Bamako cesse d’être « le centre du monde » avec l’accord d’Alger pour la paix et la réconciliation nationale qui conduit à des bouleversements institutionnels. Le président d’une région aura suffisamment de pouvoir pour faire de sa capitale un pôle économique et urbain ouvert au syndrome de Barcelone, la riche province espagnole qui rêve d’indépendance. Avec des concessions difficiles à accepter, le contrôle des communes devient la voix la plus rapide pour accéder au pouvoir.
Une disposition de l’accord faisant grincer des dents est la possibilité pour des régions d’adopter les dénominations officielles de leur choix. Cette reforme est liée aux dispositions relatives au statut juridique et fonctionnement des régions. Les cercles et les communes seront dotés d’organes délibérants que sont les conseils de cercle et conseils communaux élus au suffrage universel direct et dirigés par des bureaux ayant une fonction exécutive.
L’ADEMA dont les responsables estiment avoir le plus grand nombre de conseillers communaux semble comprendre l’enjeu politique de l’accord d’Alger signé en mai et juin 2015. «Celui qui contrôle les communes et les cercles a le pouvoir », a déclaré samedi dernier (6 février) Sekou Fantamady Traoré, député élu à Dioïla sous les couleurs de l’ADEMA.
Le parlementaire faisait référence à ce renforcement du pouvoir des régions et des communes que prévoit l’accord d’Alger. Désormais, chaque région du Mali sera dotée d’une Assemblée régionale élue au suffrage universel direct, bénéficiant de pouvoirs juridiques, administratifs et financiers issus du transfert de ressources importantes.
Le président de l’Assemblée régionale, élu au suffrage universel direct, sera le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région. C’est donc lui qui fera le boulot des gouverneurs actuels, ce qui signifie que les populations prendront en charge leur propre développement. Les chantiers de construction d’infrastructures comme les écoles et les centres de santé seront confiés aux populations.
C’est en fait un bouleversement du dispositif institutionnel actuel qui est prévu dans l’accord qui ouvre par exemple le Haut conseil des collectivités aux représentants des notabilités traditionnelles. Les cadis, juges islamiques, seront aussi insérés dans les rouages de l’administration même s’ils n’auront qu’un pouvoir consultatif.
L’attribution du pouvoir de la gestion de la sécurité locale est également source d’inquiétudes, chaque région étant sollicitée pour créer une police territoriale. Cette « armée locale » sera constituée uniquement de ressortissants de la région qui devient une entité dotée d’un budget géré par les organes élus. Ces élus définiront leur propre politique de développement.
Soumaila T. Diarra