Après avoir plusieurs fois avisé, dans un langage sans ambigüité, et après des signes avant coureurs et pertinents de l’imminence d’une attaque, l’Alliance Touareg Nord Mali pour le Changement (ATNMC) a frappé à Nampala dans la matinée du 20 décembre 2008. La rébellion dirigée par Ibrahim Ag Bahanga, en attaquant la garnison militaire de cette localité située à l’extrême nord-Ouest du Mali, vient de mettre à exécution une menace maintes fois exprimée.
Avec des missions gouvernementales dans le nord du pays dont le lancement à Kidal de l’année artisanale et touristique, des visites gouvernementales à Gao et jusqu’à Watagouna, on aurait cru que la paix était définitivement revenue dans le septentrion de notre pays. Pourtant tous les ingrédients étaient là pour comprendre qu’avoir ce sentiment n’était que leurre et surtout autosatisfaction. Certes le regroupement de tous les groupes rebelles et leur reconnaissance de l’accord d’Alger sous la médiation algérienne avait donné une lueur d’espoir, mais qui n’a été que de courte durée avec la dénonciation de ce processus par l’irréductible rebelle Ibrahim Ag Bahanga.
Les différentes menaces de l’Alliance rebelle, accompagnées d’une invitation à dialoguer ont commencé avec la volte face faite par Ibrahim Ag Bahanga à la médiation algérienne et son séjour en Libye. « Ma présence en Libye signifie retraite…pour ceux qui connaissent très mal le dossier Nord Mali. Nous informons que les personnes résidant à Bamako entre autres le député ancien porte parole de l’Alliance Démocratique ne peuvent nullement parler ou négocier en notre nom. Si dans les jours qui viennent les autorités maliennes ne répondent pas à notre invitation de dialogue, elles assumeront ce rejet de dialogue qui pourrait avoir des répercussions graves dans les jours qui viennent sur le terrain… », c’était la substance d’un communiqué de l’Alliance, le 13 Octobre 2008.
L’ATNMC venait de libérer 44 militaires au mois de septembre, mais détenait toujours les 4 autres officiers militaires. Puis les revendications de la rébellion d’impliquer la classe politique dans le processus de paix se font plus précises le 18 novembre 2008 : « sans un meilleur sentiment de justice, sans une vraie démarche des autorités centrales maliennes pour reprendre le dialogue, faciliter une médiation politique pour parvenir à la stabilité, et sans une implication de la classe politique malienne, des milliers de Touareg seront condamnés à vivre une arme à portée de la main ». La principale revendication de l’ATNMC tourne autour de “l’application stricte” des accords de paix d’Alger, signés en 2006.
Le président ATT a –t-il répondu au communiqué des rebelles ou les a-t-il invités au dialogue, lorsqu’il effectuait une visite au nord du pays (Gao et Tombouctou) il y a moins de deux semaines :”Je suis formé pour faire la guerre, mais je préfère la paix. Que mes frères (rebelles touareg) qui sont dans les montagnes m’écoutent, qu’ils descendent, qu’ils viennent faire la paix”, a notamment déclaré le président malien dont les propos ont été retransmis par les médias publics.
La réponse des rebelles à travers le porte parole du mouvement touareg, Hama Ag Sid’Ahmed, ne s’est pas fait attendre sur Rfi le 16 décembre, renouvelant l’appel à impliquer la classe politique: « d’accord pour des négociations de paix, si le chef de l’Etat fait des propositions concrètes … Ce sont les mêmes déclarations que nous avons l’habitude de lire. Il ne suffit pas de dire : ‘ oui nous voulons la paix ‘, mais il faut aller vers la paix en essayant d’aller vers le dialogue réel et sincère. Il ne suffit pas de tendre la main en disant ‘ si vous voulez venez, sinon allez ailleurs ‘. Si le président ou les autorités maliennes n’ont pas de propositions de sortie de crise, nous, nous les avons.
Que les autorités maliennes viennent autour d’une table de négociations en présence des facilitateurs qui sont déjà engagés dans ce processus, y compris un représentant de l’Union européenne, mais aussi la classe politique malienne. Nous avons l’opposition malienne et des partis qui soutiennent le président, c’est-à-dire le pouvoir en place… Là, nous saurons, nous pourrons dire effectivement que le Président souhaite s’engager réellement vers une perspective de paix et de développement dans la région»
Les autorités maliennes et la rébellion observaient donc une période de ni paix ni guerre, sinon une guerre des communiqués. C’est dans ce contexte qu’est arrivée dans la matinée du 20 décembre 2008, l’attaque de la garnison militaire de Nampala qui a occasionné un carnage. Le bilan a été en effet très lourd : 20 mort selon l’armée (9 militaires et 11 assaillants). Des sources rebelles font état de 20 militaires et 1 assaillant tués lors de cette attaque. Il y a eu beaucoup de blessés et les rebelles ont emporté avec eux une importante quantité de matériels de guerre et fait plusieurs otages militaires.
C’est la deuxième fois, après l’attaque de la garnison de Diabaly, que les rebelles opèrent en dehors de leur zone habituelle du nord Mali. Nampala est situé à 500 Km de Bamako, non loin de la frontière Mali-Mauritanie. C’est dans la région de Ségou, presqu’au cœur de la zone agricole de l’office du Niger. Selon plusieurs sources, une attaque dans cette zone était prévisible et les autorités en étaient informées. Selon le quotidien national l’Essor n°16348 du 22 décembre 2008, « une source proche de la Direction des relations publiques de l’Armée (Dirpa) a indiqué que les services des renseignements avaient constaté les mouvements des insurgés depuis la veille de la fête de Tabaski ».
Abondant dans le même sens, L’Indépendant n° 2110 du 22 décembre 2008 note qu’une radio étrangère bien renseignée sur la rébellion touareg au Mali a annoncé que la veille de l’attaque de Nampala, des véhicules 4×4 étaient visibles dans et autour de la localité. Selon le journal « aucun policier, gendarme ou militaire n’a approché ces engins pour savoir qui était leurs conducteurs, d’où ils venaient, ce qu’ils transportaient et ce qu’ils étaient venus faire à Nampala. Une routine dans un Etat un tant soit peu organisé ».
L’hebdomadaire Le Hoggar confirme cette information en ces termes. « Contrairement à ce que tentent de faire croire les autorités militaires, cette attaque n’a rien de surprenant (en tout cas pour la hiérarchie militaire) car la haute hiérarchie militaire aurait été informée d’une telle éventualité. Selon nos sources, plusieurs semaines auparavant l’alliance pour le changement a attiré l’attention des autorités du déplacement d’Ibrahim Ag Bahanga vers l’Ouest à la frontière du Mali du côté de la frontière mauritanienne. Ce déplacement, aurait prévenu l’Alliance, n’est pas une « balade de santé ».
Pire quatre jours avant cette attaque, précisément mardi dernier, les autorités auraient été encore alertées de la commande de carburant lancée par Ibrahim Ag Bahanga à ses livreurs résidant en Algérie. Mieux, la commission des bons offices, jugeant décevante la situation de ni paix ni guerre a tenté de rencontrer Bahanga pour le ramener à la raison, mais ce dernier aurait rejeté la requête de la commission, arguant qu’il ne serait disponible qu’après six jours. Toute chose qui a été portée à la connaissance de nos autorités politiques et militaires du Mali sans que ces derniers ne prennent les mesures préventives qu’il faut…
La haute hiérarchie n’a pas su utiliser toutes ces informations de hautes portées sécuritaires pour éviter cette attaque. La surprise et l’impréparation des militaires de la garnison de Nampala le prouvent. La négligence et le laxisme du commandement militaire malien dans la gestion de cette crise viennent encore de s’illustrer », peut-on lire dans le Hoggar n°041 du Lundi 22 décembre 2008.
A Kenieba le 23 décembre ATT a invité nos compatriotes à ne pas faire l’amalgame entre les insurgés et la communauté touarègue. Pareillement à l’appel qu’il a lancé à Diéma en mai 2006 lors de la première attaque. Le même appel a été lancé aux forces armées et de sécurité auxquelles, il a demandé de rester très vigilantes. « L’attaque de Nampala a été orchestrée par un groupe marginal. Elle vise simplement à entretenir la psychose de la peur », a dénoncé le président Touré avant de demander à la communauté touarègue de ne pas rester des spectateurs de ce qui se passe. « Il ne faut pas laisser une bande de marginaux détruire votre réputation », a-t-il dit, en lançant un appel aux chefs de fraction et aux facilitateurs qui se sont toujours impliqués dans la recherche de solutions. « Nous ne pouvons plus continuer à compter nos morts et nos blessés. Nous ne pouvons plus continuer à subir. Nous devons faire quelque chose », a-t-il dit.
De ces différentes interventions du président à Kayes et à Keniéba, ne découle aucune proposition concrète. Impliquera-t-il la classe politique, à savoir sa majorité présidentielle et l’opposition à la recherche d’une solution durable, ou reniera-t-il son option pour le règlement par le dialogue autour d’une table et non sur un champ de bataille ? Il serait hasardeux de répondre car aucune position potable du chef suprême des Armées n’est perceptible. Aucune réponse des autorités n’est perceptible.
Faut-il interpréter le discours présidentiel : « … Nous ne pouvons plus continuer à subir. Nous devons faire quelque chose… ». Est-ce un ordre donné?