Ghislaine Dupont et Claude Verlon qui préparaient un reportage dans la ville ont été enlevés et froidement exécutés par des hommes armés.
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe samedi : deux journalistes de Radio France internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été tués après avoir été enlevés à Kidal par des hommes armés. Ils étaient allés faire des reportages à Kidal dans le cadre d’une série d’émissions spéciales sur le Mali que RFI organisait à Bamako les 7 et 8 novembre. Avec les évènements tragiques, qui viennent de se passer, la direction de la Radio a bien évidemment annulé cette initiative.
Ghislaine Dupont, 57 ans, était une journaliste expérimentée spécialiste de l’Afrique à RFI depuis des années. Claude Verlon, technicien, 55ans, connaissait également bien le continent. Ils étaient déjà allés faire des reportages à Kidal à l’occasion du premier tour de la présidentielle du 28 juillet dans notre pays.
Selon les informations recueillies sur place, Ghislaine Dupont et Claude Verlon venaient à peine de fermer les portières de leur véhicule quand un pick-up beige a surgi. Ils sortaient tout juste du domicile d’Ambéry Ag Ghissa, un membre du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qu’ils venaient d’interviewer.
Ce qu’explique leur chauffeur, c’est qu’un homme enturbanné, parlant tamachek, a braqué une arme sur lui, lui a demandé de sortir du véhicule et de s’allonger par terre. Les assaillants ont ensuite fait sortir les deux envoyés spéciaux, les ont ligotés et les ont fait entrer dans leur véhicule.
Ambéry Ag Ghissa, qui venait de les raccompagner, a entendu des bruits suspects. Il a repassé la tête dehors et a vu la même scène : nos confrères transférés d’une voiture à l’autre. L’un des assaillants a braqué son arme dans sa direction et lui a demandé en langue nationale tamasheq de rentrer chez lui.
La triste nouvelle a été vite confirmée par Paris. « A 13h10 exactement, les deux journalistes ont été kidnappés par un petit commando et ont été amenés hors de Kidal. Un peu plus tard, leurs corps ont été retrouvés à douze kilomètres exactement de Kidal par une patrouille française qui avait été alertée. L’un a reçu deux balles, l’autre trois balles. Leurs corps ont été retrouvés à quelques mètres de la voiture qui était fermée à clés. Aucun impact de balles n’a été retrouvé sur la voiture », avait déclaré Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères.
Le porte-parole de l’état-major de l’armée française, le colonel Gilles Jaron, a déclaré que la force Serval, alertée sur l’enlèvement des deux journalistes, avait immédiatement envoyé une patrouille et deux hélicoptères pour tenter de repérer leur véhicule. « Les corps sans vie des deux journalistes ont été retrouvés par la patrouille au sol vers 14h55 locales à une douzaine de kilomètres à l’est de Kidal à proximité d’un véhicule à l’arrêt », a-t-il dit.
A l’issue d’une réunion de crise présidée par le président français François Hollande à l’Elysée, celui-ci a déclaré que Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont « été assassinés froidement » par balles, par des « groupes terroristes ».
Leurs dépouilles devaient être acheminées hier à Bamako par l’armée française. Selon la direction de RFI, dont une délégation était attendue chez nous, ils seront rapatriés au plus tôt aujourd’hui en France où ils seront ensuite autopsiés. Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde qui inclut RFI, accompagnée de Cécile Mégie, directrice de RFI, ainsi que de Christophe Boisbouvier et d’Yves Rocle, rédacteurs en chef du service Afrique, étaient attendus hier à Bamako.
De nombreuses questions demeuraient sur les causes et les circonstances de l’assassinat des journalistes, deux professionnels aguerris. « Ni Ghislaine ni Claude n’étaient des têtes brûlées, ils n’ont pris aucun risque inconsidéré », a assuré Marie-Christine Saragosse. Pourtant selon le ministère français de la Défense, les deux journalistes avaient rencontré les militaires de l’opération Serval à Bamako et leur avaient demandé de les transporter jusqu’à Kidal. « Conseil leur avait été donné de ne pas s’y rendre, en raison de l’insécurité qui y persiste et de la rivalité des différents groupes qui agissent sur zone », a dit le ministère de la Défense dans un communiqué. « En dépit de ce conseil, les deux journalistes ont emprunté un transport de la Minusma pour se rendre à Kidal », a-t-il ajouté.
La piste d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), très présente dans la région malgré les troupes françaises, reste cependant « la plus probable », estime Pierre Boilley, directeur du Centre d’études des Mondes africains (CEMAF), qui ne voit « aucun intérêt » pour le MNLA à enlever ou tuer des journalistes français.
La presse française évoquait hier l’hypothèse d’un différend financier entre groupes armés autour de la rançon qui aurait été versée –20 millions d’euros selon certaines sources– pour obtenir la libération la semaine dernière des quatre derniers otages français d’Arlit.
En effet, les meurtres de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon sont intervenus quatre jours après la libération de quatre otages français, détenus par Aqmi pendant plus de trois ans dans la région.
« Les assassins, ce sont ceux que nous combattons, c’est-à-dire les groupes terroristes qui refusent la démocratie et qui refusent les élections », a martelé le ministre Fabius avant d’annoncer que « la sécurisation de l’ensemble de la zone et des zones voisines » allait être « accrue », mais sans fournir de détails.
De source gouvernementale, il s’agirait de rendre la présence française « plus visible » dans l’extrême-nord malien.
Le MNLA occupe toujours les locaux du gouvernorat. Malgré le cantonnement, les armes circulent au vu et au su de tout le monde. Enfin il y a les amis de Iyad Ag Ghaly, les lieutenants du chef touareg islamiste dont le rôle dans la libération des otages français a redoré le blason. Les hommes d’Ansar Dine sont revenus ces dernières semaines en toute impunité. C’est dans ce contexte d’anarchie que des terroristes ont assassiné, ce samedi, deux journalistes.
Notre ministre de la Défense et des Anciens combattants, Soumeylou Boubeye Maïga, et le numéro 2 de la Minusma, Abdoulaye Bathily, examinaient à peine quelques heures avant le drame, la situation sécuritaire particulière de Kidal. Ils ont déploré sur RFI hier ce manque alarmant de sécurité et l’absence d’autorité dans la ville de Kidal.
Peu de temps après ce crime, les présidents français François Hollande et malien Ibrahim Boubacar Keïta ont affirmé samedi leur détermination à poursuivre et à remporter le combat commun contre le terrorisme. Lors d’un entretien téléphonique dans la soirée du samedi, les deux chefs d’Etat ont marqué leur volonté de poursuivre sans relâche la lutte contre les groupes terroristes qui restent présents au Nord, selon un communiqué de l’Elysée.
Synthèse de B. M. SISSOKO
QUI SEME L’INTOX RECOLTE SES 2 JOURNALEUX EGORGés
C’est la rançon de l’ambiguïté entretenue autour de Kidal. Triste réalité et deux journalistes payent de leur vie.
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