Dans les roches de l’Adrar de Tigharghâr, une bataille cruciale est engagée

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La tombe commune pour les personnes tuées lors de l'explosion, le 27 février à Kidal. |
La tombe commune pour les personnes tuées lors de l’explosion, le 27 février à Kidal. |

Ceux qui ont eu l’occasion de s’y rendre s’accordent sur un point : l’Adrar de Tigharghâr semble avoir été spécialement créé par le dieu des rébellions pourabriter des combattants en guerre contre des forces conventionnelles. Dans le massif rocheux, il coule une eau abondante, qui fait pousser une végétation épaisse, des avantages déjà précieux dans cette région de soif et d’aridité où boireet se cacher sont une affaire de vie ou de mort.

De plus, des rochers y ont judicieusement été creusés par la nature pour fournirde nombreux abris. Historiquement, l’Adrar de Tigharghâr a été un lieu de refuge pour les rébellions touareg combattant l’armée malienne ou la puissance coloniale, la France. Aujourd’hui, c’est dans ce massif que se livre une phase cruciale de l’opération militaire française en cours contre les rebelles islamistes alliés d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

RÉORGANISATION PARTIELLE DES REBELLES

La première partie de l’intervention française au Mali avait été un défi de logistique et de vitesse, une opération de mouvement de plusieurs semaines pour bousculer les alliés d’AQMI à travers le pays, jusqu’au fleuve Niger et aux villes principales qui se trouvent sur ses berges, de Tombouctou à Gao. Les combats dans cette période ont été marginaux. Les rebelles évitaient l’affrontement, abandonnant les villes après avoir subi des frappes aériennes. Une partie des hommes du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest), d’Ansar Eddine (mouvement qui a éclaté depuis) et de certains de leurs alliés d’AQMI se sont donc dispersés dans plusieurs zones du nord Mali, passant pour certains dans les pays voisins, tout en s’efforçant d’échapper à la surveillance aérienne.

Ils sont parvenus à se réorganiser partiellement, parvenant à monter des attaques à Gao et des attentats-suicides dans plusieurs villes, à partir de poches à l’intérieur du pays, où ils jouent des difficultés et de l’étendue du terrain pour serendre insaisissables.

ÉCHAPPER AUX DÉTECTIONS THERMIQUES

Comment combattre efficacement des groupuscules en mouvement presque permanent, camouflés dans le paysage, évitant de communiquer autrement que par messagers, de se regrouper pour servir de cible ou de faire chauffer trop de moteurs à la fois pour échapper aux détections thermiques ? Ces tactiques pesaient jusqu’à présent sur le futur de l’opération française Serval, menacée de dilution à l’échelle d’un territoire plus vaste que l’Hexagone. Mais l’Adrar de Tigharghâr a peut-être servi de capitale informelle à cette armée des ombres islamistes. C’est là que se joue la seconde phase, cruciale, de la guerre au Mali, menée par des troupes françaises et tchadiennes, avec l’aide de certains Touareg.

 

Pour Bilal ag Cherif, le chef de la rébellion touareg du MNLA, (Mouvement national de libération de l’Azawad), associée discrètement à l’alliance franco-tchadienne qui mène les combats dans le massif : “Il y a de nombreuses zones où se trouve AQMI, jusqu’à l’ouest de Tombouctou, mais Tigharghâr, c’est leur point d’ancrage. C’est là que se trouve le gros de leurs forces, humaines comme matérielles. Le combat en cours y est d’une importance capitale.”

PLATEFORME POUR DES OPÉRATIONS KAMIKAZES

Des combattants semblent avoir trouvé refuge dans le massif, où avaient été constitués des stocks de munitions, de vivres et de carburant en prévision d’une longue période de guerre de harcèlement. La zone, considérée comme inexpugnable, aurait pu constituer une parfaite plateforme de lancement pour des opérations kamikazes ou des attaques éclairs dans le nord du pays. Les forces françaises y sont désormais en opération avec des moyens terrestres et aériens au sujet desquels il n’existe pratiquement aucune information. Pour faire nombre et bloquer les issues du massif, les alliés tchadiens sont là en renfort. Aucun soldat malien n’a été associé à l’opération.

Un notable d’Aguelhok, de passage à Kidal, témoigne de l’importance des opérations en cours : “Il y a les troupes françaises et tchadiennes au sol, mais aussi beaucoup de frappes de Tigre “. Il explique que les forces tchadiennes sont entrées par deux axes différents dans le massif, pour prendre en tenaille les groupes rebelles. La taille de la zone où ces derniers opèrent aurait ainsi été diminuée par deux au cours des deux dernières semaines. “Les opérations, maintenant, c’est à peu près dans une zone de trente kilomètres sur trente”, assure un responsable au sein des organes de sécurité du MNLA, très impliqué dans ce dossier. Selon le notable d’Aguelhoc, deux camps d’entraînement du Mujao ont été touchés par des frappes aériennes récemment. Plusieurs dizaines de recrues des environs de Gao y ont été tuées.

 

 

Dans les combats des derniers jours, les forces tchadiennes ont été au premier rang. Eux qui aiment tant les charges héroïques pied au plancher en milieu découvert, qu’ils appellent “la guerre au Sahara”, menée à bord de leurs pick-up chargés jusqu’à la gueule de guerriers, de fûts d’essence et de munitions, tirant au RPG à bout portant sur l’ennemi, les voici dans un milieu qui s’est transformé en piège le 22 février. Sidi Mohammed ag Saghid, dit “Trois Trois”, chef de la sécurité du MNLA, explique : “Les Tchadiens avançaient avec une grosse colonne de 200 véhicules environ. Ils sont tombés dans une embuscade et la colonne a été coupée en deux. Mais ensuite, ils ont lancé leur propre attaque et ils ont durement frappé les islamistes”.

Dans l’Adrar de Tighargâr, le renseignement joue un rôle clef. Les frappes aériennes françaises visent des dépôts, des abris ou des camps grâce à des informations précises recueillies au sol. Il y a quelques jours, un jeune garçon d’Aguelhok, la ville la plus proche, qui posait des dispositifs de pointage pour les frappes aériennes françaises, a été surpris par les rebelles islamistes et exécuté, selon le responsable de l’administration locale qui dit sa crainte en entendant les détonations sourdes dans le massif voisin, tout en reconnaissant que les tirs“s’éloignent”. Tigharghâr est-il en train de constituer une nasse rocheuse, finalement, où serait enfermé le plus gros des forces rebelles islamistes ? Aucun témoin extérieur n’a pu approcher de la zone pour s’en rendre compte. Cette bataille cruciale se livre loin des regards.

EXFLITRATION

On ne peut donc qu’ébaucher l’hypothèse qu’un tri est en train de s’effectuer entre les mieux organisés des combattants, capables de se faufiler vers l’extérieur, et les recrues moins affûtées. Une source locale bien informée, qui vient de passerquelques jours en brousse dans les abords de l’Adrar, témoigne : “La nuit, on entend des petits groupes de trois à cinq pick-up qui avancent, tous feux éteints, pour sortir des rochers et prendre la direction de l’Algérie ou de Taoudenni”.

Il existe des zones rebelles près de Gao, près d’Ansongo. Mais pour les forces qui quittent Tighargâr, c’est vers les zones arides du nord, où la chaleur qui monte de jour en jour rendra bientôt la vie et les opérations militaires particulièrement difficiles, qu’il est possible à des combattants isolés de s’exfiltrer. Cela revient pour eux à gagner des zones encore plus lointaines pour survivre. Cela ne règle pas le cas d’autres poches rebelles au Mali, mais cela pourrait casser une partie de l’architecture de la guérilla au nord Mali.

Jean-Philippe Rémy – Kidal (Mali) Envoyé spécial

LE MONDE | 28.02.2013 à 12h18

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4 COMMENTAIRES

  1. La question Touareg et arabe est la question Sarakolé et Dogon.

    La crise actuelle du Mali est d’abord une crise de non respect de nos règles en matière de fonctionnement de la société.

    Que ce soit la crise sécuritaire ou la crise institutionnelle c’est parce que le malien ne respecte pas les lois en vigueur dans son pays qu’il se retrouve dans la merde, avec toutes mes excuses pour les personnes âgées qui visitent ce site.

    Une république avec la constitution du 25/02/1992 (j’invite tous ceux qui n’ont pas lu cette constitution de le lire au moins trois fois) si la conquête et l’exercice du pouvoir telles que décrites dans cette constitution, et les droits des citoyens tels que décrits dans cette constitution, les attributs des institutions de la république, tels que décrits dans cette constitution avaient été respectés par les maliens, on ne serait pas la aujourd’hui suspendus aux décisions de la Cedeao pour l’issue d’une transition incrédule, à voir les tchadiens mourrir à la place de l’armée malienne et l’Onu et les organisations de droits de l’homme spéculer sur “la question touareg et arabe”.

    Et dire qu’il y’a 3 ans, les maliens avec un air bonasse, fêtaient dans l’allégresse le Cinquantenaire d’une indépendance qu’ils n’ont jamais eu!

    En 2010, quand je les regardais remplir inconsciemment le lit du fleuve Niger pour un monument bidon de cinquantenaire de 8 milliards de FCFA, comme ci la Jacinthe d’eau qui tue à grand feu le fleuve Niger ne faisait pas assez, je me suis dit que l’insouciance dans ce pays le conduit inéluctablement à sa perte.

    Voilà que la Cour constitutionnelle et la cour Suprême (dont évoque aujourd’hui la Cedeao dans ce merdier malien) n’ont jamais joué leur rôle pour obliger nos dirigeants à respecter la constitution afin de garantir les droits constitutionnels à chaque malien et cela de manière équitable.

    Ces deux institutions n’ont jamais été à la hauteur d’une institution judiciaire digne de ce nom pour assurer un pouvoir judiciaire d’un régime démocratique et d’un d’état de droit.

    C’est donc logiquement que le droit n’a jamais été dit pour régler les problèmes du Mali, c’est pour cela que beaucoup de touareg et arabes et ce sont égarés, perdus pour la république et le Mali, réclamant indéfiniment un Azawad qui n’existe pas et qui n’existera pas.

    L’assemblée nationale dans le sillage des institutions judiciaires démissionnaires, a aussi démissionné de ses prérogatives d’un pouvoir législatif digne de ce nom pour un pays démocratique.

    Le député malien ne sait pas pourquoi il est élu par le peuple malien, il ne sait pas pourquoi il vote les lois, il ne connait même pas les lois qu’il a voté.
    Certains n’ont jamais compris le sens de la république.

    Voilà pourquoi, quand Iyad Ag Ghali, Ag Mossa, Ag Bahanga et tous les autres Al Caponne du nord de notre pays, se rebellent contre la république, toutes les institutions de la république laissent Koulouba, occupé par un cancre appelé ATT, de régler le problème avec des accords d’Alger bidon, des valises de billets de banque volés à la république pour assouvir les desseins sanguinaires de ces Dalton du sable mouvant.

    Le droit n’a jamais été dit dans cette affaire Touareg ou arabe au Mali.
    Sinon venez voir le petit Sarakolé galérer dans le froid parisien pour mériter le Smic dont il envoie la moitié à ses femmes et enfants restés au pays pour qu’ils vivent et partent à l’école parce que l’état n’a jamais pu construire pour eux écoles et centres de santé à fortiori une route goudronnée.

    Vous allez vous poser la question pourquoi Ag Bahanga et Ag Nijim qui ont pendant des décennies côtoyé Kadhafi et ses pétrodollars, et Iyad Ag Ghali et Ag Bibi, le Qatar et ses pétrodollars, Ag Chérif et Ag Assarid, la Suisse et ses paradis fiscaux, n’ont jamais pu rien faire pour Kidal qui vit dans une misère noire tout comme Badiangara et Yelimani.

    En voyant nos frères dogon inonder les marchés maliens et sous régionaux avec de l’oignon cultivé dans les falaises impossibles de Bandiagara avec de l’eau transportée sur la tête d’hommes et de femmes à des centaines de mètres plus bas, vous allez tirer votre chapeau pour ces fins connaisseurs de l’astronomie que sont ces Guindo, Dolo et autres Yalcouyé pour ne citer que ceux-ci et saluer leur courage face à la misère.

    Pourtant Sarakolé et Dogon n’ont jamais pris des armes contre le Mali.

    Pour vous dire que la question touareg et arabe est la question Sarakolé et Dogon car tous les maliens sont égaux en droit et en devoir dans la république.

    Il est grand temps de mettre le droit et la justice au cœur du problème malien sinon ça ne se réglera jamais.

  2. LE TIGHARGHAR EST UNE PARTIE DE L’ADDRAR DES IFOGAS , PAS D’ADDRA DE TIGHARGHAR 😉

    • Monsieur,l’Adrar des ifoghas est constitué de plusieurs adrars (montagnes).Il existe bel et bien adrar tigharghar comme adrar aceref, adrar adrar, adrar doriette, adrar tadjidioumett etc…Tinbiden zakak,boughessa tous ensemble forment l’Adrar des Ifoghas…

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