Décès du chef coutumier de Kidal, Intalla Ag Attaher : Parcours d’un personnage aux multiples facettes

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Né en 1927, l’Aménokal de Kidal, Intalla Ag Attaher, s’est éteint le soir du jeudi 18 décembre dernier, à l’âge de 87 ans, après une courte maladie dans la ville de Kidal. Il a été remplacé par son fils aîné, Mohamed Ag Intalla, député élu sur la liste du RPM. Le patriarche Intalla est surtout connu pour avoir vécu toutes les rébellions touarègues que le Mali a connues de l’indépendance à nos jours. Même si, au départ, il a véritablement joué un rôle de pacifiste et de rassembleur aux côtés des régimes de Moussa Traoré et d’Alpha Oumar Konaré notamment, c’est son alliance aux rebelles séparatistes en fin 2011 qui a surtout retenu l’attention de plus d’un et lui a valu une vague de critiques.

Intalla
Le patriarche de Kidal , Intalla

L’Aménokal de Kidal, chef élu par les sages, a succédé à son père en 1962. Lui-même, père de quatre enfants, était une figure emblématique des Touareg de la tribu des Ifoghas. Il trainait une santé fragile depuis plusieurs mois et se déplaçait même en fauteuil roulant en raison d’une paralysie consécutive à un accident de la circulation. C’est en avril dernier, après un déplacement sanitaire à l’hôpital militaire de Rabat qu’il est rentré à Kidal où il appelait à la paix au Mali.

Respecté de toute la communauté, aucune décision ne pouvait être prise dans la région sans son consentement. On se rappelle qu’en septembre 2013, lors de la visite mouvementée de trois ministres de la transition à Kidal, les forces françaises l’avaient sollicité pour appeler les populations au calme et à cesser tout acte de violence. Mais cela n’avait pas servi à grand-chose, obligeant lesdits ministres à écourter leur séjour kidalois. Député de Kidal à plusieurs reprises depuis 1960, il s’est posé en pacifiste durant des décennies, condamnant l’usage de la force par les mouvements indépendantistes ou autonomistes touaregs dont Kidal fut toujours le point de départ. Il a joué un rôle non négligeable dans l’arrêt de la rébellion de 1990, lorsque des jeunes Touaregs étaient de retour dans leur pays d’origine pour prendre les armes afin de se faire entendre. Son implication avait conduit à la signature du Pacte national en 1991, mettant fin à ces tensions. Ce qui n’a pas empêché son enlèvement en février 1994, par l’armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (Arla) majoritairement composée de Touaregs Imghad opposés à l’hégémonie des Ifoghas. En 2006, lors d’une rébellion de plus, il avait appelé ceux qui ont pris les armes à revenir à des sentiments meilleurs, ce qui avait abouti à la signature de l’Accord d’Alger, la même année.

 

Rapprochement dans les rangs séparatistes

Pourtant, ce calme n’a été que de courte durée. En effet, le patriarche Intalla a été l’un des artisans du mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) fondé par des revenants de la Libye après la chute de Kadhafi. C’est lui qui envoyait des courriers aux dirigeants des pays de la région et même au-delà pour les appeler à reconnaitre l’ ” Azawad ” et à le soutenir. Malgré son âge avancé et sa santé fragile, son activisme au sein du MNLA a continué jusqu’à la fin de 2013. Il avait appelé à l’organisation de forums d’abord à Gao, le 25 avril 2012 et à Kidal du 17 au 20 juin de la même année, pour appeler les jeunes à exprimer leur désapprobation de l’organisation terroriste Ançar Dine d’Iyad Ghali. Non content de ce rapprochement entre ce mouvement et le MNLA, il finira par le quitter au profit d’une autre organisation fondée par des transfuges d’Ançar Dine, il s’agit du HCUA dont il deviendra le président d’honneur. Et ses fils Mohamed et Algabass y seront également enrôlés avant que le premier ne décide de prendre fait et cause pour les autorités maliennes. Ce qui lui vaudra même un poste de député après les législatives de 2013 sous les couleurs du RPM.

 

Il part en laissant un travail inachevé

L’Aménokal de Kidal a aussi été très actif pour le retour de la paix entre les Touaregs qui s’affrontaient régulièrement comme en témoignent les combats de Tabankort en mai dernier. Au sein du HCUA, le vieux Intalla déployait beaucoup d’efforts pour la conclusion d’un accord entre le gouvernement et les groupes armés rebelles. Mais il ne verra pas ce jour arrivé de sitôt. Selon des sources, à ses dernières heures, il était devenu très favorable à la partition du pays. C’est ainsi qu’il n’avait pas hésité à dire au représentant de la MINUSMA que la seule manière de garantir une paix définitive, c’est la division du pays. Une situation qui contraste largement avec ses positions antérieures et qui nourrit chez certains beaucoup d’animosité envers lui. Il part donc en trainant ce fardeau derrière lui.   M. Diop

 

 

Mohamed Ag Intallah, nouveau chef des Ifoghas

C’est donc l’ainé des Intalla, Mohamed qui a été désigné comme nouvel Aménokal de Kidal. Même s’il bénéficiait de nombreux soutiens, sa désignation n’a pas été de tout repos. En effet, son frère cadet Alghabass Ag Intalla, leader du HCUA, mouvement composé de transfuges de l’ex-Ançar Dine d’Iyad Ag Ghali, faisait figure de véritable challenger. Et ce, au regard de son implication dans les pourparlers inter-Maliens d’Alger dont la reprise est prévue en janvier prochain. Il y avait aussi Attayoub Ag Intalla que d’aucuns estimaient qu’il pouvait se hisser à la tête de la tribu des Ifoghas.

Mais, il n’en sera rien puisque c’est le droit d’ainesse qui a été respecté. Même s’il n’était pas archi-favori, Mohamed Ag Intalla, pour bon nombre d’observateurs, est un républicain et un homme de paix. Son installation à cette fonction était donc souhaitée au regard du rôle qu’il peut jouer en faveur du retour de la paix et de la réconciliation. Toujours est-il que le député élu de Kidal sous les couleurs du RPM, n’aura aucune période de grâce, car les sujets de préoccupation ne manquent pas. Outre les pourparlers d’Alger pour déterminer l’avenir de cette région, il doit aussi faire face à la recrudescence des attaques jihadistes dont Kidal est un endroit privilégié. Par ailleurs, Alghabass Ag Intalla, considéré par certains comme le successeur du vieux, avait la malchance d’être un proche de l’ex-Ançar Dine. Ce qui a sans doute joué contre lui.

Après Intalla Ag Attaher, son allié Baba Ould Sidi Elmoctar, chef des Kountas  tire sa révérence

C’est hier dimanche 21 décembre que le décès du chef des Kountas, Baba Ould Sidi Elmoctar, maire de la ville d’Anefis, localité située à 150 km au nord de Gao, a été annoncé depuis la ville algérienne de Tamanrasset où il subissait des soins. Il était considéré comme une personnalité influente dans la zone et comptait de nombreux disciples même au-delà du Mali. Il est l’un des petits-fils du grand Cheikh Sidi Elmoctar, l’un des compagnons d’Oqba In Nafi Al Fihri qui fut l’un des premiers conquérants arabes en Afrique.

Cette tribu est l’une des plus anciennes dans cette partie du continent et elle est présente en Mauritanie et au Niger. Baba Ould Sidi Elmoctar était également un compagnon du patriarche Intallah. Les deux se sont opposés à Ançar Dine au moment où le MNLA était poussé dans ses derniers retranchements par les terroristes d’Ançar Dine, d’AQMI et du MUJAO avec lesquels il était pourtant allié.

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4 COMMENTAIRES

  1. Quelle honte! A en croire que c’est la prémière fois qu’un “chef de village” décède au Mali. Le Mali par l’intermédiaire de son politique et de ses médias accordent trop d’importance aux non événements. On est prompt à couvrir les funérailles ou à pleurer sur les cercueils des chanteurs, danseurs, chefs rebelles, journalistes pro séparatistes et à passer sous silence les décès des professeurs formateurs de cadres supérieurs.
    Dr DICKO, professeur à l’ENI, qui vient de décéder la semaine dernière, contrairement à Intalla, n’a même pas bénéficié des communiqués laconiques qui annonçaient la mort de Mahamed Hallassi DICKO, professeur à l’ENI et Directeur de l’Enseignement supérieur en 1990 ou du nauffrage qui a coûté la vie à plus de 60 personnes de nos compratriotes. Ce sont les signes de démagogie, d’ignorance et d’irresponsabilité.
    Nous ne devons plus nous étonner de la médiocrité du niveau des enfants à qui les leçons de la vie n’enseignent que la préférence de l’avilité à la qualité

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