Pendant quatre ans, depuis l’éruption du conflit ayant déchiré le Nord désertique du Mali, Jafar a été déplacé plusieurs fois soit dans des lieux de refuges soit dans des camps au Burkina Faso, le pays voisin, sans jamais s’y sentir vraiment intégré. Maintenant que les combats ont cessé, il est rentré à Tombouctou et rattrape le temps perdu avec ses amis à la fin de l’après-midi.
Tombouctou était connu aux XVe et XVIe siècles comme une plaque tournante pour le commerce et l’érudition. La ville est située en périphérie du désert du Sahara au nord-est de Bamako, la capitale du Mali. Elle a été envahie par des militants en 2012, qui ont rasé des bâtiments historiques datant de son âge d’or et qui ont poussé des milliers d’habitants à l’exil à l’étranger ou au déplacement interne au Mali.
“Quand j’ai quitté le Mali, c’était le chaos”, a déclaré Jafar, 24 ans, qui est d’origine touareg. “Quand je suis rentré, j’ai trouvé une ville qui avait repris ses activités économiques. Les forces nationales et internationales de sécurité sont présentes, ainsi que des employés humanitaires. J’ai retrouvé mes voisins, tout va bien pour eux. Notre famille a commencé à revenir… depuis le Burkina Faso”.
Jafar fait partie d’environ 41 000 réfugiés maliens qui sont rentrés chez eux depuis la mise en œuvre du fragile accord de paix signé à la mi-2015. Beaucoup ont cependant retrouvé leurs maisons détruites, leurs biens pillés et ils sont sans emploi. Il est parfois difficile de trouver de l’eau potable et suffisamment de vivres. Les prix des produits de première nécessité ont grimpé en flèche.
Le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés, gère des projets de réinsertion communautaire qui mettent l’accent sur l’éducation, les soins de santé, l’hygiène et l’eau potable. Les populations qui sont restées sont prises en charge, tout comme les réfugiés rapatriés.
En novembre et décembre 2015, 4307 personnes ont reçu des allocations ponctuelles en espèces d’un montant de 110 dollars US par adulte et de 50 dollars US par enfant, dans le cadre d’un programme d’aide financière pour les personnes rapatriées. Plus de 800 réfugiés rapatriés ont bénéficié d’un suivi assuré par le HCR entre août 2015 et janvier 2016.
Jafar était l’un d’entre eux. Il a néanmoins déclaré que la décision avait été difficile avant de quitter la sécurité du camp de réfugiés où lui et sa famille vivaient au Burkina Faso, pour revenir vers l’incertitude.
“Quand j’ai quitté le camp pour le Mali, j’étais inquiet”, a déclaré Jafar. “Non seulement parce que je voyageais vers l’inconnu, mais aussi car je ne voulais pas laisser derrière moi une partie de ma vie et mes amis proches. Nous étions très proches et c’était bien de vivre tous ensemble. Mais le plus important pour nous, c’était de rentrer au Mali”.
Quand il était réfugié au camp de Mentao au Burkina Faso, Jafar y a rencontré et épousé sa femme, Zeinabou, et, ensemble, le couple a eu une petite fille, Fadimata, âgée maintenant de 18 mois. Après cinq ans de déplacements successifs et une jeune famille à gérer, le sentiment de sécurité est désormais la priorité pour Jafar.
“Le manque de sécurité nous avait obligés à quitter le Mali”, a-t-il expliqué. “Nous sommes venus au Burkina Faso en quête de sécurité. Nous l’avons trouvée dans les camps de réfugiés. Quand j’ai su que Tombouctou était redevenue sûre, j’ai pris la décision d’y retourner avec ma famille”.
Son principal souci est la pénurie dans le secteur de l’emploi. Il a désespérément besoin de travailler afin de subvenir aux besoins de sa famille, payer le loyer, les frais de scolarité, et les études de soins infirmiers pour sa femme. Avant de fuir, il étudiait et il subvenait à ses propres besoins grâce à des contrats en tant que pilote pour les agences humanitaires et des clients privés. Maintenant, dit-il, “j’accepte toutes les propositions d’emploi”.
“Avec mon diplôme d’études secondaires et l’expérience que j’aie acquise au camp, je prévois de travailler dans le secteur de l’aide humanitaire”, a-t-il affirmé. “Mais je n’ai plus aucun contact spécifique à Tombouctou? Alors il me sera difficile de trouver un emploi si je ne possède aucun diplôme qui reflète mon niveau de compétences. En attendant, je dois couvrir nos dépenses”.
Ce sont les difficultés empêchant le retour chez eux pour la plupart des 140 000 Maliens qui sont encore réfugiés au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso, voisin et de 62 000 autres qui sont déplacés internes au Mali.
La situation sécuritaire au nord du Mali demeure instable. Le conflit de 2012 a officiellement pris fin après les accords de paix signés en juin 2015, mais des attaques ainsi que des violations des droits humains persistent. Elles sont commises par des criminels et des militants. L’accès à certaines zones où les déracinés veulent rentrer demeure difficile pour les organisations d’aide humanitaire.
Certains réfugiés sont rentrés, mais d’autres civils se sentent encore menacés au Mali qu’ils continuent de quitter. Plus de 4300 personnes ont fui vers le Niger entre juillet et fin décembre 2015. Par ailleurs, entre janvier et novembre, quelque 2300 Maliens ont rejoint le Burkina Faso.
“La situation sécuritaire demeure instable. Néanmoins, nous observons depuis 2013 que des Maliens qui avaient trouvé refuge dans la région continuent de revenir spontanément vers leurs régions d’origine”, a déclaré Nsona Vela do Nascimento, fonctionnaire du HCR à Bamako, en charge du rapatriement.
Nsona Vela do Nascimento a souligné que le HCR continue de fournir protection et assistance aux Maliens que ce soit dans le pays d’exil ou à leur retour. Le HCR travaille avec des partenaires “pour assurer la réintégration des rapatriés en douceur via une aide ciblée aux plus vulnérables ou des projets communautaires mettant l’accent sur la cohésion sociale dans ces régions”.
Pour le moment, Jafar est positif sur son avenir et il encourage d’autres Maliens à rentrer pour aider à reconstruire ce qui a été détruit. “Nous commençons peu à peu à reconstruire nos vies”, a-t-il déclaré.
Source HCR