Le tout nouveau patron de la diplomatie malienne, Soumeylou Boubèye Maïga, multiplie les initiatives (certaines ne datent pas d’aujourd’hui) pour convaincre les pays «frères» qui partagent avec le Mali l’épineux problème d’insécurité dans la même bande, à adhérer au projet du président ATT de réunir à Bamako, tous les chefs d’Etat concernés. Il le fait avec une admirable conviction de réussir là où beaucoup d’autres ont échoué. Hélas ! Les choses ne sont pas si faciles, les données ont changé, les hommes aussi. Pour ne rien faciliter, son chemin est truffé d’embûches.
L’admirable détermination avec laquelle, le Ministre malien des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, Soumeylou Boubèye Maïga, a pris le pesant dossier de l’insécurité au Nord, traduit sans aucun doute la volonté politique des autorités maliennes de trouver assez rapidement, ne serait-ce, qu’un début de solution négociée à la sempiternelle crise qui paralyse le développement de 60% du territoire national. Si son prédécesseur Moctar Ouane s’est toujours méfié de ce brulot, Maïga, lui a visiblement a trouvé une pédagogie diplomatique féconde (à son seul avis). On pouvait bien lui faire confiance.
En dehors du fait qu’il est originaire de la même zone trouble, Soumeylou est un homme politique froid. Il connaît politiquement, sociologiquement et économiquement le milieu. Il connaît les hommes, leurs chefs, leurs problèmes, leurs forces et leurs faiblesses. Ce n’est pas tout. Soumeylou a une dense connaissance du levier des renseignements dont il fut patron. Il a également été Ministre de la défense. D’ailleurs, il n’a jamais été très loin de l’armée et de ses réalités. Bref ! Souméilou connaît le problème, les tenants et les aboutissants.
Seulement voilà : la situation n’est plus la même. Les hommes ont changé. Les moyens aussi. Les interlocuteurs également. En effet, la situation à laquelle fait face le Mali actuellement est loin d’être comparable à celle des années 1994 où on parlait de MFUA, de l’ARLA, de ZAHABI, de IYAD. A cette époque, le mouvement était structuré et les interlocuteurs étaient connus. Il n’était pas question de boxer un adversaire qui se confond au vent comme aujourd’hui. A l’époque, les solutions étaient politiques, même si les prétentions de la rébellion s’avéraient fallacieuses par moment.
Aujourd’hui, le problème se situe ailleurs. Nous avons en face une mafia bien structurée composée de trafiquants de drogue, d’armes et de voleurs de toubabs.
L’AQMI n’a jamais été un mouvement politique ou idéologique. Ses plus hauts dirigeants sont connus plutôt dans des activités peu orthodoxes. Et leur principale revendication est de leur offrir le minimum de liberté dans l’exercice de leur trafic. D’ailleurs certains de leurs combattants estiment que nos Etats jouent aux intrus en voulant s’interposer entre eux et les occidentaux. C’est justement là où il y a problème pour Soumeylou.
Les millions d’euros pour la libération des otages
Le trafic d’armes et de drogue demande un investissement colossal. Où trouver l’argent ? A AQMI, on ne se pose pas mille questions. «Il suffit à chaque fois de trouver quelque part un otage français ou britannique (ça paye bien et vite)». Or, le Mali s’est rendu célèbre et très efficace dans la libération des otages. «Pour les otages, nos amis maliens ont la recette miracle», ironisait un diplomate français. Il est vrai, la réputation de notre pays dans ce domaine a dépassé toutes les frontières. Les ravisseurs ont donc choisi de traiter avec les Maliens et sur le marché malien. Au Niger ou en Mauritanie, les gouvernements, trop nerveux ont la gâchette facile. Au moindre pépin, ils pilonnent jusqu’au-delà de leurs frontières et s’en donnent à cœur joie sur notre territoire. Ainsi donc, notre pays est devenu le refuge des terroristes. Nous avons été le seul pays pendant très longtemps où la diplomatie classique a fait place à la sorcellerie diplomatique. Celle qui privilégie plutôt la stratégie des cantines d’euros nuitamment transportées jusque dans les temples des terroristes. Fatiguée du chantage des ravisseurs et des manigances des services secrets maliens, la France semble avoir compris le jeu. «Nous avons été trop déçu par nos amis Maliens dans les transactions pour la libération des otages. A chaque fois, ils savaient qui étaient les auteurs des enlèvements, où ils étaient planqués avec leurs butins et ils avaient même des communications téléphoniques avec les ravisseurs. C’est ainsi que nous nous sommes rendus compte que Bahanga faisait partie des médiateurs utilisés par Bamako». La déception de notre interlocuteur se traduit désormais par la méfiance des autorités françaises par rapport aux questions relatives aux otages. En clair, Paris (par courtoisie diplomatique ne l’avoue pas) estime que la position de Bamako vis avis des chefs d’AQMI n’inspire pas trop confiance. Curieux non ?
Avec le cas du malheureux otage britannique qui a été exécuté, Londres n’a pas hésité à couper les ponts avec le pouvoir de Bamako suite à certaines révélations troublantes des services secrets étrangers (très amers avec les nôtres). Selon nos informations, l’exécution du pauvre otage aurait été ordonnée par les médiateurs eux-mêmes qui avaient fini par comprendre que Londres n’était non seulement pas prêt à débourser le moindre sou, mais au contraire s’apprêtait à organiser une opération militaire. Bamako a dû vendre la mèche pour des raisons que les Britanniques ne s’expliquent pas encore.
Il est inutile de rentrer dans les détails de ce que nous avons nous-mêmes découvert à Tombouctou sur cette affaire lors des obsèques du lieutenant colonel Lamana.
Au regard de la très confuse situation ainsi sommairement abordée, la grande ballade du Ministre Maïga à travers le «monde» n’a que très peu de chance de prospérer. Soumeylou sait mieux que quiconque qu’il n’a pas les coudées franches dans cette affaire. Il sait également que le Mali et ses responsables se sont compromis, trop compromis avec la nébuleuse AQMI. Enfin, il ne faut pas se leurrer, aucun des pays voisins ne nous fait confiance. La France quant à elle continue de «pleurer» les millions d’euros de rançon versés en toute discrétion. Cependant, il ne faut pas en vouloir au Ministre la témérité de croire à ses chances de réussir là où on pense qu’il peut échouer.
Abdoulaye NIANGALY