Constitution, salafisme et avenir du Mali

5

Un vieux sage qui fut premier constitutionnaliste de France et initiateur de l’Abolition de la peine de mort, m’a dit hier : «Une Constitution qui ne prend pas en compte les aspirations du peuple est vouée à l’échec ! Pour l’instant c’est la guerre, mais il y aura la paix et vous ne pourrez faire l’économie d’une Assemblée Constituante. Sans cela ce serait repartir vers les mêmes erreurs. Les lois et principes, fondés sur l’équité et la justice, qui doivent gouverner un pays sont globalement connus. Les systèmes de gouvernance et les formes que peuvent prendre l’Etat le sont également. Il n’y a guère besoin de se pencher sur cela. Par contre, si vous n’anticipez pas les réformes nécessaires, les institutions actuelles n’auront de cesse que de se perpétuer et avec elles perpétueront vos problèmes.»

Islamistes en déroutei

Depuis le déclenchement de la rébellion du 17 janvier, suivi du coup d’Etat perpétré par la junte militaire, la République du Mali a sombré dans la plus grave crise de son histoire, avec comme corollaire, la paralysie de l’économie, et le fonctionnement des institutions et une possible fracture de la cohésion en les communautés qui composent le Mali. Les efforts déployés pour favoriser une négociation entre les différentes parties n’ont pas permis la stabilisation du pays. Et, depuis quelques jours, l’armée malienne a lancé une offensive contre les islamistes. La France comme d’autres puissances étrangères participent activement à la libération du Mali. Cette guerre déclenchée occupe tous les esprits, cependant je suis convaincu qu’il faut songer à la prochaine étape, celle de reconstruire le pays.

À l’heure où les armes tonnent et que chacun suit au jour le jour l’évolution des combats, j’ai estimé utile de prendre un peu de distance pour envisager l’avenir du Mali et obtenir des avis éclairés d’acteurs désintéressés. Ainsi, il est certain qu’il faut d’ores et déjà penser à la forme et à la nature de l’État malien, à nos institutions et à notre Constitution qui ne répond plus aux besoins du peuple malien et de l’évolution de notre histoire. Pour l’heure, il faut éviter les velléités ethnocentriques, condamner avec fermeté toute sorte d’amalgame et toute forme de violence ou d’exaction. Il faut également dissocier le mnla des autres Touaregs, car le mnla ne représente ni les Igmads, ni les Ignanes, ni les Kel Ansar et encore moins la totalité des Ifoghas. Par contre, au vu de leurs prises de positions et de leur complicité avec les organisations terroristes, nous pouvons les considérer comme étant un mouvement terroriste. Avant que d’aucun se réveille, ançardine aussi était considérée comme un interlocuteur crédible. Or, n’en doutez pas, le mnla servira de terreau à la propagation d’un salafisme rétrograde qui n’aura de cesse que de semer la terreur et le désordre du Sahel à la Méditerranée… Et lorsqu’une arrière cour du terrorisme international sera installée à 3 heures de Paris, il sera trop tard pour se réveiller !

Les enjeux du grand Sahel : la carte et le sabre

Le Sahel recèle de mystères échappant au décryptage des spécialistes, divisés sur la lecture de la signification de la prise d’otages sur le site gazier algérien. Double surprise : la première, le coup osé chez le voisin algérien dont on avait jusque-là critiqué le pas balbutiant, le geste lent et prudent jusqu’à frôler l’accusation d’être de collusion avec la galaxie djihadiste narcotrafiquante ; la deuxième, la surprise de la brutalité de la riposte du pays de Boumediene que certains s’étaient empressés de désigner comme étant lui-même l’instigateur de cette prise d’otages sur son propre sol afin d’entraîner d’autres puissances, surtout l’Oncle Sam, dans le chaudron malien. Puissances venant nuancer et relativiser le poids de l’Hexagone à ses portes. Ces surprises viennent s’ajouter aux rumeurs non vérifiées d’une brouille en Alger et Iyad Ag Ghali suite à l’attaque-boomerang de Konna mettant fin à la diplomatie de la solution négociée. Là encore, des zones d’ombre existent quand l’on sait que les services secrets algériens n’ignoraient rien des préparatifs du chef d’Ançardine qui s’est, au préalable, ravitaillé en carburant et autres provisions en Algérie avant d’enclencher son coup de joueur de poker. La proximité d’Iyad avec Alger est un secret de polichinelle et il serait étonnant que l’homme en bleu mué en néo-fanatique prenne un tel risque sans toucher un mot pour sonder le bienveillant protecteur.

Le Sahelistan devient non une fiction encore moins une vue de l’esprit, l’arc de crise s’étirant, l’espace crisogène gagnant en importance, la menace se pluralisant autant que se dilatant pour sévir au cœur du symbole gazier. La carte brouillée ici, c’est le sabre de Dieu qui se confond aux trafics divers sur fond d’enjeux géostratégiques. La philanthropie française à laquelle personne n’a jamais crue butte contre la face coriace des mémoires rafraîchies, des esprits avisés, des prospections minières du septentrion malien dont il ne fait plus de doute qu’il regorge de trésors potentiels. La géo-économie couvée par la géostratégie ne s’encombre point de frontières, fussent-elles officielles. Et Areva au Niger voisin est bien concerné par la contagion des menaces.

La Chine devient économiquement agressive. L’appétit féroce du pays du Milieu pour le premier des continents, l’intérêt de l’Oncle Sam, bien que non encore boulimique, sonnent comme des alarmes pour les gardiens du pré carré français, désireux de préserver une part significative de l’héritage du grand De Gaulle. La lecture de la carte se complique pour un Mali empêtré dans ses divisions politiciennes, dans sa faiblesse militaire, sa faillite prospective et sa cécité stratégique. L’ancien colonisateur, jamais désintéressé est accueilli, paradoxe de l’Histoire «postcoloniale», en sauveur ultime pour éviter que ce qui reste d’Etat malien aille siéger en Guinée ou au Sénégal, déguerpi face à la déferlante belligène de la nébuleuse septentrionale. Le Mali a choisi la conjoncture tant presse son présent, tant urge l’état du malade, la perspective attendra. Sauver ce qui reste d’essentiel, en réalité ce qui restait du Mali après les 2/3 sous la coupe des hordes hostiles. Le sauveur oubliera-t-il le soldat MNLA quand l’heure des comptes sonnera ? Peser autour de la table au moment du banquet, le Nord, si riche en minerais et si convoité. Le Mali choisira entre donner la part du lion au lion ou perdre une partie de sa souveraineté sur le Nord (autonomie). À ce jeu mortel, il est clair, que le loup MNLA pourra, réalisme oblige, céder de confortables tanières au lion sauveur pour espérer, stratégie d’échelle, échapper un peu davantage à l’emprise de l’Etat unitaire malien dont il veut s’émanciper. À l’heure où il fait si nuit, le Mali a sans doute besoin de lumières car le silence de la pensée est l’un des ennemis mortels des nations. Le réveil des intellectuels maliens augure-t-il d’un renouveau de la réflexion sur notre Etre collectif ? L’unanimisme est un ver qui corrode et finit par tuer les confortables citadelles.

Yaya Traoré

Politiste Consultant

Commentaires via Facebook :

5 COMMENTAIRES

  1. Ah, ces journaleux de merde, et tous ces vautours des droits de l’homme occidental, incapables de dire chat pour un chat!
    C’est quoi le salafisme ? Sinon cette merde rétrograde qu’est le wahhabisme importé du Qatar et d’Arabie Saoudite.
    C’est quoi Ançardine? La même merde nauséeuse, tout comme le MNLA, une création d’ethno-sécessionnistes racistes touaregs qui ne supportent pas que l’Etat failli du Mali soit tenu par des nègres (au sens de débiles noirs).
    La réalité d’un nord délaissé au plan du développement économique et des inégalités reste valable pour toutes les régions et parties du Mali en dehors de Bamako; et ce schéma est également vrai pour toute l’Afrique enserrée dans les griffes du FMI, de l’ONU, de la CEDEAO, bref de l’impérialisme et du néocolonialisme servis par les élites les plus criminelles. Alors, au lieu de poser autrement les problèmes et pointer les crimes du système capitaliste occidental en Afrique et au Mali, on nous bassine avec l’irrédentisme touareg, les contes pour touristes occidentaux en mal de dunes croulantes et des mythologies autour des hommes bleus du désert. Ah, qu’ils sont beaux nos racistes de Touaregs et autres arabo-berbères du Sahara malien ! Pour peu qu’ils montrent pattes blanches, la coloniale désormais en place, les remettra en scelle avec les acquiescements de la négraille couchée à Bamako ! Quelle honte pour l’Afrique !

  2. suite-> les hommes “bleus” perdront leur charme de peuple assoiffé des grands espaces et de liberté. N’y a-t-il pas des journalistes maliens capables de faire un reportage objectif mais poignant en démontrant les mensonges du MNLA? Personne n’est capable d’exposer le racisme de ces gans-là? On lit ça et là dans la presse occidentale que les militaires touaregs bien formés ont trahit le Mali mais pas plus. Les gens ne savent pas, ils croient à une minorité bafouée.
    Qu’attendez messieurs les journalistes et les intellectuels? Les batailles se gagnent aussi sur les écrans.

  3. Bien vu Blanche Neige mais il ne faut pas ignorer aussi que si la France n’intervenait pas, si la Mali s’ écroulait complétement ça en était fini de la présence (militaire et économique) française en Afrique. Il ne faut pas ignorer non plus les problèmes intérieurs français avec les djihadistes. Une réponse ferme s’imposait, Areva ou pas.
    la Chine a joué très mal. Comme il fallait s’ attendre elle se fiche éperdument du sort des populations locales, déjà qu’elle ne s’intéresse pas à son propre peuple.
    Elle aurait aisément traité avec les barbus. Money is money.
    C’est un pays profondément corrompu et corrompant, caractérisé par un capitalisme sauvage et destructeur. L’ Afrique n’a pas besoin de ça.
    Revenons aux touaregs du MNLA, on dit qu’ils sont une créature de Sarko mais qu’est ce qu’il empêche les intellectuels maliens de les contrer sur le terrain médiatique? Si l’on expose à l’opinion, internationale les faits (collaboration avec les djihadistes, massacres, viols etc) à suivre

  4. (suite)……..La plus grande crainte des chinois qui cherchent à faire main basse sur le Mali et d’autres pays africains n’ont qu’une peur ,c’est que le Mali par reconnaissance donne sa préférence à la France pour des exploitations pétrolières ou d’uranium ( à condition qu’il y en ait) 😉 😉 Mais vos grands amis chinois qui embrassaient ATT sur la bouche il y a un an encore , ont ils un minimum essayé de vous aider ??? JAMAIS ,ils attendent juste que le climat soit meilleur pour venir vous faire du charme et vous plumer 🙄 🙄 🙄 🙄 🙄

  5. un article qui aurait pu etre intéressant s’il avait été écris par quelqu’un de plus éclairé , comme Adam Thiam par exemple .
    Juste quelques points relevés :
    -l’attaque des djihadistes sur le site gazier algérien n’avait pour seul but que de prendre un maximum d’otages occidentaux sur le territoire malien pour faire du chantage . Je ne suis pas fan des algériens ,mais leur reaction rapide et violente a fait foirer le coup!!
    – que l’intervention de la France ait eu deux buts ,eviter que les barbus prennent 6000 otages français à Bamako (il ne faut pas les oublier ceux là)…….et la protection d’Areva au Niger qui produit 30% de l’uranium dont on a besoin en France pour les centrales ce n’est qu’une evidence .
    -le journaliste(ou journaleux ) qui a ecrit l’article commence a parler de la Chine . Bizarre ,elle existe encore celle là ?? Ca fait plus d’un an qu’elle a complétement ignoré le Mali et etait meme prete a mettre son veto sur l’intervention française !!!

Comments are closed.