Comment la communauté internationale a contribué à la signature des accords d’Alger ?

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le ministre algérien Ramtane Lamamra et le secrétaire général du MNLA (photo archives

Le 6 avril 2012, suite aux pressions de la CEDEAO, de l’UA et de la communauté internationale, le capitaine Sanogo annonce la signature d’un accord entre la junte et la CEDEAO. Celui-ci prévoit notamment la désignation d’un Premier ministre et d’un président – poste qui sera occupé par le président de l’Assemblée nationale, Diocounda Traoré – et la tenue d’élections présidentielles et législatives dans un délai d’au plus 40 jours. En échange, les putschistes obtiennent une amnistie ainsi que la levée des sanctions votées à leur encontre. Le 12 avril, M. Traoré est investi président intérimaire du pays. C’est également à ce moment que débutent les discussions entre les putschistes et le médiateur désigné par la CEDEAO, le président du Burkina Faso Blaise Compaoré, sur l’adoption d’une feuille de route pour la transition. L’astrophysicien Cheick Modibo Diarra est nommé Premier ministre le 17 avril par M. Traoré. M. Diarra nomme son gouvernement le 25 avril mais l’arrestation de plusieurs personnalités laisse craindre une mainmise de la junte sur le pouvoir civil.

Dans ce contexte, la CEDEAO organise le 26 avril 2012 un sommet extraordinaire sur la situation au pays lors duquel les chefs d’État des pays membres décident d’envoyer une mission afin de surveiller la transition qui doit s’échelonner sur 12 mois. Ils n’écartent toutefois pas, dans des termes quelque peu équivoques, que cette mission puisse être éventuellement renforcée par le déploiement d’unités combattantes. Cependant, la junte militaire rejette les décisions de la CEDEAO et se dit trahie par l’organisation. Le 1er mai, la junte fait échec à un contre coup d’État perpétré des partisans de l’ancien président. Finalement, le 19 mai, la CEDEAO annonce que les responsables de l’ex-junte militaire ont accepté que M. Traoré continue de diriger la transition jusqu’à l’organisation d’élections. Le même jour, l’Assemblée nationale amnistie les putschistes. Deux jours plus tard, Traoré est blessé par des manifestants qui protestaient contre la prolongation de son mandat pour toute la durée de la transition.

Alors que la CEDEAO continue les négociations en vue de déployer une mission au Mali et de trouver une solution politique à la crise, la situation sur le terrain évolue très rapidement. Le 27 mai 2012, après plusieurs semaines de discussions parfois difficiles, la rébellion touareg du MNLA et le mouvement Islamiste Ansar Dine fusionnent et proclament la création d’un État islamique dans le nord du Mali. Cependant, l’alliance des deux groupes rebelles est de courte durée et celle-ci se dissout dès le début du mois de juin en raison de différends irréconciliables. En effet, le MNLA est opposé à la version stricte de la charia prônée par Ansar Dine. Le groupe terroriste quant à lui cherche à imposer un État islamiste sur l’ensemble du territoire malien et par conséquent rejette l’indépendance de l’Azawad. Dès le 8 juin, des affrontements éclatent entre les deux groupes. Une autre organisation islamiste, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) se joint à Ansar Dine pour combattre le MNLA. Le 27 juin, ce dernier est expulsé de son quartier général à Gao par le MUJAO. Deux jours plus tard, Ansar Dine les chasse de Tombouctou. À peine un mois après le début des combats entre les touaregs et les islamistes, le MNLA est totalement évincé du Nord-Mali qui est à partir de ce moment complètement sous le contrôle des groupes armés islamistes.

Ce développement change fondamentalement la dynamique du conflit qui n’est plus alimenté par des revendications nationalistes touarègues mais qui s’inscrit désormais dans un registre de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme islamiste. Après avoir pris le contrôle du Nord-Mali, les groupes islamistes, en particulier Ansar Dine, commencent à détruire les mausolées de Tombouctou et à imposer une version stricte de la charia dans les zones sous leur contrôle. La communauté internationale condamne vivement ces actions. La population du Nord-Mali organise également plusieurs manifestations pour s’opposer aux islamistes, en particulier aux châtiments publics brutaux utilisés pour imposer leur vision de la charia. Ainsi, la communauté internationale, jusque-là principalement préoccupée par le rétablissement de l’ordre constitutionnel, cherche désormais d’avantage à rétablir l’intégrité territoriale du Mali et à chasser les islamistes armés du pays.

Pendant ce temps, la CEDEAO réclame la mise en place d’un gouvernement d’union nationale au Mali avant le 31 juillet 2012 et demande à la Cour Pénale Internationale (CPI) de poursuivre les criminels de guerre dans le nord du pays. Le 1er août, la CEDEAO accorde au Mali un délai de dix jours supplémentaires pour former un gouvernement d’union nationale. Finalement, ce n’est que le 20 août que la formation de celui-ci est annoncée. Aussitôt, la CEDEAO appelle le nouveau gouvernement malien, toujours dirigé par Cheikh Modibo Diarra, à agir rapidement pour organiser des élections et rétablir l’intégrité territoriale du pays. Cependant, le nouveau gouvernement d’union nationale est fortement critiqué par l’ensemble de la classe politique, tant par les opposants que par les partisans du putsch du 22 mars. Par ailleurs, le gouvernement annonce au cours de l’automne qu’il n’y aura pas d’élections organisées au Mali avant la reconquête du nord du pays. Le 10 décembre, le Premier ministre Diarra est arrêté à son domicile par des militaires sous les ordres du capitaine Sanogo et est accusé d’avoir géré la crise malienne en fonction d’un agenda personnel. M. Diarra est forcé de donner sa démission ainsi que celle de son gouvernement. Ce renversement du gouvernement de transition par les militaires est fortement condamné par la communauté internationale et en particulier par l’UA et la CEDEAO. Le 11 décembre 2012, Diango Cissoko est nommé Premier ministre malien par intérim et remplace donc Cheick Modibo Diarra. Même si la communauté internationale a fortement condamné le renversement de Diarra, la nomination de Cissoko comme successeur a été bien accueillie par cette dernière. Dès le 27 décembre, Cissoko demande à ce qu’une opération d’intervention militaire africaine soit organisée « le plus rapidement possible ».

En août 2013, les élections présidentielles maliennes sont remportées par Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Ce dernier nomme Oumar Tatam Ly comme Premier ministre en 2013, Tatam Ly a cependant démissionné en avril 2014 et a été remplacé par Moussa Mara. Moussa Mara a démissionné lui aussi en janvier 2015 puisque le Président Ibrahim Boubacar Keïta « a voulu donné un nouveau souffle à son gouvernement ». Modiba Keïta, chargé auparavant de mener les pourparlers avec les groupes rebelles, devient ainsi Premier ministre.

Sambou Sissoko

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1 commentaire

  1. Vous nous relatez l’historique de la transition sans nous faire comprendre comment la communauté internationale a interféré dans les accords d’Alger. Est-ce français, américains, UA, CEDEAO etc y ont joué de particuliers rôles. Qui a proposé quoi ? Est-ce l’UE qui a proposé ALger ? La date est-elle de l’UA ? Les différents acteurs des accords étaient-ils seulement maliens (loyalistes ou rebelles) ? …

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