Voici un an qu’a été signé l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale au Mali. Le sujet était au cœur du «Débat politique» de la radio Klédu, jeudi 19 mai dernier avec comme invités, Abdoul Karim Goïta du PRVM Faso Kô ; Dramane Diarra du réseau APEM et Oumar Diarra du parti SADI. Le constat général qui s’est dégagé est qu’un an après, la mise en œuvre de cet Accord n’a quasiment produit rien de positif.
En effet, la France agit en solitaire au Nord du pays, en l’absence de toute autorité malienne, «quelque chose qui ne s’était pas passé, même en période coloniale», pour reprendre Dramane Diarra du réseau APEM. La Minusma s’occupe plutôt d’activités dévolues traditionnellement à d’autres structures et ignore complètement ce qui est attendu d’elle. Mais en cela, ce n’est point la Minusma qu’il faut culpabiliser, mais les autorités maliennes qui ont accepté ce mandat de la Minusma presque inutile et budgétivore. Les groupes armés choisissent les volets de l’Accord qui les arrangent et se moquent superbement du chronogramme de mise en œuvre du programme contenu dans l’Accord. C’est ainsi qu’ils sont plutôt intéressés par la mise en œuvre des Autorités intérimaires que par le processus de cantonnement qui, de l’analyse de certains observateurs, si elle a lieu, pourrait ne concerner que de non combattants, autrement dit des chômeurs. L’insécurité est maintenant l’affaire de tous les Maliens, du Nord comme au Sud en passant par le Centre, l’Ouest…
Que faire pour sortir de l’impasse ?
Du côté des acteurs politiques (invités) comme des citoyens (à travers les auditeurs), la solution ou plutôt la proposition de solution qui revient le plus souvent est de recourir aux populations, seules souveraines à opposer une résistance nationale à la solution inspirée et imposée de l’extérieur qui ne permettra jamais d’apporter la paix durable tant souhaitée, car basée sur la dissémination, c’est-à-dire sur une stratégie visant à favoriser les uns au détriment des autres. Ainsi donc, beaucoup pensent que la solution à la crise passe avant tout par l’organisation d’espaces de rencontres entre les citoyens, genre conférences d’entente. L’idée est loin d’être nouvelle, car ayant toujours été émise par de nombreux acteurs politiques ou de la société civile. Dans le but notamment de constituer une plateforme consensuelle de revendications dans le cadre de l’Accord d’Alger. Mais, le gouvernement a préféré agir en solitaire, n’entendant que sa propre voix et estimant peut-être qu’il n’y aurait jamais eu de consensus sur les points de négociations, ignorant au passage la Constitution elle-même. La mouvance présidentielle a naturellement facilité la tâche au gouvernement, notamment en battant campagne, partout pour faire adhérer à l’idée qu’ «un mauvais Accord valait mieux que pas d’Accord du tout». Le slogan creux a parfois pris. Cela se comprend, car beaucoup de concitoyens éprouvés, voulaient croire en la possibilité d’une paix enfin, fut-elle fragile.
La résistance populaire comme l’unique solution
Le temps a toujours raison. C’est ce qui vient de se vérifier à nouveau avec cet Accord. Ce qui reste à faire aux Maliens, selon de nombreux citoyens, c’est d’organiser des mouvements massifs populaires pour exprimer notre ras-le-bol et exiger le changement. Si tout le monde ou presque est unanime sur cette solution, il n’en est pas de même sur la stratégie à mettre en œuvre pour obtenir les résultats escomptés. La question essentielle qui se pose est : Qui va organiser ce ou ces mouvements populaires ? A cette question, deux acteurs principaux sautent à l’œil : la classe politique, la société civile. Concernant la classe politique, il se trouve malheureusement qu’il y’a une «crise de confiance» entre elle et les populations : «majorité, opposition, c’est du pareil au même» dit-on. Quid de la société civile ? Cet acteur très important n’est pas toujours étiqueté négativement (comme la classe politique), mais lui aussi n’arrive pas souvent à mobiliser les citoyens dans le cadre de manifestation les plus nobles qui soient, comme par rapport à la crise qui secoue particulièrement le Nord du pays.
Dramane Diarra du réseau APEM l’a dit souvent : «Combien de Maliens sortent de leur maison pour soutenir une manifestation ?». La réponse est nette : «Très peu». Il faut le reconnaître, nous préférons tous appeler un animateur de radio pour déverser notre colère depuis le confort de notre salon, ou autour de l’éternel thé (le ‘’grin’’). C’est à se demander si nous voulons vraiment le «changement», que nous ne cessons de réclamer. C’est un peu comme le dicton : «Nous voulons manger le piment avec la bouche d’autrui».
Deux autres acteurs potentiels
En dehors donc d’une classe politique discréditée et d’une société civile incapable de mobiliser, n’existerait-il plus d’autres acteurs ? Que si. S’il est bien conscient de l’impasse et arrive à se dégager de la tutelle française, le gouvernement peut bel et bien inspirer un véritable mouvement populaire. Mais, peut-il seulement franchir le pas devant la menace du couperet gaulois ? Peu probable. Il y a aussi les organisations religieuses, comme Ançar Dine de Chérif Ousmane Madani Haïdara ou le HCIM dirigé par Mahmoud Dicko. Le Chérif, à lui seul, peut mobiliser une grande partie de la population. Mais, il l’a toujours dit : «Il ne faut pas mêler politique et religion». Sauf qu’une manifestation du genre ne peut être que politique, mais la cause à défendre nous semble au-delà de la politique : l’avenir d’une Patrie en péril. Mahmoud Dicko aussi peut mobiliser. Mais, a-t-il seulement la même vision politique que nombre d’entre nous, lui qui estime qu’on ne peut dissocier «Islam et politique»? Et l’Armée ? C’est le recours idéal, car aucun étranger ne viendra nous délivrer de l’ennemi. Mais, là-aussi on est mal barré, chacun le sait. Si seulement nos gouvernants cherchaient plutôt à outiller cette armée que de la saper et de ne lui enseigner (à travers UE, ONU et France) que le respect des droits de l’homme. Les droits des groupes armés, faut-il dire. En somme, la foule malienne est solitaire, en manque de leadership. Pourtant il n’y aura pas de solution miracle.
La Rédaction
Excellent article . Rien ne nous empêche de considérer Barkhane comme une armée d'occupation, pour ça il nous faut 3 choses . 1er Qu' il y ait une réelle volonté des autorités de se soustraire de la tutelle française, 2 ème une armée bien formée, engagée et dotée de moyens logistiques adéquats, 3 ème une mobilisation populaire .
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