La décision de l’Algérie est sans appel : pour tenter d’accentuer les pressions en vue d’un règlement pacifique, les autorités algériennes viennent de suspendre, la semaine dernière, son aide militaire au Mali tout en assurant parallèlement la médiation avec les rebelles touaregs.
A travers ce retrait pour le moins conditionnel de ses conseillers militaires dans le Nord du Mali, le pays d’Abdoul Aziz Bouteflika tente de mettre la pression en faveur d’une solution politique face à la révolte des Touaregs. Les soldats algériens au Mali, qui participaient aux efforts antiterroristes conjoints, notamment par la formation et la maintenance des équipements, ont été rapatriés le week-end dernier à bord d’un appareil de l’Armée de l’Air algérienne.
Selon nos sources, la décision algérienne de geler son aide militaire au Mali a été prise après que le pays eût mis un terme à ses opérations antiterroristes à Gao, Kidal et Tombouctou et redéployé ses troupes dans d’autres régions entrées en rébellion. Cette décision a été prise pour empêcher le Mali d’utiliser le soutien militaire algérien contre le mouvement rebelle de l’Azawad, dit-on. S’y ajoute également le gel, par les autorités algériennes, de l’envoi de matériels militaires dans l’attente de la fin des combats. Mais les autorités algériennes ont expliqué que cette décision était temporaire et ne s’appliquait pas aux accords à long terme signés par l’Algérie et le Mali. Elles ont ajouté que ladite décision était destinée à forcer les deux parties à parvenir à une solution politique.
Selon les termes de plusieurs accords militaires, notamment celui régissant le Conseil d’Etat Major opérationnel conjoint de Tamanrasset (CEMOC), l’Algérie s’est engagée à apporter un soutien logistique aux unités de l’armée malienne stationnées à proximité de la frontière entre les deux pays et participant à la lutte antiterroriste. Bien plus, l’Algérie a accepté de former des forces militaires et des éléments de la Police sur plusieurs bases de Tamanrasset et sur une base malienne où les soldats suivaient un entraînement similaire à celui des forces spéciales algériennes. De plus, l’Algérie fournissait une formation à des officiers mariniers et des officiers d’écoles militaires.
Lors d’une conférence de presse organisée le 22 janvier, le ministre algérien pour le Maghreb et les Affaires africaines, Abdelkader Messahel, a expliqué que l’Accord d’Alger de 2006 était encore en vigueur pour la résolution des conflits entre les rebelles touaregs et le Gouvernement malien. Aussi a-t-il fait part de son désir de voir l’Algérie assurer la médiation de nouveaux entretiens, tout en ajoutant toutefois que des négociations immédiates étaient peu probables. « Nous savons que le Gouvernement malien souhaite aller dans cette direction, et certains indicateurs nous rendent optimistes quant à la possibilité de trouver des solutions dans le cadre des lois de l’Etat malien », avait-il poursuivi avant d’ajouter que le Mali était prêt à travailler par des moyens politiques et pacifiques pour trouver une solution à tout problème susceptible de survenir, notamment dans le traitement des récents évènements.
Quant aux rumeurs concernant une éventuelle déclaration d’indépendance du Nord du Mali, le ministre algérien a expliqué que les récents évènements étaient d’une nature totalement différente de ce qui s’était produit au Soudan avant la division de ce pays en deux Etats. « Nous ne sommes pas face à un scénario similaire à celui du Soudan », a-t-il expliqué tout en rassurant : « Nous en sommes très éloignés. Le Gouvernement malien et les chefs de tribus affichent une volonté sincère ainsi qu’une sagesse et des capacités suffisantes pour trouver des solutions ». Mais le ministre algérien refuse de lier la rébellion touarègue et les attaques menées par AQMI, expliquant que l’Algérie les considérait comme « deux problèmes différents ».
Par ailleurs, les diplomates algériens ont lancé des efforts de médiation entre le MNLA et le Gouvernement malien par l’entremise des chefs de tribu. Des réunions ont été organisées avec des dignitaires de Tamanrasset, ainsi que des experts algériens, dans l’espoir de parvenir à un cessez-le-feu. Dans le même temps, les autorités locales des provinces de Tamanrasset et de l’Adrar se préparent à recevoir des vagues de réfugiés fuyant les combats qui font rage dans le Nord du pays. Elles redoutent un exode de la même ampleur que celui des années 1980, au lendemain de la guerre entre le Gouvernement malien et les rebelles de l’Azawad.
En attendant, le ministère algérien de l’Intérieur a envoyé des tentes, des couvertures, des fournitures médicales et du matériel humanitaire dans ces deux provinces pour répondre à l’afflux de personnes déplacées. La décision en a été prise après qu’une centaine de familles touarègues du Nord ait franchi la frontière algérienne le jeudi dernier. Aux dernières nouvelles, beaucoup de ces réfugiés sont en mauvaise santé, et certains souffrent même de blessures reçues lors des combats.
Jean Pierre James