Enlèvements programmés d’Occidentaux au Sahel : Menaces réelles ou délire paranoïaque?

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Depuis une dizaine de jours, certaines ambassades accréditées au Mali demandent, par courrier, à leurs ressortissants de ne pas se rendre à Ségou, quand elles ne leur conseillent pas, tout simplement, de se replier, avec famille et bagages, sur Bamako, pour des «raisons de sécurité». Tout serait parti, selon des informations que nous avons recueillies à Ségou, le week-end dernier, d’un incident ayant concerné une jeune Française, accompagné lors de celui-ci par, au moins, une Américaine.

Les faits, tels que relatés par la jeune Française, auraient laissé augurer d’une tentative d’enlèvement prochaine d’Occidentaux à Ségou. Relayés par certaines représentations diplomatiques, ils prennent de plus en plus corps, sans que l’on sache réellement sur quelles évidences vérifiables ils reposent. D’où la crainte, légitime, de certains diplomates en poste à Bamako, qui se demandent si l’on ne va pas les accuser de laxisme pour n’avoir pas emboîté le pas de cette campagne! (Lire ci-dessous)
Si l’on en croit le courrier de l’Ambassade de Belgique, il faut ajouter à Ségou les villes de Fada N’Gourma (Burkina Faso) et Maradi (Niger). C’est certainement pour cela que l’on a pu entendre, sur les ondes de RFI, un responsable de structure humanitaire expliquer, sans états d’âme, pourquoi il avait demandé aux expatriés de regagner Niamey, «les ONG nationales pouvant fort bien s’acquitter des activités en cours». Certainement sans aucun risque de se faire ni kidnapper, ni voler véhicules, téléphones ou, pourquoi pas, l’aide alimentaire dont ils ont la charge.

Quelques questions nous brûlent les lèvres. La France et la Belgique sont des pays membres de l’Union Européenne, qui a une ambassade au Mali et qui est censée avoir une politique extérieure commune. Pourquoi donc n’y a-t-il pas eu un communiqué signé de l’Ambassadeur Durazzo ou de ses services. Pourquoi, dans la même veine, l’Etat assurant la présidence de l’UE actuellement ne s’est-il pas prononcé? Les autorités maliennes ont-elles été averties des «enlèvements d’Occidentaux» qui se prépareraient? Quelles preuves a-t-on de la réalité des risques?

En attendant, certains expatriés qui sont encore en vacances se demandent s’il ne conviendrait pas de laisser leur famille reprendre l’année scolaire «au pays», car, dès lors que l’on parle de risques à Ségou, à tout juste 220 kilomètres de Bamako, sait-on jamais? Un climat délétère est donc en train de s’installer, avec tous les risques que peuvent entraîner les extrapolations qu’il occasionnera de la part d’imaginations fertiles ou de personnes aisément «paniquables». Si ces décisions reposent sur des fondements solides, autant les rendre publics et démontrer l’efficacité réelle des mesures de précautions préconisées, lorsque l’on sait comment il est facile, pour des gens organisés, d’enlever qui ils veulent, quand ils le veulent et où ils le veulent. Le douanier (exécuté ensuite) et les deux gardes enlevés récemment dans le Nord en sont une preuve évidente. Sinon, nous n’assisterons qu’à la création d’un délire paranoïaque collectif de plus. Ce qui ne sert les intérêts de personne, sauf de ceux qui prétendent être capables de semer la terreur partout!
Lire ci-dessous deux courriers adressés à leurs ressortissants par les Ambassades de Belgique et de France.
Ramata Diaouré

Chers compatriotes
Il semblerait que des enlèvements d’occidentaux se préparent au Burkina, au Mali et/ou au Niger. Selon nos informations, les environs de Ségou (Mali), Fada N’Gourma (Burkina) et Maradi (Niger) seraient les plus menacés. Tous les Belges résidant dans ces régions sont invités, dans la mesure du possible, à quitter les zones à risque. Au cas où cela ne serait pas possible, il leur est demandé de redoubler de prudence (renforcer au maximum les mesures de protection, s’enfermer chez eux dès la tombée du jour, ne sortir qu’en cas d’urgent avérée, …). Veuillez tenir compte de ces conseils si vous auriez(sic) planifié des voyages dans les jours qui viennent.

Luc Risch, Ambassade de Belgique/ Ambassade Van Belgie
Ambassade de France au Mali, le 13 août 2010
Comme suite à son message du 8 août dernier et compte tenu des toutes dernières informations à la disposition des autorités françaises, l’Ambassade de France à Bamako a été conduite à informer, hier soir 12 août, les Français résidant à Ségou d’une menace d’enlèvement élevée dans ce secteur, et leur a enjoint de prendre toutes les mesures de vigilance appropriées ainsi que de se mettre en communication avec l’ambassade. [Nous avons volontairement caché les numéros]
L’Ambassade de France conseille en conséquence formellement à la communauté française du Mali de ne pas se rendre à Ségou et au delà dans l’immédiat, sauf motif impérieux, et après en avoir parlé avec elle. La consigne de redoubler de vigilance en cette période de risque accru est renouvelée. (…)

Ambassade de France au Mali, le 20 août 2010
La situation sécuritaire dans la zone sahélienne, y compris au Mali, est actuellement incertaine et imprévisible, caractérisée par un risque terroriste fort. Les menaces proférées par AQMI à l’encontre des ressortissants français doivent être considérées avec la plus grande gravité. C’est pourquoi l’Ambassade de France et le Consulat général sont amenés à déconseiller formellement, sauf motif professionnel impérieux, les compatriotes à se rendre dans telle ou telle région, voire dans telle ou telle ville. (…)

Enfin les autorités françaises tiennent à attirer l’attention des Français (…)que la Loi no 2010-873 du 27 juillet 2010 (…), dispose dans son Titre IV, (…), que « l’Etat peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opération de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer ».


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