Crise Malienne : Entre réalisme et optimisme

0

Alors que l’opération militaire continue dans certaines régions libérées du nord, notre pays va mieux. Selon un rapport de l’International Crisis Group (ICG) en date du 10 Avril, la nette amélioration de la situation de crise au Mali n’exclut pas les menaces sur la sécurité, la stabilité et la coexistence des différentes communautés du nord. Les autorités maliennes de transition doivent s’entendre au plus vite avec les Nations-Unies sur une stratégie de sortie de crise qui intègre la sécurisation du territoire, la protection des civils, le dialogue entre les différentes communautés du Mali, le redéploiement de l’Etat au nord et l’organisation d’élections libres et non violentes.

La situation sécuritaire du nord du Mali reste fragile. Les troupes franco-maliennes et africaines ont certes fait le plus dur du travail en chassant les terroristes et en libérant les villes. Toutefois, la zone reste toujours enclavée et les réfugiés tardent toujours à revenir. D’autres continuent encore de traverser la frontière, ayant peur des combats qui s’y mènent encore. Il est donc difficile de savoir à quel moment, les capacités des jihadistes auront été suffisamment réduites pour envisager le retour des populations civiles réfugiés dans les pays frontaliers et le rétablissement effectif de l’administration. La sécurisation du nord est loin d’être acquise.

Selon l’ONG internationale, sur le plan politique, même si l’autorité du président de la République par intérim s’est renforcée au fil des mois notamment grâce à l’intervention militaire française, l’ex junte conserve toujours une influence relative et les hommes politiques sont incapables de réunir les maliens autour de la prise en main de la destinée du Mali. La perspective de la tenue des élections en début du mois de juillet, est l’élément qui fragilise davantage le paysage politique.

La présence prolongée de l’armée française et celle prochaine de la force onusienne au Mali ne saurait se substituer à l’immensité du chantier auquel doivent s’attaquer les autorités maliennes de transition, les acteurs politiques et la société civile. Il est grand temps de relever les défis du moment qui sont : le dialogue, aussi bien à Bamako entre acteurs politiques qu’au nord entre les différentes communautés, la fermeté envers toute exaction commise aussi bien par les rebelles touaregs du MNLA que par les Forces de sécurité maliennes et le redéploiement de l’Etat au nord.

Par ailleurs, l’Etat doit aussi s’attaquer à un problème qui prend de plus en plus de l’ampleur. Il s’agit de cette radicalisation de l’opinion publique malienne. Une forte volonté politique est nécessaire pour combattre les amalgames entre rebelles, terroristes, narcotrafiquants et Touareg ou Arabes. La campagne électorale risque d’aggraver encore les fractures. La meilleure manière pour les autorités intérimaires de reprendre pied au nord malien est d’y maintenir durablement la sécurité et de trouver un compromis avec les représentants des communautés, de donner des raisons aux populations les plus isolées de se sentir concernées par l’Etat et de tenir compte de la vulnérabilité de ces vastes zones frontalières aux mouvements d’armes et à l’émergence de rebelles.

Néanmoins, un effort sous-régional et international est nécessaire pour pérenniser l’action de sécurisation du nord malien pour le long terme.

La CEDEAO, l’UA, le Conseil de sécurité des Nations-Unies ainsi que la Mauritanie et l’Algérie doivent tous s’inscrire dans cette dynamique globale. Sans de nouveaux mécanismes de sécurité régionale impliquant tous les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest, toute victoire sur le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue au Mali ne sera que temporaire.

Les recommandations de l’ICG

Dans le même rapport, l’ONG a formulé quelques recommandations qui peuvent aider notre pays à relever les défis du moment et ceux du long terme. Aux autorités maliennes de transition et dans le cadre d’un processus politique de réconciliation et du retour de la paix, l’ONG recommande d’afficher fortement et clairement sa volonté d’entamer une politique de réconciliation nationale et de retour à la paix et son ambition de rompre avec les pratiques politiques et administratives responsables de la crise actuelle, de se montrer disposé à inclure dans le processus de dialogue les représentants ou sympathisants des groupes qui s’engagent à abandonner la lutte armée, et notamment ceux du MNLA, en acceptant une éventuelle facilitation extérieure et en y associant les représentants des communautés du Nord et de s’assurer que le processus électoral s’inscrive dans une atmosphère de confiance, qu’il s’achève entièrement, y compris les législatives, avant la fin de l’année 2013 et que l’ensemble des Maliens puissent y prendre part.

A la société civile malienne, elle lui recommande de prendre une part active dans le processus de réconciliation intercommunautaire et de retour à la paix en participant à l’organisation de dialogues inclusifs, de s’associer pleinement au processus électoral pour donner quelque chance à une transformation future de la gouvernance et d’encourager les autorités à ne pas adopter une approche uniquement sécuritaire et répressive à l’égard des citoyens maliens qui ont adhéré en 2012 à certains groupes armés islamistes.

D’après l’ONG, le conseil de sécurité des Nations-Unies doit se focaliser sur deux aspects fondamentaux. Il s’agit, d’un coté, de doter la mission de l’ONU d’un mandat fort pour soutenir le processus politique, dans sa double dimension de dialogue et de préparation des élections, et d’un autre, de doter la mission d’une composante « affaires civiles » importante et adaptée à la nécessité d’accompagner le Mali dans le redéploiement de l’Etat au Nord en accordant une attention toute particulière à la remise en état des institutions judiciaires et de l’administration pénitentiaire et en évaluant rapidement les besoins de renforcement des capacités de l’appareil judiciaire.

 

Ahmed M.THIAM

Commentaires via Facebook :