C’est par l’ordonnance n°2014-003/P-RM du 15 janvier 2014 que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation a été créée. Présidée par le très respecté Ousmane Oumarou Sidibé, la CVJR est devenue aujourd’hui l’ombre d’elle-même. Elle est inaudible face aux multiples violations flagrantes des droits humains commises sur toute l’étendue du territoire national. A qui la faute de la léthargie au sein de la CVJR ? Le manque de ressources financières peut-il tout expliquer ? Où en est-on avec le bilan à mi-parcours 3 ans après ? Qu’attend la société civile pour réveiller de sa torpeur une Commission qui cristallise tant d’espoirs ?
Composée de 15 commissaires parmi lesquels la très controversée Nina Walett Intallou dont personne ne se souvient d’ailleurs qu’elle a été remplacée après son entrée au gouvernement, la CVJR a été créée sur la base du model Sud-Africain. Mais contrairement à la Commission Vérité Justice et Réconciliation du Révérend Desmond Tutu du pays de Nelson Mandela, qui a enregistré des résultats très encourageants, celle du Mali peine, après trois ans d’existence, à poser un premier acte significatif. Et pourtant son président, Ousmane Oumarou Sidibé, connu pour son intégrité, son sérieux et sa compétence, a au cours d’une conférence de presse détaillé les importantes missions assignées à sa structure, comme entre autres, une enquête sur les cas de violations graves des droits de l’Homme individuelles ou collectives commises dans le pays, et spécifiquement celles commises à l’égard des femmes et des enfants , celle concernant les cas d’atteinte à la mémoire individuelle, collective et au patrimoine culturel et mémoriel du Mali. En véritable homme de droit, M. Sidibé a évoqué enfin que la commission sera chargée de créer les conditions de retour et de réinsertion sociale des personnes réfugiées et déplacées ; de favoriser le dialogue intra et inter communautaire, la coexistence pacifique entre les populations et le dialogue entre l’Etat et les populations ; de faire des recommandations dans le domaine de la prévention des conflits. Vu l’énormité de la tâche et de l’immensité du défi, l’on se méprend sur la Commission et ses hommes de constater qu’aucune des missions n’a connu un réel début d’exécution. Qu’est ce qui pourrait bien empêcher les membres de la Commission de travailler ? Le manque de ressources financières qui semblent être le prétexte à leur immobilisme peut-il les empêcher d’organiser les débats d’appropriation qui sied avec un Peuple qui a tout à apprendre de leurs missions et comment elle s’y prendra pour arriver à bon port. Même un voyage d’études dans le pays qui inventa le concept n’est pas effectué, à ce qu’on sache. Qu’est-ce qui les empêche de démissionner de leurs fonctions pour donner l’alerte si tant est qu’ils estiment que les conditions de la réussite de leurs missions ne sont pas réunies ?
En définitive, si l’Afrique du sud, la nation arc-en-ciel, a réussi à travers sa Commission à réconcilier ses concitoyens après plusieurs décennies d’apartheid, le Mali reste malheureusement confronté à une crise de confiance entre les communautés d’une part et entre les gouvernants et les gouvernés d’autre part. Ni l’Accord pour la Paix et la Réconciliation dont la mise ne œuvre avait occasionné la création de multiples structures, ni la CVJR n’auront réussi jusqu’ici à panser les plaies et à réconcilier les cœurs tant blessés des maliens.
Youssouf Sissoko