Signé en deux temps, les 15 mai et 20 juin 2015 à Bamako, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger a, aujourd’hui, le plomb dans l’aile. Les derniers affrontements entre le Gatia et le MNLA illustrent à suffisance l’impasse dans lequel se trouve actuellement l’entente concoctée laborieusement (de Ouagadougou en 2013 à Alger en 2014 puis Bamako en 2015) et qui a été présenté comme l’unique chance du Mali pour la paix. Cela malgré la tare congénitale qui consiste, d’une part, en ce que toutes les parties signataires ont exprimé leurs plus expresses réserves sur le document et, d’autre part, parce que les Maliens et leurs représentants (Parlement, partis politiques et société civile) furent tenus en dehors du processus. Puisque la marche vers la l’accord fut longue et coûteuse, puisque le pays et ses populations étaient exsangues et que la communauté internationale menaçait de les laisser à leur triste sort, cet accord fut accepté comme l’unique voie sans alternative. Mais personne n’était dupe, ni sur sa capacité à sauvegarder à terme le Mali « Un et indivisible », ni sur les difficultés de sa mise œuvre. Pour paix, devenue une denrée rêvée au Mali, aucun sacrifice n’était grand. « Tais toi et marche, la paix, la réconciliation et le développement te seront donné de surcroît ». Inchallah !
Dans la mise en application de cette « usine à gaz » si complexe, quoi de plus normal que les difficultés, réelles et suscitées, et des méfiances conduisent à des retards qui seront imputé au gouvernement ? Mais ce qu’il faut dire, c’est que dans cet accord, le gouvernement malien est une partie comme les autres signataires, avec des obligations qui dépassent ses seules moyens. Pire, le Mali est considéré comme la partie qui a perdu la guerre et qui doit de ce fait accepter le dictat des « vainqueurs » et payer des réparations de guerre, sous l’œil complice de la communauté internationale. Cette dernière, après avoir poussé le gouvernement à s’engager pour des efforts financiers intenables pour lui tout seul, a promis de contribuer au paiement de ce tribut.
Aujourd’hui elle se fait attendre, hypothéquant la mise en œuvre de l’accord de paix et donnant des velléités de rebuffades à d’autres parties, singulièrement, celle qui n’ont jamais cru en l’accord et l’ont démontré dès le début en prenant leur temps pour le signer.
Ce qui est patent maintenant, c’est que l’entente matérialisée les 15 mai et 20 juin 2017, appelée Accord d’Alger, ne pouvait être au mieux qu’un prétexte pour que les gens de bonne foi taise les armes et cherche le bon chemin ensemble. Qu’ils se mettent ensemble pour trouver patiemment le modèle du vivre ensemble qu’impose notre monde actuel, en s’inspirant de notre expérience commune et millénaire. Et non trouver les voies et moyens pour appliquer à la lettre un accord avec lequel très peu sont d’accord.
Si la paix, la réconciliation et le développement sont la finalité de tous ceux qui ont paraphé puis signé cette entente, une autre posture s’impose. Celle consistant à avancer ensemble, au lieu de s’accrocher à un document comme à une planche de salut et à le fouler au pied quand ses intérêts mesquins sont en cause.
Pour parvenir à l’accord, il nous a été demandé de consentir des sacrifices, car on ne peut faire des omelettes sans casser les œufs. On a cassé les œufs, mais l’omelette n’est toujours pas là et, plus grave, risque de ne pas être là, au rythme où vont les choses.
Modibo Diallo