Déjà affaibli sur le terrain, le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), le groupe irrédentiste qui fut à l’origine de la guerre qui secoue le Mali depuis cinq ans, est à nouveau amputé d’une partie de ses cadres. Deux d’entre eux, Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, ont décidé de quitter le mouvement dirigé par Bilal Ag Acherif et de créer leur propre groupe armé : le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA).
Joint le 2 septembre par Jeune Afrique alors qu’il se trouvait dans les environs de Ménaka, Ag Acharatoumane a confirmé cette information. Il indique partir avec plus de 400 pick-up et des armes, et être suivi par de nombreux ex-officiers supérieurs de l’armée malienne originaires des régions de Ménaka, de Gao et de Tombouctou, qui avaient rejoint les rangs du Mnla en 2011.
«Nous poursuivons le même but qu’avant, assure-t-il. Nous voulons représenter et défendre toutes les populations de l’Azawad. Et nous nous inscrivons dans la logique de l’accord de paix d’Alger». Mauvaise nouvelle pour le Mnla, même si cette défection était attendue depuis plusieurs semaines. Il s’agit, pour le Mnla, d’une très mauvaise nouvelle.
Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi étaient des personnalités influentes du mouvement. Le premier était l’un de ses porte-paroles auprès de la presse internationale. Il dispose de précieux réseaux en Europe et dans la sous-région (au Niger notamment). Il avait participé à un grand nombre de médiations et était perçu comme une des figures montantes du Mnla. Surtout, il est le chef d’une tribu touarègue importante dans la région de Ménaka, les Dawsahak.
Le second jouait pour sa part un rôle militaire de premier plan. Ancien colonel de l’armée malienne, Assalat est une figure de la communauté des Chamanamas, que l’on retrouve essentiellement à Ménaka. «Avec ces départs, le Mnla perd pied dans cette région», souligne un notable de cette ville du nord-est du Mali.
Pour l’heure, on ignore laquelle des deux coalitions le MSA rejoindra- celles-ci s’affrontent dans le nord du pays depuis plusieurs années et participent au processus de paix : la Coordination des mouvements de l’Azawad, à laquelle appartiennent le Mnla et d’autres groupes rebelles ? Ou la Plateforme, une alliance de mouvements jugés plus proches de Bamako, essentiellement constituée autour du Gatia du général El Hadj Ag Gamou ? Un cousin de Ag Gamou et plusieurs sources affirment qu’Acharatoumane s’est rapproché de Gamou ces derniers temps. Un médiateur qui côtoie régulièrement les groupes armés rappelle qu’Assalat est un cousin du général. «Quelque part, Acharatoumane et Assalat poursuivent le même but que Gamou, souligne cette source. Ils se sont sentis marginalisés au sein du Mnla, qui est essentiellement dirigé par des Ifoghas. Quand le Mnla avait besoin de renforts à Kidal, ils leur en envoyaient, mais quand c’est eux qui demandaient des renforts, ils ne voyaient rien venir. Comme Gamou, ils veulent en finir avec la domination de ce groupe.»
Ce divorce intervient à un moment clé du processus de paix –et ce n’est peut-être pas un hasard. À Bamako, le gouvernement et les groupes armés négocient depuis plusieurs semaines la distribution des postes au sein des autorités intérimaires issues de l’accord d’Alger qui seront bientôt mises en place dans les régions du nord (négociations à l’issue desquelles devrait débuter, normalement, le cantonnement des combattants). Or, les places sont chères et l’on prête à Acharatoumane l’ambition de présider la région de Ménaka. Dans le même temps, à Kidal, la CMA et la Plateforme continuent de s’affronter régulièrement pour le contrôle de la ville.
Abdrahamane DICKO