Des affrontements ont eu lieu, jeudi matin, à Ntillite dans la région de Gao entre des miliciens pro gouvernementales et le MNLA. Dans la soirée, les rebelles touaregs ont été obligés d’effectuer un « repli tactique » en abandonnant des positions qu’ils tenaient. Selon un cadre de la rébellion interrogé par RFI, les miliciens sont des proches de l’Armée malienne notamment du Général Ag Gamou. Des affrontements qui prouvent à suffisance le contexte très tendu des négociations. L’administration IBK ne voulant pas être celle qui a été à l’origine d’une quelconque scission du pays, tenterait-elle une dernière carte, celle de l’audace, pour reprendre une position de force dans les pourparlers qui ont repris vendredi dernier ? En tous cas, le timing est plus que suspect : tout juste quelques heures avant la reprise des pourparlers. Un autre aspect de ces négociations se déroulent donc en dehors d’Alger, au nord malien plus précisément.
Ces miliciens sont membres du GATIA (Groupement d’autodéfense touaregs et Imghades et alliés) qui ont revendiqué dans la journée l’attaque contre des positions rebelles.
La mission onusienne au Mali se réserve pour le moment.
Alger cherche désespérément la paix au nord malien
Une page de l’histoire du Mali est entrain de s’écrire à Alger. La rébellion touarègue après avoir couru longtemps derrière cette chimère qu’est l’indépendance du territoire nord malien, croit son heure arrivée puisque s’étant positionnée dans une position de force par rapport à nos autorités. L’Etat malien, quant à lui, est entrain de récolter le fruit de plusieurs décennies de mauvaise gouvernance constituées par une corruption institutionnalisée et généralisée dans tous ses démembrements mais aussi et surtout le délaissement du septentrion du pays. Un délaissement qui s’est manifesté par une absence de projet de construction d’infrastructures, de toutes politiques de création d’emplois et d’activités génératrices de revenus pour les populations locales. Les cadres des rébellions arabes et touaregs après avoir bu dans la mare commune, en occupant différents postes à grandes responsabilités au Mali, un pays qui était le leur (et qui l’est toujours), n’ont eu aucun scrupule à retourner leurs chèches. Ils se servent, de manière basse et honteuse, de cet état de fait pour aboutir à leurs velléités scissionnistes.
La tâche s’annonce ardue et de longue haleine. Pendant que les rebelles veulent une version fausse du fédéralisme qui consiste en la coupure du Mali en deux entités distinctes (une sera le Mali et l’autre Azawad doté d’un statut spécial), les maliens sont contre toute idée de séparation ou de scission. Maintenant qu’une autre phase vient de débuter et qui sera marquée par la récolte et la synthèse des différents plans pour aboutir à la paix par le médiateur algérien, nous en saurons un peu plus.
Aller contre la légalité internationale, c’est le fait que les rebelles commettront en cas de guerre
Malgré les mauvais moments que le Mali a connu allant même jusqu’à la perte de l’intégrité de son territoire, il est bel et bien, un pays souverain reconnu comme tel par l’ensemble de la Communauté internationale dans les limites des frontières qui sont les siennes depuis son indépendance. De plus, dans la géopolitique de nos jours qui est si complexe, la communauté internationale voit d’un très mauvais la création d’un nouvel Etat dans une zone si instable qui est devenue au fil des ans, un des sanctuaires du terrorisme jihadiste. Les pays limitrophe du Mali sont dans la même optique.
Autant dire que si les rebelles s’entêtent dans leurs velléités scissionnistes, ils se mettront contre la légalité internationale tout en prenant en compte que l’Accord préliminaire de Ouagadougou signé entre eux et les autorités de transition reconnait noir sur blanc l’intégrité territoriale du Mali.
Si jamais les négociations n’aboutissent pas, la seule option envisageable est celle militaire. Et dans cette hypothèse, une fois encore, les rebelles aussi bien touaregs et arabes n’auront aucun état d’âmes à se rallier aux jihadistes d’AQMI et compagnie comme on a pu le constater lors de la visite du Premier ministre dans le nord du pays en juillet dernier ou encore lors des premières heures de l’occupation terroriste des trois grandes régions du Mali.
Si les rebelles sont sûrs d’avoir des renforts en cas de guerre, en est-il de même pour le Mali ?
Le chef d’Etat major des Armées, le Général de Division Mahamane Touré, a déclaré lors d’une conférence de presse il ya une vingtaine de jours dans les locaux du ministère de la Défense que « l’Armée peut répondre à toutes situations de rupture des négociations» avant d’ajouter, dans l’optique de cette éventualité, que le pays ne serait pas seul puisqu’il bénéficiera de l’appui de la MINUSMA et de Barkhane.
Une telle affirmation peut-elle réellement se concrétiser ?
Dans l’opinion publique, la MINUSMA n’est pas en odeur de sainteté. Il lui est reproché sa grande passivité en ce qui concerne la sécurisation des régions nord du pays. En réalité, la force onusienne ne fait que marcher sur les pas de son mandat. Elle n’est guère une force combattante comme l’on avait cru à un certain moment. Elle est uniquement une force de maintien de la paix. Les récents attentats qui ont eu raison de plusieurs soldats onusiens en plus des enjeux sécuritaires qui demande plus de moyens amèneront peut-être le Conseil de Sécurité à réajuster le mandat de la MINUSMA.
Le Général Touré a surtout dit : « Nous sommes avec Barkhane et MINUSMA qui ont des responsabilités d’engagement ». Compter sur l’engagement international des partenaires du Mali, peut être la donnée qui fera la différence en cas d’échec des négociations. Les rebelles ne sauraient se dresser devant la Communauté internationale. Mais, pour le moment, l’on est loin de cette éventualité.
Vue la résurgence des forces jihadistes dans le nord du pays, l’Elysée étudie l’option de recentrer le dispositif militaire dans le Sahel, Barkhane au Nord du Mali. Car même si le péril jihadiste est présent dans toute la bande, c’est dans le septentrion malien, qu’il est le plus important. Le défunt Serval aurait du peut-être perduré encore dans notre pays, au moins jusqu’à la fin de l’année. Certains analystes vont même jusqu’à penser que la création de Barkhane n’a eu d’autre but que d’alléger le coût exorbitant de Serval. Car même si cette dernière a un champ d’application plus restreint, elle coutait assez chère au gouvernement français. De plus, le président Hollande plus impopulaire que jamais à cause de la conjoncture qui sévit dans l’hexagone voulait quelque peu alléger les dépenses de l’Etat français.
Les jihadistes se sont faits invités aux pourparlers
L’attention de la Communauté internationale a principalement été attirée dans les pourparlers, par les supposés principaux acteurs de l’aspect sécuritaire du nord malien. Une erreur car en plus de l’Etat malien et des groupes rebelles, les jihadistes y sont bel et bien présents. Et ils l’on fait savoir ces derniers temps par la multiplication d’attentats contre les forces onusiennes qui ont fait plus d’une trentaine de morts dans les rangs des casques bleus. Le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly avait d’ailleurs dit que la guerre contre les infidèles qui ont souillé la terre pure du nord continue. Vendredi, les terroristes ont investi Ménaka et s’en sont pris aux établissements scolaires.
Même en cas d’un accord consensuel miraculeux entre rebelles et représentants maliens, cela ne voudra point dire que la pacification du Nord est gagnée. Il va falloir gérer un autre aspect, beaucoup plus complexe de la sécurisation de cette partie de notre pays. Car les jihadistes sont de redoutables combattants, fermement convaincu de la justesse de la motivation qui les anime et maitrisant à la perfection l’art de la guerre asymétrique qui s’applique idéalement dans un relief comme le nord malien.
Mais un accord qui satisferait et l’Etat malien et les groupes rebelles serait déjà un grand pas vers la stabilisation de la partie septentrionale de notre pays.
Ahmed M. Thiam