Après une semaine environ de concertations dans la capitale algérienne, les participants à la phase initiale du dialogue inter malien ne semble pas bouger à la vitesse attendue. Les travaux, encore enlisés dans la confrontation de schémas préconçus, reprendront aujourd’hui, selon nos sources, sans aucune assurance d’avancée visible.
Sous l’égide du médiateur algérien et des facilitateurs internationaux, le terrain avait été pourtant balisé plusieurs jours avant l’affluence massive des protagonistes à Alger. Des experts ont été mobilisés du côté des partenaires bilatéraux et multilatéraux du Mali (Tchad, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Cedeao, Ua, Ue, etc.) dans le cadre d’une ‘’Concertation de haut niveau pour le processus du dialogue inter malien’’. Ledit cadre s’est attelé pendant une semaine environ à planter le décor à travers l’élaboration d’une feuille de route aux pourparlers d’Alger.
Ce labeur préparatoire n’aura visiblement pas suffi pour faire l’économie d’un conflit de schémas sur lequel achoppe la phase initiale des négociations. Il nous revient, en effet, de source proche de l’hôtel Al Aurassi d’Alger, que les pourparlers à peine entamés sont demeurés suspendus à la recherche d’un consensus autour d’une feuille de route harmonisée, qui semble plus appropriées aux objectifs d’une paix durable et d’une résolution définitive du conflit du Nord Mali.
Dans la logique d’une négociation de longue durée
Bien que partagé par l’ensemble des protagonistes, à en juger tout au moins par les déclarations officielles, cet objectif ne préfigure en rien les intentions et les moyens de parvenir à la une paix durable et une résolution définitive. Celles-ci étant possibles dans l’union comme dans la division.
En tout cas, la lenteur qui prévaut à Alger ne semble guère perturber les plans des mouvements armés séparatistes. Lesquels se sont ouvertement inscrits dans une logique de règlement sur la durée. Déballée, la semaine dernière, après l’ouverture des travaux, leur feuille de route commune du trio Mnla-Maa-Hcua exprime clairement leur intention de prendre le temps nécessaire à l’aplanissement de tous les désidératas et douleurs accumulées depuis l’avènement de la République du Mali. Allusion est ainsi faite à la gestion des différentes rébellions ainsi qu’à leur répression par les pouvoirs centraux d’alors.
Ainsi donc, selon le calendrier estimatif déroulé par une quarantaine de représentants desdits mouvements armés, les négociations entamées à Alger n’arriveront à leur terme qu’au bout de neuf mois pendant lesquels chaque étape des négociations sera traitée dans toute ses dimensions jusqu’à déboucher sur un engagement signé par les parties et contresigné par le médiateur. «Le travail de fond exigé doit donner lieu à une volonté de traiter tous les aspects du sujet, y compris ceux jugés sensibles par les uns et les autres», peut-on lire, entre autres passages du document présenté par la coordination politique des trois mouvements armées «azawadiens». Le piège de l’usure est ainsi évident. Car, la validation d’un tel schéma peut être mortelle pour le retour de l’Etat au septentrion ainsi que pour l’ordre institutionnel.
Le gouvernement patauge dans les choix inappropriés
Ce n’est pas la seule impasse qui guette les négociations qui s’annoncent probablement plus laborieuse qu’attendu à ce jour. Un autre obstacle réside par ailleurs dans l’organisation des pourparlers par les hautes autorités maliennes. En plus de ne pas disposer d’une feuille de route à titre indicatif pour lesdites négociations, le gouvernement n’a pas non plus accordé plus d’attention aux propositions contenues dans celle du Haut représentant du chef de l’Etat.
Pour nombre d’observateurs avertis, la délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères pèchent par l’absence notoire de personnalités dans lesquelles les communautés les plus concernées se reconnaissent pas à juste titre. Toutes choses qui pourraient avoir déjà négativement impacté sur la représentativité de la partie malienne, au regard des signaux de contestation en provenance d’entités communautaires et non des moindres. C’est le cas du Collectif des ressortissants du Nord qui a, d’ores et déjà, prévenu ne pas se reconnaître dans les décisions issues des pourparlers en cours.
En dépit de la présence de son président à Alger, le Coren a choisi de souffler dans la même trompette que les nombreuses communautés des régions de Tombouctou et Gao qui s’estiment quantitativement et qualitativement sous-représentés dans les pourparlers sur des questions qui les touchent au premier chef, notamment l’organisation institutionnelle du Mali et le statut administratif du territoire partagé avec la rébellion, l’éventualité d’éponger les atrocités perpétrées par une amnistie générale de leurs auteurs, etc. Autant de choses qui nécessitent l’implication de représentants communautaires imprégnés des réalités et jouissant de l’audience appropriée auprès des communautés. Faute de quoi, les accords risquent de rencontrer une désapprobation populaire telle que les efforts pour y parvenir auront été peu productifs.
Les choses auraient pu se présenter autrement si la méthode participative avait prévalu et si le gouvernement avait pris soin d’aborder la question de la représentativité avec plus de discernement. Avait-il toutefois les coudées franches sur le processus de désignation des participants ?
Il se susurre, en tout cas, que leur profil avait été dessiné à l’avance par la Minusma. C’est pourquoi, même les membres du gouvernement n’ont pas eu droit une explication sur les critères ayant présidé les choix.
A. KEITA