DANS LA VALLE D’INAIS (Mali) – Des campements spartiates, bivouacs de miséreux écrasés de chaleur: dans leur ratissage de la vallée d’Inaïs, les soldats français ont eu la confirmation que leurs ennemis jihadistes savent vivre de peu, dans des conditions terribles.
S’ils n’ont pas, lors de leur fouille de cet oued asséché à 100 km au nord-est de Gao, affronté de combattants islamistes qui avaient fui leur avancée, les hommes de l’opération Serval ont découvert d’innombrables traces de leur présence.
C’est sous les plus grands acacias et leur ombre en rotonde qu’ils prennent leurs quartiers, au plus touffu des bois dans le lit de l’oued. A l’écart des rares villages et de leurs habitants, qu’ils terrorisent, enrôlent et dont toujours ils se méfient.
“Leur but est avant tout de diminuer leur empreinte au sol, de se rendre invisibles du ciel car ils savent qu’une armada vole nuit et jour au-dessus de leurs têtes”, commente un sous-officier français, le lieutenant Cyrille (il n’accepte de révéler que son prénom).
Les drones, hélicoptères et avions-espions qui patrouillent dans le ciel du Mali sont équipés de caméras thermiques qui détectent les sources de chaleur même sous la végétation, mais il est difficile depuis les airs de différencier quatre hommes autour d’un feu d’un troupeau de chèvres.
Une patrouille 92ème Régiment d’Infanterie progresse sous les acacias etles épineux.
L’ombre des plus grands arbres abrite les bivouacs. Souvent les branches d’acacias aux longues aiguilles ont été rabattues pour former des murs opaques. On peut passer à quelques mètres sans rien remarquer.
Produits algériens
Dans leur retraite, les jihadistes ont laissé des traces. Toute la nourriture ou presque vient d’Algérie: cartons de gâteaux “Choco Dream”, spaghetti “Gusto”, lait en poudre “Veronica”. Il y a des boîtes de dattes, des conserves de tomates pelées. Des menus frugaux, dans une chaleur dépassant les
40 degrés à l’ombre l’après-midi.
Pour le couchage, ce sont des nattes à même le sol ou des lits artisanaux, parfois des modèles pliants de l’armée. Une paire de chaussures de marche en bon état, des outres à eau dans les arbres, de vieilles théières en fer blanc, des couverts made in China. Les bidons d’eau, pour rester aux frais, sont
entourés de toile de jute.
Les dépôts de munitions, souvent des obus ou roquettes de gros calibre, découverts par le contingent français, sont souvent situés à l’écart des campements, par sécurité. Près des feux, les caisses de bois servent de chaises improvisées.
“Chef, chef, par ici !”, interpelle l’un des soldats. Il montre un fût de 500 litres de carburant, vide. A l’odeur, de l’essence. Il y a longtemps que les groupes islamistes qui écument le Sahel ont compris que les gros moteurs V8 essence de leurs pick-ups Toyota leur donnait en vitesse de pointe un avantage crucial face aux moteurs diesels des mêmes pick-ups des armées de la région.
Quand ils sont pleins, les fûts sont le plus souvent enterrés, invisibles si un autochtone n’en désigne pas l’emplacement. Les combattants islamistes notent et s’échangent les coordonnées de leurs points GPS.
L’un des éclaireurs touareg qui accompagnent partout les soldats français remue de la pointe de son bâton les cendres d’un foyer. “Moins d’une semaine”, dit-il.
Un soldat français rejoint, à l’ombre d’un épineux, l’un de ses camarades. “Cinq jours qu’on est ici. Tu penses bien qu’ils ne nous ont pas attendus…”
Dans le village voisin de Fes en Fes, au centre de la vallée, les rares villageois qui ne se sont pas installés depuis des mois sous la tente derrière la dune, par précaution, minimisent leurs contacts avec les maquisards islamistes.
“On ne les voyait pas pendant la journée, ils envoyaient des gens, souvent très jeunes, faire les courses pour acheter du thé ou du sucre”, dit l’un d’entre eux, Mohamed. “Ils se méfient de tout le monde, arrêtent tous ceux qui approchent de leurs campements, traitent tous les étrangers au village d’espions”, raconte-t-il.
Après avoir noté les références des munitions, récupéré celles qui peuvent l’être pour l’armée malienne, les soldats français font un tas de toutes les affaires, arrosent d’essence et mettent le feu.