Bien avant l’arrivée de la délégation du président malien, tout le monde savait que les groupes armés du nord du Mali étaient en conclave en Algérie sous l’égide de ce pays, qui partage tout avec le Mali. Mais il a fallu attendre la conférence de presse conjointe des deux ministres des Affaires étrangères pour savoir qu’IBK était venu en Algérie pour donner sa caution à la reprise des négociations avec les groupes armés, sous la direction de l’Algérie.
En tout cas, le ministre malien des Affaires étrangères a été clair lors de la conférence de presse conjointe. Zahabi Sidi Ould Mohamed a fait savoir que le président IBK est venu donner sa caution pour la reprise d’un dialogue inclusif avec tous les groupes, les communautés, la société civile. Au regard des réponses formulées à l’adresse des journalistes présents à la résidence Djenane El Mithak, par les deux diplomates algérien et malien, l’on a pu observer nettement une volonté commune imprimée au plus haut niveau de la hiérarchie politique des deux pays, pour ce qui concerne la redynamisation de la coopération bilatérale, l’impérieuse nécessité d’agir efficacement pour asseoir les bases d’une triple sécurité aux frontières des deux pays, sur les plans régional et sous-régional.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, le ministre des Affaires étrangères algérien, M. Ramtane Lamamra, a tenu rendu hommage d’une certaine manière, au président malien, Ibrahim Boubacar Keita, dont la visite de travail et d’amitié en Algérie s’inscrit dans le cadre de la reprise du dialogue et de la concertation. «Ibrahim Boubacar Keita à est un président élu démocratiquement sur la base d’un programme politique qui prend en charge la réalisation de la réconciliation nationale et l’instauration de la paix au Mali et dans les zones du nord du pays. Cette visite aura permis aux parties algérienne et malienne de travailler sur beaucoup de sujets d’intérêt commun, comme la sécurité aux frontières, la coopération bilatérale», a dit M. Lamamra. Il a mentionné la parfaite entente qui a prévalu et la volonté des deux chefs d’Etat de relever des défis partagés, en matière de sécurité régionale et de renforcement de la coopération, ajoutant par ailleurs, que le Mali et l’Algérie entretiennent des relations d’amitié et de coopération depuis leurs accessions respectives à l’indépendance nationale.
La question des groupes armés
C’est à la demande du ministre malien des Affaires étrangères que les autorités algériennes ont peaufiné une plateforme de dialogue inclusif avec les mouvements armés du nord du Mali. Il a révélé que «Le gouvernement algérien a aussitôt informé le gouvernement malien qui a accueilli favorablement la démarche. Des mouvements ont répondu à l’appel tandis que d’autres vont s’y adjoindre. Cette démarche algérienne vise à faciliter le dialogue inter-malien. Elle s’inscrit aussi dans l’esprit des Accords de Ouagadougou. Il s’agit de positiver cette demande globale. Mais il fera avec la participation de tout le monde, et le gouvernement malien veut désormais que les questions maliennes se traitent au Mali, en tout cas c’est le souhait du président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta ». Abordant le même sujet, le ministre algérien a dit qu’il s’agit d’une consultation exploratoire pour impulser le dialogue inter-malien qui demeure un objectif. C’est une première étape très positive, prometteuse, qui sera suivie par d’autres. D’autres acteurs pourraient y contribuer et il n’y a aucune limite restrictive quant à la liste des participants à ce dialogue. «L’Algérie n’a jamais douté de l’avenir du Mali et de son intégrité territoriale», affirmé le ministre algérien des Affaires étrangères.
Avant le début de cette rencontre exploratoire, l’Algérie a émis le souhait d’informer les pays du CHAMP, le Niger, la Mauritanie par voie diplomatique normale. Il ajoutera qu’entres autres, la MINUSMA est au courant de cette demande, ainsi que les 5 membres du Conseil de sécurité des Nations unies, les pays membres de la Cédéao, l’Union africaine. La présence du président malien, précédé par plusieurs personnalités qui sont passées par Alger dans le cadre de cette reprise du dialogue, était extrêmement importante. Ce qui fera dire au ministre Zahabi que le président IBK est à Alger pour apporter sa caution à cette reprise et à cette nouvelle manière de faire de l’Algérie, qui est prometteuse. Il a affirmé que l’Algérie et le Mali sont d’accord pour que le dialogue entre Maliens soit abrité par la capitale, Bamako.
M. Lamamra a par ailleurs affirmé que l’Algérie n’a jamais douté que l’avenir du Mali réside dans son unité nationale, son intégrité territoriale et dans la réconciliation nationale et la démocratie. Cette déclaration fut martelée à l’adresse d’un journaliste malien qui a émis l’idée d’une prétendue position controversée de l’Algérie concernant la situation au Mali. L’absence du MNLA a été abordée. Selon le ministre algérien, le MNLA était présent mais n’a pas voulu être à la plénière du jeudi dernier. Pour lui, ça viendra avec le temps, étant donné que le groupe en question est d’accord pour le principe. Le reste va venir petit à petit, mais dire qu’ils n’étaient pas présents, n’est pas une bonne nouvelle. Car ils ont même signé les premiers documents de la rencontre.
C’est dire que l’Algérie a sa place de pays médiateur dans la crise malienne. Ce pays qui a vu la signature de plusieurs accords entre le Mali et les groupes armés pense avoir tiré des enseignements pour aboutir cette fois-ci à un accord de paix définitif. S’agissant des diplomates algériens pris en otages au Mali, M. Lamamra s’est voulu très rassurant quant à leur sort, déclarant qu’ils sont vivants. Il a exprimé le vœu de les voir recouvrer leur liberté dans les plus brefs délais.
Pour rappel, le consul algérien et ses collaborateurs ont été enlevés le 5 avril 2012 du siège du consulat algérien, à Gao (nord du Mali). Pour le ministre des Affaires étrangères algérien «la question de leur libération représente un objectif fondamental et une priorité des efforts de l’Algérie». Il a affirmé que «des concertations se poursuivent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Mali». Il n’a pas manqué de faire montre de son souhait de «voir ces efforts couronnés de succès dans les plus brefs délais». M. Ramtane Lamamra a finalement affirmé, devant la presse, qu’«aucune force étrangère n’est présente sur le territoire algérien». Avant d’indiquer que «d’après nos informations, il n’y a pas de drones du côté tunisien».
Kassim TRAORE