Au nord-est et ouest du Mali, la situation est de nos jours on ne peut plus dramatique et va de mal en pis. Les animaux meurent comme des mouches, les populations de cette zone dont l’économie repose essentiellement sur l’élevage ne savent plus à quel saint se vouer. Malgré leur alerte précoce aux autorités, l’intervention de l’Etat reste à désirer et les organisations paysannes n’ont pas été associées au processus de distribution de l’aide publique qui manque de transparence. Pis, le Mali ne figure pas dans les plans d’interventions de certains partenaires techniques et financiers qui s’apprêtent à lancer un plan d’urgence dénommé « Plan Sahel » dans les pays voisins qui ont été officiellement déclarés déficitaires par leurs autorités.
C’est pour interpeller les plus hautes autorités du Mali que les organisations paysannes sont sorties de leur réserve le dimanche 30 mai dernier en organisant une conférence de presse pour présenter aux hommes de media, la triste réalité que traversent actuellement nos compatriotes de ces zones du nord.
Une conférence animée par René Alphonse, Président de la filière bétail-viande au Mali, Diassé Coulibaly, Président de l’AOPP (Association des Organisations Professionnelles paysannes), et Mamadou Lamine Coulibaly de la CNOP (Coordination Nationale des Organisations Paysannes).
Cette conférence fait suite à une concertation que les organisations paysannes du Mali ont fait du 19 au 21 avril 2010 à Gao au regard de l’extrême gravité de la situation de crise alimentaire et pastorale qui sévit actuellement au nord.
Une concertation au cours de la quelle les participants ont analysé les sources de cette crise qui sont entre autres l’installation tardive des pluies dans ces zones et leur mauvaise répartition. A cela il faut ajouter le déficit fourrager, les déplacements précoces du nord vers le sud et actuellement le long de la vallée du fleuve et dans le gourma. Lequel n’est l’itinéraire habituel pour les pasteurs de même qu’à l’Est de Menaka et dans la zone transfrontalière Sud-est Mali-Niger. Une situation qui a crée des zones de concentrations inhabituelles avec leur cortège de conflits, de maladies et d’insuffisance d’eau.
Des statistiques qui ne reflètent pas la réalité sur le terrain
Selon le Système d’alerte précoce les populations et communes touchées sont de 629.427 personnes à dont 73,3% au nord-est et Ouest du Mali dont 52,55% sont à Gao, 11,13% à Kidal et 9,62% à Tombouctou. Aussi, les communes à risque de difficulté alimentaire ont été établies à 23 soit 258.088 personnes à Gao et Kidal. Et les communes à risque de difficultés économique au nombre de 20 soit 371.339 individus à Gao, Tombouctou, Koulikoro et Kayes.
Le Système d’Alerte a également fait les recommandations suivantes : l’acheminement de 4000 tonnes d’aliment bétail au prix carreau usine. Pour la région de Kidal, 350 tonnes pour le cercle de Kidal, 175 T pour Abeibara, 300 T pour Tessalit, 175 T pour Tin Essako etc.
Pour la région de Gao, 500 T pour le cercle de Gao, 500 T pour Ansongo, 400 T pour Bourem et 600 pour Ménaka et 100 tonnes pour la région de Tombouctou.
A cela s’ajoutent la réalisation ou la réhabilitation de puits pastoraux dans les parcours pourvus en pâturage à Tessalit, Tin Essako, Kidal et Menaka.
En plus, le SAP a aussi recommandé des distributions alimentaires gratuites dans 12 communes à Gao et 11 communes à Kidal.
Aussi, des distributions gratuites de 6429 tonnes de céréales à 238.118 personnes dans 23 communes à risque de difficultés alimentaires à Gao et Kidal.
Le Mali absent dans les plans d’intervention des PTF
Pour les organisations paysannes, ces communes citées ne sont pas les seules concernées par la crise puisqu’elle s’est généralisée dans toutes les communes du Nord-est et Ouest du Mali. Pour elle, malgré cette situation extrêmement préoccupante qui prévaut dans ces zones les autorités persistent à minimiser cette crise en se basant sur des statistiques très discutables.
Ce qui a donné comme conséquence l’absence du Mali dans les plans d’intervention et d’appui de plusieurs partenaires techniques et financiers. Comme c’est le cas d’ECHO, un office humanitaire de l’Union Européenne qui compte mettre incessamment en œuvre un plan Sahel en réponse à la crise alimentaire au Niger, au Tchad, au Nord-Nigeria et au Burkina Faso. Des pays voisins qui ont été officiellement déclarés déficitaires par leur gouvernement dans un contexte où le Mali se déclare excédentaire, les autorités refusant de reconnaitre qu’il existe de l’insécurité alimentaire au Mali.
C’est pourquoi, les producteurs du Mali à travers leurs organisations faitières demandent l’élargissement inconditionnel des aides publiques en céréales et aliment-bétail à toutes les communes du Nord-est et Ouest du Mali.
Selon René Alphonse, l’hivernage 2009 a été médiocre dans les régions Nord-est et Ouest du Mali et la situation qui y prévaut est extrêmement grave. « Les animaux sont en détresse ainsi que les populations qui vivent du produit de ces animaux ».A en croire René Alphonse, les animaux ne peuvent plus bouger. Ce qui fait que certains pasteurs sont partis dans les zones où il ya des pâturages pour créer du surpâturage, donnant lieu à des conflits intercommunautaires.
Selon lui, le Gouvernement a fait quelque chose qui est de très loin en deçà des besoins.
Selon le Coordinateur de l’AOPP, Brehima Dembélé, la crise a pris une nouvelle tournure puisque les animaux sont piégés dans les zones de concentration avec le manque d’eau et de pâturage.
Selon lui, le PAM estime que 40% des animaux vont disparaitre si rien n’est fait, mais les informations fournies par leurs membres sur place sont plus dramatiques.
« Les éleveurs du nord n’ont plus d’animaux car soit, ils sont tous décimés, soit ils n’ont plus aucune valeur marchande à cause de leur maigreur » a t-il laissé entendre.
En plus, il expliquera que l’administration est absente des lieux, ce qui fait qu’il ya des conflits qui naissent autour de la gestion des quelques points d’eau qui restent.
C’est pourquoi, les Organisations Paysannes demandent la présence physique de l’Etat dans les sites de concentration, l’élargissement et le renforcement de l’aide publique à toutes les communes du nord-est et ouest, d’étendre les mêmes mesures aux autres régions confrontées à la crise alimentaire, la multiplication des banques de céréales etc…
Dieudonné Diama