Commission vérité, justice et réconciliation : Vers un échec programmé ?

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Cheick oumar Diarrah
Ministre de la Réconciliation Nationale et du Développement des Régions du Nord, Cheick Oumar Diarrah

La Commission Vérité, Justice et Réconciliation , qui sera, en principe, mise en place cette semaine, court infailliblement vers un fiasco programmé. Car cette commission JUSTICE est, elle-même, INJUSTE dans ses missions, qui au terme du décret qui la crée, « couvrent la période allant de l’indépendance à nos jours et porteront sur les questions relatives au Nord ». Pourquoi depuis l’indépendance ? Pourquoi seulement les questions relatives au nord ? Comment compte-t-elle rétablir la vérité et rendre justice par rapport, par exemple, à la rébellion de 1963 ? Autant d’interrogations dont les réponses ne résisteront pas à la dure réalité des faits et du terrain. D’où l’échec annoncé.

 

 

En vue de restaurer la cohabitation et le vivre ensemble entre populations des régions du Nord et entre les populations du Nord et du Sud, il a été créé en mars 2013, sous la transition et à la demande du président par intérim, Dioncounda Traoré, une Commission Dialogue et Réconciliation qui avait pour mission de rechercher par le dialogue la réconciliation entre toutes les communautés maliennes.

 

 

Avec la formation du Gouvernement Oumar Tatam Ly, le ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord a été chargé de définir et de mettre en œuvre une stratégie de vivre ensemble bâtie sur l’équité et la justice. Dans cette perspective, il est proposé de restructurer la Commission Dialogue et Réconciliation.
C’est ainsi que le Conseil des Ministres du vendredi 13 décembre 2013, sur le rapport du ministre de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord, adopte les projets de textes relatifs à la création, à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (Cvjr) qui prendra en compte les dimensions vérité et justice.

 

 

La nouvelle commission contribuera, selon le décret, à instaurer une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation des valeurs démocratiques.

A ce titre, elle est chargée d’enquêter sur les cas de violations graves des droits de l’homme commises dans le pays et, spécifiquement celles commises à l’égard des femmes et des enfants, établir la vérité et proposer des mesures de réparation ; de mener des enquêtes sur les cas d’atteinte à la mémoire individuelle ou collective et au patrimoine culturel ; d’établir la vérité sur les violations graves des droits de l’Homme et les atteintes aux biens culturels et proposer des mesures de réparation ; de favoriser le dialogue intra et inter communautaire, la coexistence pacifique entre les populations et le dialogue entre l’Etat et les populations ; et de promouvoir auprès des communautés le respect de l’Etat de droit, des valeurs républicaines, démocratiques, socioculturelles et du droit à la différence.
Jusque là, tout est parfait et salutaire, voire même nécessaire et indispensable au vu du grave contexte de crise dont le Mali sort. Mais, là où le bât blesse, c’est quand le décret dit dans sa chute ceci : « Les missions de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation couvrent la période allant de l’indépendance à nos jours et porteront sur les questions relatives au Nord ».

 

 

A ce niveau, il y a entorse. En effet, s’il est convenu que les missions de la Cvjr couvrent la période de l’indépendance à nos jours, elles devraient s’étendre à tous les crimes et actes odieux commis pendant ce temps. Ou bien, et c’était la bonne formule, limiter la période à la rébellion de 2012 et les crimes commis depuis, et sur l’ensemble du territoire national, au nord comme au sud.

 

 

En remontant à l’indépendance tout en se limitant aux questions relatives au nord, la Commission Vérité, Justice et Réconciliation occulte plusieurs crimes et faits historiques qui méritent aujourd’hui d’être élucidés et dont la connaissance de la vérité réconcilierait beaucoup de cœurs. Il s’agit entre autres et pêle-mêle de la mort de Maraba Kassoum Tapo, Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko, Diby Silas Diarra, Yoro Diakité, Tiécoro Bagayoko, Kissima Doukara, Abdoul Karim Camara « Cabral » et l’illustre Modibo Kéïta, premier président du Mali.

 

 

D’autre part, si l’on s’en tient à la période retenue (1960-2013), comment la commission compte-t-elle s’y prendre pour élucider la rébellion de 1963 dénouée dans le sang et le feu. Et dont la plupart des principaux acteurs ne sont plus de ce monde.

 

 

C’est pourquoi, à notre avis, il fallait viser la rébellion de 2012 avec comme point de départ les massacres d’Aguel Hoc. Même là, en se cramponnant uniquement sur les questions relatives au nord, on occulterait la vérité et la justice sur les crimes odieux perpétrés au sud tels que l’affaire dite des bérets rouges. Et on passerait à côté de la réconciliation au sein de l’armée malienne. D’où l’importance de tout dire, sur toutes les natures de crimes, sur l’ensemble du territoire national. Donc, le ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord doit revoir sa copie par rapport à cette Commission Vérité, Justice et Réconciliation dans ses période et axe ciblés.

Sékou Tamboura

 

Commentaires via Facebook :

4 COMMENTAIRES

  1. Boubou cissé ,dr en quoi ? C”est l’ami de bouba keita fils de ibk. Stagiaire a la banque mondiale au Niger. Au cours i d’une visite de ibk au niger ,bouba presente son ami boubou a son pere ,et lui donne son cv de stagiaire ,apres avoir deguste un bon whisky en famille le voila promu ministre, ala place des vrais cadres.
    Pauvre Mali.

  2. 1. A vouloir suivre plusieurs lièvres a la fois on n’attrape aucun;
    2. Il y a des actions que méritent a la fois justice et réparation
    3.Se limiter a une reparation de crimes d’ordre moral pour élargir les auteurs est semblable a l’impunite

  3. La monarchie constitutionnelle ou pourquoi les leçons de la crise n’ont pas été tirées au Mali

    “On ne me trimbalera pas” le ton a été donné en début d’octobre 2013, un mois seulement après sa prise de fonction à la tête de l’État malien.
    IBK, le nouveau président élu du pays, ne compte pas tergiverser avec “son” pouvoir.

    C’est de bonne guerre car après l’effondrement de l’État en 2012 et dans son sillage la tombée des régions nord du pays aux mains des coalisés islamo-narco-indépendantistes, le peuple malien sorti massivement pour les élections présidentielles de juillet et août 2013, voulait avant tout une personnalité forte pour présider aux destinées d’un pays malade de ses travers.

    Justement le jour même de l’investiture internationale d’IBK à Bamako, le 19 septembre 2013, un livre collectif publié aux éditions Vendémiaire et intitulé “la tragédie malienne” s’interrogeait déjà sur «comment s’est effondré un pays qui a longtemps été présenté comme un exemple réussi des transitions démocratiques ».

    Cette légitime question est encore d’actualité car à voir de près la gestion du pouvoir du nouveau régime par rapport au passé récent du pays on a encore du mal à comprendre les choix politiques en cours eu égard aux défis énormes qui se dressent devant le pays.

    La gestion de la question du nord aussi centrale et cruciale que cela peut être, elle est pourtant dangereusement en train de prendre le dessus sur la reconstruction saine d’un État aux reins fragiles.

    Rappelons que c’est cette fragilité de l’État qui a permis à ATT de gérer, presque seul, le dossier de l’irrédentisme touareg à travers des choix politiques non sérieusement débattus à l’échelle nationale et qui ont fini par être inopportuns et malavisés par la suite.

    Oui après c’est tellement facile de parler de la Libye et de l’Aqmi mais les fondamentaux de la faillite de l’État résident dans la doctrine ATT de “l’armée de nos besoins plutôt que l’armée de nos habitudes”.

    En clair, ATT, dans ses accords de paix successifs, privilégiait le désengagement de l’État dans une région où les menaces sécuritaires s’agrandissaient sans avoir la certitude que les alternatifs qu’il mettait sur place, répondaient aux défis de l’heure.

    L’architecture du dialogue politique national et les logiciels de la cohésion sociale du pays étaient incompatibles à une construction nationale en proie à des menaces permanentes sur la sécurité et la stabilité du pays.

    Mais pourtant ATT comme Alpha croyaient profondément aux vertus du dialogue inadapté qui proliférait avec les groupes armés du nord, Alger par ci, Libye par la.

    Pourtant leur vision du problème sécuritaire du pays était du coup la vision de toutes les autres institutions du pays (qui s’effaçaient volontairement) sans réelle possibilité de débat pour approfondir les choix stratégiques de la construction nationale sécurisée.

    Le jeu politique national à travers les partis politiques et associations politiques n’a pas fonctionné au plus haut niveau de l’État de manière sincère et régulier au service de la nation.

    La société civile s’est contentée d’être un décors inodore et incolore de suivisme et de caution politique alors que les institutions judiciaires ont scandaleusement ignoré le droit et leur rôle primordial dans l’application de la loi dans toute la conduite des affaires publiques au Mali.

    Voilà pourquoi on a échoué à mettre sur place une armée digne de ce nom parce qu’on avait plus de gardes-fous pour parer aux dérives de la gouvernance chez nous.

    Et Dieu seul sait comment avec la corruption, le népotisme, l’affairisme et les trafics d’influence en tout genre enfantaient ce mal gouvernance chez nous.

    Le même raisonnement vaut pour l’école et une économie nationale forte et saine.

    Ce qui nous a valu le qualificatif de “démocratie de façade” avec son corollaire de pauvreté voire de misère noire, malgré des textes innovants en matière démocratique.

    Je vous rappelle que le Mali avait la limitation constitutionnelle des mandats présidentiels à deux et le quinquennat avant la France et le Sénégal.

    Maintenant où en sommes- nous?

    Nous semblons reprendre les mêmes et recommencer comme si rien était malheureusement.

    L’une des institutions clé de la démocratie est l’assemblée nationale.
    Elle doit être l’antre du débat et de la contradiction qui a beaucoup manqué au Mali avant l’effondrement de son État en 2012.

    Aujourd’hui c’est un beau père du fils du président IBK qui y préside et c’est ce fils même qui préside la commission de défense et de sécurité de cette même assemblée nationale.

    Il se trouve que ce fils n’a aucune compétence avérée dans les questions sécuritaires à l’heure de la restructuration de l’armée et de la redéfinition de la stratégie nationale de défense et de sécurité du pays.

    Alors pourquoi ce choix?

    Et comment cela peut-il arrivé avec une facilité déconcertante dans un pays qui a touché le fond à cause de ses choix malencontreux en matière sécuritaire?

    Le RPM, le parti présidentiel majoritaire à l’assemblée avec 66 députés sur 147, est soit scandaleusement vide de cadres valables soit de vision claire dans sa ligne hiérarchique et managériale pour ne pas avoir assez de visibilité dans la conduite des affaires publiques au Mali.

    Du coup la présidence de la république et l’assemblée Nationale du pays deviennent la chasse gardée d’IBK et de sa famille.

    Si le RPM et ses cadres peuvent s’effacer aussi facilement devant les désidératas d’une famille qui ne cache pas son admiration pour les rois manding, alors comment pourraient-ils s’ériger contre d’éventuels choix inopportuns et malavisés d’un gouvernement truffés des membres de cette même famille?

    Et ce n’est pas tout, car cette famille IBK est aussi très présente dans les postes de conseillers surtout à Koulouba.

    Nous sommes donc en présence d’une véritable phagocytose constitutionnelle de l’État malien par une famille sous le fallacieux prétexte qu’ils sont élus.

    Non, personne n’est élu pour une préférence familiale dans notre gouvernement et dans nos institutions.

    Ce n’est pas vrai.

    Et tout ce qui ont vu la passivité de la cour suprême et de la cour constitutionnelle (d’abord devant les putschistes de Kati puis lors des inscriptions des rebelles, normalement devant répondre de graves crimes, sur les listes électorales du RPM) ont compris qu’elles ne pourront ni jouer le rôle de troisième pouvoir ni assurer la justice sociale au Mali.

    Ce sont des trompes-l’œil budgétivore qui participent plus à la déliquescence de l’État qu’à sa construction réelle et viable.

    Les leçons du passé ne sont donc pas tirées et nous avons pris les mêmes pour recommencer de plus belle mais cette fois ci, en inaugurant avant tout le monde comment on peut, en un si court instant, transformer une démocratie en une monarchie constitutionnelle.

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