Une femme et une fillette déchiquetées par les bombes mauritaniennes. Le matériel de l’ORTM emporté pour empêcher certainement que les horreurs soient filmées. C’est l’atterrement général à Tombouctou où on attend encore la réaction du gouvernement malien. ATT se trouve ainsi interpellé, pour mettre le holà à cette situation potentiellement dangereuse.
Jouissant d’un droit de poursuite des terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) accordé par le gouvernement malien, l’armée mauritanienne s’est enfoncée dans le territoire malien jusqu’à une soixantaine de kilomètres de Tombouctou, tirant sur tout ce qui bouge. Comme nous le signalions dans notre édition d’hier, l’armée mauritanienne affirmait avoir détruit trois véhicules sur les sept ciblés dans une colonne des terroristes d’AQMI.
Selon certaines sources, le corps déchiqueté d’une femme, brandi comme un trophée de guerre par les militaires mauritaniens, était présenté comme celui de l’épouse de l’un des chefs d’AQMI. Nous précisions aussi qu’un silence absolu entourait le sort réservé aux autres occupants des véhicules.
Nous en savons un peu plus lorsque la fumée des bombes s’est dissipée. La région de Tombouctou, est aujourd’hui atterrée par les horreurs semées par l’armée mauritanienne sur son passage : une femme et une fillette ont été déchiquetées par les tirs des militaires mauritaniens. En effet, c’est à environ une centaine de Km de Tombouctou que le véhicule de ces civils innocents a été pris pour cible par des avions de combats. Précisément dans la zone de Bogabra, à environ trente kilomètres de Boujbeha 2.
Lorsque les premiers tirs ont crépité, déchirant profondément le silence habituel de cette zone déserte, le chauffeur a tout simplement arrêté le véhicule.
Prises de panique, les femmes sont descendues de la voiture pour tenter de s’enfuir, afin de pouvoir trouver un abri. C’est en ce moment que, sans se poser la moindre question, les militaires mauritaniens ont tiré sur ces personnes innocentes.
Ces horreurs commises sur des personnes vulnérables (une femme enceinte et une fillette d’à peine 13 ans) témoignent de la barbarie de l’intervention mauritanienne en sol malien. Selon plusieurs témoignages recueillis sur place, la femme tuée dans cette opération militaire se rendait chez ses parents pour y résider jusqu’après son accouchement, comme c’est de coutume en zone nomade.
Pour le moment, les populations de Tombouctou n’ont pas réagi publiquement. Elles sont certes frappées par la consternation, mais, selon un de nos interlocuteurs, "c’est parce qu’elles attendent de voir comment Bamako, c’est-à-dire le gouvernement, va gérer cette question, avant de faire quoi que ce soit".
Notons que Tombouctou offre l’image d’une ville en état de siège, suite à l’état d’alerte de l’armée malienne qui a quadrillé la ville pour la sécuriser. Les redoutables BRDM sont postés au niveau de l’aéroport dont certaines indiscrétions disent qu’il serait menacé d’attaques islamistes, parce qu’il est le principal point de ravitaillement des militaires mauritaniens et français qui opèrent contre AQMI.
Mais ce dispositif de dissuasion ne suffit pas pour atténuer la colère des populations de la région de Tombouctou. Pour eux, il appartenait à l’armée malienne, d’être présente dans la zone, ne fusse que pour superviser et éviter ces dérapages sanglants, à défaut de prendre part aux combats.
Une personnalité de la société civile de Tombouctou est d’ailleurs très amère : "Il demeure impératif pour les autorités de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ce genre d’images dignes de l’Intifada ne fassent pas légion sur le Mali de la paix". Dans la nuit de dimanche à lundi, un véhicule d’une équipe de l’ORTM qui transportait une équipe venue réaliser un reportage sur ces horreurs, a été volé aux environs de 20H à Hamabangou, quartier populaire de Tombouctou, sous les yeux médusés du chauffeur et de certains badauds. C’est dans la matinée du lundi que ledit véhicule sera retrouvé, intact. Seul le matériel de reportage a été emporté. Qui ne voulait donc pas que ces images horribles soient portées à l’attention du public ?
Les deux victimes ont été inhumées dans la plus grande consternation, hier matin vers six heures du matin, en présence du maire de la commune de Salam où a eu lieu la bavure.
Rappelons qu’à la suite du raid franco-mauritanien du 22 juillet dernier, qui avait lieu sur le territoire malien – au nom du droit de poursuite accordé par le Mali -pour libérer l’otage français Michel Germaneau qui a été finalement exécuté par les terroristes d’AQMI, les militaires mauritaniens, en se repliant, avaient enlevé et séquestré deux civils innocents.
Ce qui avait choqué la communauté arabe de Tombouctou qui avait porté l’affaire devant les tribunaux pour réclamer leur libération immédiate. Même si l’Etat malien n’avait pas réagi officiellement, au nom d’une «diplomatie discrête», la pression populaire avait payé et ils ont été finalement relâchés sans autre forme de procès. N’est-il pas temps, pour ATT, de mettre le holà à cette situation potentiellement dangereuse?
Amadou Bamba NIANG