Alors qu’une forte délégation du Conseil de sécurité des Nations unies séjourne à Bamako, la question du médiateur dans la crise malienne divise les protagonistes. De Ouagadougou à Rabat en passant par Alger, on ne sait plus qui sera le véritable médiateur de la crise malienne.
Depuis la mise en place du gouvernement Oumar Tatam Ly jusque vers la mi-janvier, on a pu assister qu’à des passes d’armes entre le nouvel homme fort du pays, Ibrahim Boubacar Kéita et les groupes rebelles notamment le MNLA. Il a fallu attendre le week-end des 18 et 19 janvier 2014 pour que la médiation qui s’était endormie se réveille quand le voisin algérien a décidé de revenir dans le dossier.
Des représentants de certains groupes armés du Nord notamment le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR) vont signer une plateforme en Algérie dont une copie sera remise au président malien, Ibrahim Boubacar Kéita, qui y effectuait concomitamment une visite d’amitié.
Le MNLA, qui n’avait pas fait le déplacement d’Alger, n’a pas tardé à se démarquer et dénoncer cette plateforme. Des éléments du MAA et du HCUA vont faire autant arguant que ceux qui y étaient en leurs noms ne les représentaient pas. Le porte-parole de la CMFPR, Me Harouna Toureh, qui avait fait le déplacement sans le consentement de sa base, sera même démis de ses fonctions.
Mais malgré cette zizanie dans les rangs des groupes armés, Alger ne désespère pas et affirme même que son retour dans la médiation s’est fait avec la bénédiction de Bamako. Bamako, qui doute depuis un certain temps du médiateur de la Cédéao, Blaise Compaoré, confirme à travers son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
A Addis-Abeba où il accompagnait le président de la République dans le cadre du sommet des chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine les 30 et 31 janvier en terre Ethiopienne, Zahabi Ould Sidi Mohamed, a tranché sur la médiation du Burkina Faso.
A la question de savoir si on doit comprendre que la médiation algérienne sonne la fin de celle du Burkina Faso, il a d’abord déclaré aux médias qu’il estime que le Burkina ne doit pas s’offusquer car, “on est médiateur quand on vous sollicite”. Et d’ajouter que “tous ceux qui connaissent les dossiers savent que l’Algérie est incontournable dans ce dossier”.
Ces propos du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale faisaient aussi suite à une prise de bec que le président malien, IBK, avait eue avec le médiateur, Blaise Compaoré, le 25 octobre 2013 en marge du sommet de la Cédéao à Dakar. Le président malien, Ibrahim Boubacar Kéita avait eu maille à partir avec son homologue burkinabé quand ce dernier en marge de ce sommet osa parler d’Azawad.
Ce jour-là, la réplique du chef de l’Etat malien avait été d’une brutalité déconcertante. “Il n’y a pas d’Azawad, il n’y a que le Mali”, martela le président malien, Ibrahim Boubacar Kéita. Il venait de remonter les bretelles à l’homme fort de Ouaga.
Sauf que ce come-back d’Alger dans le dossier malien n’est pas du goût du MNLA lequel à travers son porte-parole, Mossa Ag Attaher, avait réaffirmé son soutien à la médiation du Burkina Faso tout en mettant en avant ses acquis. Des acquis qui ont pour noms la tenue des élections générales de 2013. Même Assarid Ag Imbarcaouane, ex-député de Gao, malgré sa fidélité à la République, est du même avis que le MNLA sur ce point. Il a expliqué le mercredi dernier qu’il ne faut pas dessaisir Ouagadougou de la médiation au profit de l’Algérie, parce qu’avec Alger le problème malien ne finira pas.
“Avec l’Algérie, le problème du Mali ne finira jamais. Certes, l’Algérie ne cherche pas à donner une indépendance au MNLA, sachant bien qu’en le faisant elle peut susciter les velléités sécessionnistes de ses propres Touaregs qui sont au Sud et qui partagent beaucoup de choses avec les Touaregs de Kidal, mais le problème malien ne peut pas finir avec l’Algérie”, a-t-il souligné.
Vu qu’il y avait polémique autour de sa médiation, Ouagadougou n’est pas restée les bras croisés. Le mardi 21 janvier 2014, Blaise Compaoré a envoyé Bassolé, chez son homologue malien, Ibrahim Boubacar Kéita, au surlendemain de la visite que ce dernier venait d’effectuer chez son grand voisin du Nord, le président algérien, Abdel Aziz Bouteflika.
C’est sur ces entrefaites que soudainement les Maliens ont appris que le souverain marocain a reçu ce vendredi 31 janvier 2014, à Marrakech, Bilal Ag Cherif, chef du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Même si aucun communiqué officiel n’a été fait par la partie marocaine, il est clair que le chef du MNLA est sans nul doute venu solliciter une éventuelle médiation du Maroc au cas où le Burkina Faso venait à être dessaisi du dossier. Il s’agit, comme on peut le voir, de tout mettre en œuvre pour contrecarrer le retour de l’Algérie dans le dossier.
Les Touaregs du Mali ont grandement besoin du soutien du Maroc, dit-on. Ils craignent qu’un retour de l’Algérie sur la scène malienne soit préjudiciable à leurs intérêts. Le MNLA, au même titre que le Mouvement arabe d’Azawad et quelques membres du Conseil supérieur de l’unité d’Azawad, refusent qu’Alger soit le nouveau siège de la médiation entre les factions maliennes et le pouvoir du président Ibrahim Boubacar Kéita, en lieu et place de la capitale du Burkina Faso. Alors que Bamako ne fait plus confiance à la médiation de Blaise Compaoré.
Dans tous les cas, tout cela fait désordre et on attend la réaction de la partie malienne par rapport à la soudaine implication du Maroc dont le roi a osé recevoir le MNLA. Chose qu’aucun chef d’Etat n’avait jusque-là fait, à part le médiateur de la Cédéao, Blaise Compaoré.
Abdoulaye Diakité