Préoccupés par le retour de la stabilité en vue de permettre le retour de milliers réfugiés et de déplacés, les participants à la Conférence d’entente nationale, dans leurs ‘’recommandations spécifiques’’, ont prôné le règlement de la mésentente entre la Coordination des mouvements armés (CMA) et la Plateforme des mouvements du 14 juin. Mais ces mouvements armés sont-ils aussi antagoniques qu’on voudrait le croire ? Explication.
On se rappelle, le feu a été remis aux poudres pour le contrôle des villes de Ménaka et d’Anéfis. Le retour à l’ordre dans ces deux localités a été la croix et la bannière avec un rôle très ambigu pour la Mission des Nations-Unies dont la partisannerie pour la Coordination des mouvements armés a été mise à l’évidence par une falsification impudente des faits et de l’histoire.
C’est suite à d’immenses efforts diplomatiques que le calme est revenu dans les localités que se disputaient âprement la Plateforme et la CMA, chacune étant sûre de son bon droit.
Mais s’agissait-il d’un calme avant la tempête ? Le regain de tension, à partir de juillet 2016 l’atteste. En effet, les 21 et 22 juillet 2016, de violents combats ont éclaté entre les deux mouvements armés, faisant des morts et des blessés. Quelques jours plus tard, le 30 juillet, les mêmes mouvements étaient aux prises à quelques dizaines de kilomètres de Kidal. Le 9 août, c’est dans la zone d’Adjlal, à 70 km à l’est de Kidal que la poudre a parlé.
Ce regain de violence, sur fond d’accusations mutuelles des belligérants, à un moment crucial pour le processus de paix, a eu des conséquences néfastes sur la population dont une partie importante s’est engagée sur les routes, question d’échapper à la violence.
L’on comprend dès lors cette recommandation spécifique de la Conférence d’entente nationale (tenue du 27 mars au 2 avril dernier, au Palais de la culture Amadou Hampâthé BA de Bamako : « régler la mésentente entre les mouvements signataires : CMA et Plateforme pour permettre le retour de tous les ressortissants de Kidal qui le désirent ».
D’un point de vue, il y a effectivement mésentente entre la CMA et la Plateforme, il y a même une aversion l’une de l’autre.
Mais d’autre part, l’on ne manquera pas non plus de souligner que ces ennemis jurés s’entendent comme larrons en foire, toutes les fois qu’ils ont des intérêts convergents. Ce communiqué, en date du 29 septembre 2015, est à cet effet assez illustratif : « les Mouvements signataires de l’accord de paix issu du processus d’Alger signé le 15 mai 2015 et parachevé le 20 juin 2015 informent la communauté nationale et internationale de l’intrusion de nouveaux acteurs dans le processus de mise en œuvre de l’accord.
En conséquence, de communs accords la CMA et la Plateforme décident de suspendre leur participation aux travaux des sous-comités thématiques, jusqu’à ce que le CSA en accord avec la Médiation Internationale clarifient la situation concernant ces nouveaux acteurs ».
Plus récemment, à la veille de la Conférence d’entente nationale, la Plateforme et la CMA ont fait montre d’une complicité à faire pâlir les jaloux. Une nouvelle fois, elles se sont fendues d’une déclaration conjointe dans laquelle elles émettent leurs réserves par rapport à cette Conférence prévue par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, et d’annoncer qu’elles ne prenaient pas part aux travaux.
Ce qu’il faut également noter, c’est que la CMA et la Plateforme savent enterrer la hache de guerre, si elles le veulent, sans aucune intervention extérieure. La preuve en est que suite à l’entrée d’éléments armés de la Plateforme, le 2 février 2016, dans la ville de Kidal, le 6 février 2016 se sont réunis à Kidal les représentants suivants de la Plateforme et de la CMA, également garants de l’Accord d’Anefis : Alhaji Ag GAMOU, Alghabass Ag INTALLA, Alghabass Ag NAJIM, Hanoune Ould ALI.
‘’Après de longs débats riches en sagesse et en objectivité, les deux parties sont convenues de ce qui suit : les deux parties restent fermement attachées à l’application de l’Accord de paix et réconciliation au Mali issu du processus d’Alger ; conformément aux dispositions déjà arrêtées, des éléments de la Plateforme intégreront les commissions chargées de la gestion de la ville de Kidal ; la Plateforme allégera son dispositif militaire présent à Kidal ; partout où les deux parties sont conjointement présentes, elles travailleront collégialement pour renforcer davantage le processus de paix enclenché depuis la rencontre historique d’Anefis ; toutes les populations des deux parties auront libre circulation partout, tout en respectant les autorités sur place ; les deux parties réaffirment leur indéfectible attachement à l’Accord d’Anefis qui est, aujourd’hui, le principal accord gage d’un retour à une paix et à une stabilité durables ; les deux parties réaffirment leur engagement à résoudre tout différend entre elles par la voie du dialogue ; les deux parties remercient la communauté internationale pour son accompagnement depuis le début du processus et demandent instamment de le continuer, notamment par un appui à la prochaine grande rencontre Plateforme/CMA prévue à Kidal pour couronner la rencontre d’Anefis’’, fait savoir un communiqué conjoint CMA/Plateforme.
Le dicton est sans doute symptomatique : ‘’les tortues savent où se mordre’’.
Par Bertin DAKOUO