Depuis le 17 janvier, la partie nord du Mali est sous occupation de multiples groupes armés (Aqmi, Ançar Dine, MLNA, Mujao, etc.). Les populations des zones sous occupation n’ont pas la même approche vis-à-vis de ces groupes rebelles. Si elles ont rejeté le MLNA pour ses agissements immoraux et criminels, elles sont moins hostiles aux groupes islamistes.
Les islamistes, contrairement aux indépendantistes du MNLA, ne s’adonnent pas aux meurtres, viols, vols et autres exactions. Se disant adeptes et promoteurs de la charia, ils s’activent à gagner le cœur de leurs administrés, histoire de leur faire oublier le bon vieux temps de l’administration malienne. C’est ainsi que sur le plan sanitaire et alimentaire, Ansar Dine et son allié, le Mujao, donnent les moyens de satisfaire, tant bien que mal, les populations. L’hôpital de Gao a ainsi été ravitaillé en produits anti-choléra prélevés sur des stocks abandonnés par les combattants du MNLA en fuite. Le carburant, destiné à alimenter l’unique groupe électrogène de la ville qui fournit de l’électricité aux populations, est importé de Sévaré puis emmené à Gao sous l’escorte d’une colonne islamiste armée qui attend le retour des citernes de carburant a à Douentza.
Un discours très alléchant
Dans la lancée de cette œuvre économique et sociale, les islamistes n’oublient pas de renforcer leur armée. Conscients qu’une armée ne vaut que par le soutien d’un peuple, ils développent, depuis quelques semaines, une politique de recrutement militaire massif des jeunes gens du nord du Mali. Ayant chassé, le MNLA des régions qu’ils ont conquis ensemble, les recruteurs islamistes expliquent aux jeunes de Gao, de Tombouctou et de Kidal qu’ils restent attachés à l’unité du Mali, qu’ils veulent le bien des populations et que leur administration ne finira pas de sitôt puisque le Mali lui-même, malgré les gesticulations, aurait décidé d’abandonner le nord à son sort. Les islamistes expliquent aussi que la plupart des Maliens se disent musulmans mais que les autorités maliennes dévoient l’islam à travers une justice à double vitesse et la, toutes choses qui font régner la misère, notamment au nord du Mali. Allant de village en village, de hameau en hameau, de campement nomade en campement nomade, les infatigables idéologues islamistes déclarent sur la place publique qu’ils sont en mission divine et que seule l’application de la charia islamique permettra de combattre l’injustice dont elles étaient naguère victimes de la part du gouvernement malien.“Avec la charia, personne ne sera obligé de corrompre le juge ou la policier pout avoir raison. Le riche n’aura plus raison sur le pauvre à cause de sa condition financière.”, annoncent les missionnaires. Ils ne manquent pas, bien entendu, de souligner qu’accepter la charia donne un chèque en blanc pour le Paradis divin. Ainsi, ceux qui, surtout les jeunes, veulent entrer au Paradis sont invités à rejoindre les mouvements islamistes en vue de répandre la loi de Dieu.
De l’argent à la clé
Ce discours, partout où il est livré, fait son effet. D’ailleurs, avant le Paradis qui ne peut s’obtenir qu’après la mort, les islamistes ont des arguments plus immédiats. Tout jeune qui accepte d’intégrer les armées islamistes reçoit non seulement une prime d’adhésion mais aussi 5 000 FCFA par jour. Ces 5 000 FCFA sont versés pendant toute la durée de la formation militaire qui est offerte aux recrues. Et à la fin de la formation, la jeune recrue signe avec les islamistes un contrat permanent qui donne droit à une solde mensuelle. Pour qui connaît la pauvreté qui régnait au nord bien avant l’occupation islamiste et pour qui mesure la misère, le chômage et le désespoir qui se sont installés en ces lieux après la conquête rebelle, les offres islamistes paraissent presque une aubaine. Ainsi, dans les villages de Koima et de Tacharane, les islamistes ont pu ‘inscrire une centaine de jeunes hommes. Ces jeunes ont, dès leur enrôlement dans l’armée rebelle, entamé une formation intensive au maniement des armes.
Formation spéciale
L’un d’eux, qui a déserté et que nous avons pu joindre par téléphone, nous apprend que la formation est à la fois militaire et idéologique. Selon lui, les islamistes enseignent à leurs recrues l’extrémisme, le minage et le déminage des terrains, ainsi que la fabrication de bombes artisanales.“Ils nous ont dit pendant les quelques jours que j’ai eu à passer au camp d’entraînement qu’après avoir islamisé le nord, la prochaine étape sera le reste du Mali. Pour y parvenir, il faut une armée forte, capable de faire face même à une armée internationale.”, a ajouté notre interlocuteur très attaché à son anonymat. Toujours selon lui, les recrues ont un perdiem quotidien de 5 000 FCFA pendant toute la durée de la formation. Cet argent est payé chaque soir, au retour des classes de formation. Après la formation, chaque combattant bénéficie d’un contrat; son salaire varie en fonction de son courage, de sa disponibilité et de sa foi en Dieu. “J’ai intégré l’armée islamiste quand on m’a promis de l’argent mais il faut avouer que je ne croyais plus au retour de l’armée malienne dans le nord. Mais j’ai déserté quand j’ai appris que les Américains, les Français et la CEDEAO se préparaient à attaquer Ansar Dine et ses alliés. Cependant, je n’en veux pas à mes autres compagnons qui sont restés avec les islamistes car je comprends leur désespoir”, confesse notre interlocuteur.
Par Abdoulaye Guindo
C’est peut être vrai et le COREN à mon humble avis, doit axer ses efforts sur ce problème également. Cela montre le danger grandissant de tergiverser quant à l’action militaire à entreprendre, mais aussi la nécessité, après cette guerre, de traiter le mal à la racine et de ne plus laisser subsister les causes qui offriraient à d’autres mouvements terroristes, la possibilité d’égarer de jeunes gens. il faut donc une véritable démocratie et une lutte implacable contre la corruption et la malhonnêteté politiques. Ceux qui prétendent négocier avec ANCAR DINE ET AQMI ne doivent pas nous tromper : cela sert uniquement les intérêts sordides de la caste dirigeante d’un pays voisin, empêtré dans des calculs qu’elle croit machiavéliques, mais qui tôt ou tard, se retourneront contre elle. Si vous cherchez un bon exemple, voyez le jeu du Pakistan en Afghanistan : il a réussi à transformer ce pays en enfer pour ses habitants, tout en se présentant comme son ami et frère. Ne nous laissons pas abuser à notre tour et fixons notre conduite et notre politique en fonction de nos seuls intérêts nationaux. Ceux qui méprisent leur propre peuple et les peuples voisins n’ont pas d’avenir.
Comments are closed.