Pendant qu’un détachement de l’armée malienne poursuivait les ravisseurs des deux Français enlevés dans la nuit du mercredi 23 novembre à Hombori, trois touristes –deux Hollandais et un Sud –Africain –ont été kidnappés le lendemain, 25 novembre à Tombouctou où, un quatrième, un touriste allemand a été tué d’une balle, tirée à bout portant, par les ravisseurs. C’était en milieu d’après –midi, sur la terrasse de leur hôtel où ils étaient attablés.
Le gouvernement malien se dit déterminé à lutter contre le terrorisme sur son sol. Les recherches se poursuivent. Sans résultat, pour l’instant.
Présentés par la presse internationale comme des géologues, les deux Français travaillaient pour une cimenterie, située à 30 Km de Hombori, localité située entre Mopti et Gao. L’un serait ingénieur minier, tandis que l’autre, chargé de la sécurité.
Philippe Verdon et Serge Lazarevic, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, avaient travaillé jusqu’à 16 heures, ce mercredi 23 novembre. Avant de rentrer à leur hôtel où, ils avaient reçu des collègues maliens. Puis, sont rentrés dans leur chambre pour dormir.
Vers 2 heures du matin, un bruit retentit dans le couloir. Selon le gardien de l’hôtel, une dizaine d’hommes armés investissent l’hôtel.
Armés de Kalachnikov, le visage dissimulé sous des turbans, ils somment les deux Français de monter à bord de leur véhicule 4×4. Avant de se fondre dans l’obscurité.
Aussitôt informé, un détachement de l’armée malienne se lance aux trousses des ravisseurs ; sans résultat, pour l’instant.
Des traces de sang dans une chambre
Ces enlèvements n’ont pas été revendiqués. Mais ils portent la marque d’Al-qaeda au Maghreb Islamique (Aqmi). Qui se livre, dans la bande Sahélo –Saharienne aux enlèvements de touristes, au trafic en tous genres et à la criminalité transfrontalière.
« j’ai entendu des bruits dans les couloirs de l’hôtel. J’ai allumé ma lampe pour voir ce qu’il se passait. J’ouvre la porte et, tout à coup, je vois des hommes armés. Ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas venus pour moi, mais pour les blancs », raconte Hamma Maïga, gérant de l’hôtel. Avant de poursuivre, avec une voix tremblante : « Ils m’ont demandé de ne pas crier, de leur montrer les chambres des deux Français. Puis, ils m’ont attaché les mains dans le dos et bouclé la chambre sur moi. J’ai entendu un cri, celui de l’un des deux Français. Après m’être libéré, j’ai vu des traces de sang dans l’une des deux chambres occupés par les deux Français ».
Dans un communiqué, diffusé jeudi soir sur les antennes de la télévision nationale, le gouvernement malien condamne, avec fermeté, cet acte crapuleux.
Et exprime sa solidarité aux familles des deux otages et aux autorités françaises.
Ces enlèvements portent à six, le nombre de Français, actuellement détenus au Sahel.
Mais quarante –huit heures après l’enlèvement des deux Français, surprise sur… prise : trois touristes ont été enlevés et un quatrième, un Allemand, a été tué d’une balle, tirée à bout portant, par les ravisseurs. C’était, vendredi 25 novembre, à la terrasse de leur hôtel, situé sur la place principale de la « Cité des 333 Saints ».
Une première dans la « cité mystérieuse »
Tout a débuté en milieu d’après –midi. La ville est emballée dans l’harmattan. Il fait, légèrement froid. Soulevé par le vent, un nuage de poussière balaie les rues.
A la terrasse de l’hôtel, cinq touristes sont attablés : deux Hollandais, un Sud –Africain, un Allemand et un Australien. Soudain, des hommes armés débarquent d’un véhicule 4×4 surmonté d’une mitraillette. Et leur ordonnent de monter à bord, sous la menace de leurs armes.
Les deux touristes hollandais et le Sud –Africain sont embarqués, manu militaire. L’Allemand, lui, tente de résister. Il est abattu d’une balle, tirée dans la tête. Quant au touriste australien, il réussit à s’enfuir. Avant se barricader dans son camping –car. C’est la première fois que des touristes ont été enlevés à Tombouctou.
« J’ai servi les quatre touristes, attablés sur la terrasse de l’hôtel. Avant de rentrer à l’hôtel. Puis j’ai entendu un coup de feu. En ressortant, j’ai vu le corps du touriste allemand gisant sur le sol, dans une mare de sang », témoigne un employé de l’hôtel que nous avons joint au bigophone. Contrairement à Hombori, les assaillants auraient agi, ici, à visage découvert.
Classée « zone rouge » par le gouvernement français, la ville de Tombouctou continue, malgré tout, d’accueillir des touristes.
Créé en avril 2010, le Comité d’état –major opérationnel (Cémoc), regroupant les états –major des armées du Mali, de la Mauritanie, de l’Algérie et du Niger, avait pour objectif de lutter contre l’insécurité au Sahel. Il a son quartier général, dans le sud de l’Algérie.
Mais aussi d’un centre de renseignements basé dans la capitale algérienne. Mais il ne dispose d’aucune troupe pour faire face à sa mission : bouter Aqmi hors de la bande Sahélo –saharienne.
Réunis, le 21 novembre dernier à Bamako, les chefs d’état-major de la Cémoc n’ont pris aucune mesure concrète, permettant de faire face à Aqmi, ni à ses menaces. Pour le gouvernement malien, la lutte contre Aqmi nécessite des opérateurs communes dans toute la bande Sahélo –Saharienne ; tandis que pour l’Algérie, la lutte contre Aqmi concerne, plutôt, les pays du Sahel.
En attendant, l’armée malienne est, toujours, aux trousses des ravisseurs. Sans résultat, pour l’instant. Elle est épaulée, dans ses recherches, par un détachement de l’armée française.
Une enquête est ouverte par la gendarmerie à Hobori. Cinq personnes ont été interpellées, dont Ibrahim Ould Bah, le guide des deux Français.
Désormais, neuf ressortissants étrangers sont détenus dans le Sahel. Au rang de ceux –ci, six Français.
Pour Soumeylou Boubèye Maïga, ministre des Affaires Etrangères et de la coopération Internationale, les enlèvements du mercredi 23 novembre et ceux du vendredi 25 novembre traduisent le niveau de l’insécurité dans notre pays.
Oumar Babi
Amadou Toumani Touré, président de la Rue publique
Avec les enlèvements d’étrangers, survenus à Hombori et à Tombouctou où un touriste allemand a été tué, en pleine journée et en plein rue par les ravisseurs, la côte de popularité de son Généralissime a pris un sacré coup.
Au nord, comme au sud de notre pays, les populations ne décolèrent pas. Selon certaines rumeurs circulant à Bamako, les rues pour manifester leur mécontentement face aux autorités de notre pays. Des autorités qui, selon elles, semblent s’être résignées face aux terroristes d’Aqmi. Qui se comportent, sur notre territoire, comme en terrain conquis.
Même au nord de notre pays, le soulèvement des populations n’est pas à exclure, face à ce qu’elles considèrent comme « la démission de Bamako ». « Les populations en ont marre des attaques à main armée, des braquages en plein jour et surtout de l’absence des forces armées et de securité sur le terrain », nous a confié l’honorable Elhadj Baba Haïdara dit Sandy, député de Tombouctou et chef de la délégation parlementaire envoyée au nord –Mali.
Si rien n’est fait pour mettre fin à cette insécurité, les jours à venir risqueront d’être chauds. Très chauds.