction de Mopti, au sud de Tombouctou, dans un avion affrété par le gouvernement malien. Un deuxième groupe d’une dizaine de personnes ont été évacué plus tard dans la journée vers notre capitale.
Paris enquête, la DCRI est sur place
Après l’enlèvement de trois Européens et la mort d’un quatrième à Tombouctou vendredi 25 novembre, le gouvernement malien a dénoncé une « action terroriste »et a jugé qu’il s’agissait d’une attaque perpétrée contre la sécurité et la stabilité du pays.
Les enlèvements et le meurtre – intervenu alors que l’homme essayait de résister au rapt dont il était victime – ont eu lieu sur la place au centre de Tombouctou, alors que les quatre personnes se trouvaient dans un hôtel-restaurant. Sans que leur identité et leur pays d’origine ne soit révélé. Mais selon nos sources, ils seraient néerlandais. Selon nos interlocuteurs, cet enlèvement intervient au lendemain du rapt de deux Français à Hombori, le jeudi dernier vers 1h heure locale. Ils ont été kidnappés, dans un hôtel, par des hommes armés et encagoulés qui ont emmené leurs otages vers une destination inconnue. D’où des soldats français dans le septentrion et qui depuis le vendredi dernier patrouillent aux côtés de l’armée malienne pour tenter de retrouver les otages.
A en croire nos sources, cinq personnes ont déjà été interpellées depuis le jeudi dernier à Hombori dont le guide des Français, Ibrahim Ould Bah.
Aux dernières nouvelles, la section anti-terroriste du parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « enlèvement en bande organisée en lien avec une entreprise terroriste ». Pendant ce temps, des enquêteurs de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) sont sur le terrain dans le nord-Mali.
Nos sources indiquent que les deux Français enlevés étaient arrivés à Hombori le mardi dernier pour le compte d’une société malienne, Mandé Construction Immobilière (MCI), afin d’effectuer des prélèvements de sol en vue de la construction d’une cimenterie.
Qui sont vraiment les Français enlevés ?
Contactée au bigophone, une source sécuritaire à Hombori affirme que ce rapt a été bien organisé : « nous pensons que des gens sont venus d’un pays voisin du Mali pour participer à l’opération ».
Des interrogations subsistent sur les activités réelles des deux Français présentés comme des géologues. Pour nos interlocuteurs, leurs noms sont des homonymes et ils sont cités dans des activités troubles passées aux Comores et à Madagascar pour Philippe Verdon, dans les Balkans et dans l’ex-Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) pour Serge Lazarevic.
Depuis le double rapt du jeudi dernier, l’armée française a redoublé d’activité dans le nord Mali. Les accords bilatéraux avec le Mali, la Mauritanie, le Niger ou le Burkina Faso permettent en effet à la France de disposer de facilités pour intervenir rapidement dans la zone où opèrent les groupes liés à Aqmi. Cinq hélicoptères de l’armée française ont ainsi atterri le samedi matin à Gao pour participer aux recherches des deux Français enlevés à Hombori. Outre les hélicoptères, des soldats français sont également arrivés. A la veille, déjà, il y a des dizaines de soldats français qui sont arrivés dans la région d’Hombori pour épauler l’armée malienne dans la recherche des deux otages.
Mais, une chose ne facilitera pas les recherches car des interrogations subsistent sur les activités réelles des deux Français. A l’Hôtel Dombia où ils ont été enlevés, ils n’ont pas rempli de fiche à leur arrivée, mais leurs noms ont été consignés dans un cahier par la direction de l’établissement : Philippe Verdon et Serge Lazarevic.
Officiellement, ce sont des géologues travaillant pour une société malienne. Mais le premier a été cité dans le passé pour des affaires obscures aux Comores et à Madagascar. Le second aurait agi pour sa part en ex-Yougoslavie et au Zaïre (devenu depuis la République démocratique du Congo). Evidemment, il pourrait s’agir d’homonymes. Mais la double coïncidence est néanmoins très improbable. Les services secrets français assurent n’avoir aucun lien avec ces deux Français et ignore tout, jusqu’à leur présence au Mali.
En effet, le grand nord désertique du Mali abrite des bases d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) où elle commet dans le septentrion et dans d’autres pays du Sahel (Niger, Mauritanie et Algérie) des attentats et procède à des enlèvements d’Occidentaux et se livre à divers trafics.
Ce sont désormais au total neuf ressortissants européens, dont six Français, qui sont détenus au Sahel. Le 16 septembre 2010, sept personnes avaient été enlevées par Aqmi dans le nord du Niger à Arlit, site d’extraction d’uranium : un cadre du groupe nucléaire français Areva et son épouse, tous deux Français, et cinq employés (trois Français, un Togolais et un Malgache) de Satom, société sous-traitante d’Areva.
Le 24 février, la Française, le Togolais et le Malgache ont été relâchés. Mais les quatre autres Français sont toujours des otages.
C’est depuis le nord du Mali que Aqmi commet des attentats, procède à des enlèvements d’Occidentaux et se livre à divers trafics, non seulement à travers le pays, mais aussi dans d’autres Etats du Sahel comme le Niger, la Mauritanie et l’Algérie. Ce sont désormais au total neuf ressortissants européens qui sont désormais retenus en otage dans le Sahel : six Français, un Britannique (ayant aussi la nationalité sud-africaine), un Suédois et un Néerlandais. En attendant, les autorités françaises précisent que les enquêtes sont interrompues. Une information battue en brèche par nos sources qui assurent et rassurent sur les investigations en cours dans le septentrion.
Jean pierre James