Les revers subis par l’Etat islamique (EI) profiteraient aux groupes terroristes dans le Sahel. Certains parlent même d’une aubaine pour une l’alliance Aqmi/Al-Mourabitoune.
C’est une étude de l’Institut français des relations internationales (Ifri) parue le 6 janvier qui révèle les dessous du ralliement d’Al-Mourabitoune, le groupe de Mokhtar Belmokhtar, à Aqmi en décembre 2015. L’occasion de faire le point sur les différentes composantes de la mouvance jihadiste au Sahel.
Interrogé l’auteur de l’étude, Marc Mémier, chercheur sur les questions terroristes au Sahel et en Afrique du Nord, fait le point sur la nébuleuse jihadiste dans la région.
Selon lui, “depuis la Libye, Belmokhtar assiste ainsi à la progression de l’EI et à la déperdition de combattants partis rejoindre l’EI, y compris dans son propre camp. A son tour, il va alors se rapprocher de Droukdel et proposer d’adopter une stratégie commune afin d’’unir les moudjahidines’ face à la montée en puissance de l’EI”.
Entre 200 et 250 combattants actifs
L’enquête de l’Ifri fait ressortir également le mystère d’Al-Mourabitoune. Et sur les effectifs et les profils des combattants, Marc Mémier dira qu’il est très difficile d’évaluer précisément leur nombre.
“Pour ce qui est de la branche restée fidèle à Belmokhtar (qui doit bien être distinguée de la branche dirigée par Al-Sahraoui ayant prêté allégeance à l’EI), ils sont estimés entre 200 et 250 hommes, dont seulement une cinquantaine de combattants actifs. Un faible nombre qui ne doit pas présumer de l’efficacité du mouvement : la logique est celle d’une guerre asymétrique qui ne nécessite pas forcément un grand nombre de combattants actifs mais quelques-uns bien repartis dans plusieurs cellules. Ces hommes sont surtout des Touareg et des Africains noirs alors que les Arabes sont minoritaires. La plupart sont Maliens mais on trouve aussi des Nigériens, des Sénégalais, des Burkinabè et quelques Mauritaniens. Si on compte des Algériens et des Tunisiens parmi les cadres, les combattants sont en majorité locaux et répartis en petites cellules dans plusieurs pays sahéliens, y compris certains pays côtiers”, a-t-il précisé.
Belmokhtar renforcé
En tout état de cause, l’EI semble avoir pris l’avantage sur Aqmi en termes d’influence, de leadership et de recrutement de combattants. “Il est vrai que depuis 2014 l’EI a eu des conséquences négatives sur l’ancrage régional d’Aqmi. Mais la branche maghrébine d’Al-Qaïda n’est pas morte pour autant. Après quatre ans d’opération militaire franco-africaine au Sahel, l’organisation a démontré une certaine capacité de résilience par sa faculté à se réorganiser et se redéployer dans d’autres territoires. De plus, les récentes déroutes de l’EI en Libye, comme en Syrie en Irak, pourraient bien profiter à Al-Qaïda et à Aqmi en particulier dans les mois à venir”, analyse le chercheur de l’Ifri.
Et de faire remarquer que déjà, suite à l’éviction de l’EI de Syrte, en Libye, et son repli vers le Sud du pays, certains de ses chefs se sont rapprochés d’Al-Mourabitoune. “Le groupe de Belmokhtar a également été renforcé récemment par le retour de plusieurs combattants maghrébins de l’EI venant du front syro-irakien. Ce n’est pas encore un phénomène de grande ampleur mais on peut imaginer qu’une défaite militaire de l’EI face à la coalition internationale en Syrie et en Irak entraînerait inévitablement la dispersion de milliers de combattants, dont un grand nombre pourrait alors être tenté de poursuivre le jihad sous le drapeau d’Al-Qaïda et de sa branche maghrébine”, a-t-il conclu.
A. M. C. avec France 24