Deux jours de colère dans la capitale qui ébranlèrent le jeu du numéro d’équilibriste des autorités nationales sur le dossier sécuritaire du Nord. Tout a commencé parmi les femmes de militaires à Kati. Noires de colère, le profil taillé à la faucille, ce n’était pas un coup de pied qui pouvait les faire reculer. Elles se feront entendre à Koulouba et tout le pays en garde encore l’écho. Il reste aux politiques à affronter leurs erreurs passées.
On ne peut rester dans l’ignorance de la mémoire collective d’une vieille nation comme le Mali. La violence physique et psychologique des dernières attaques de la rébellion au Nord nous a tous heurtés. Nos amis dans les pays voisins et ceux d’autres continents vont vivre le film de ces événements comme un documentaire « trash », dirons-nous. Quelque chose a vacillé dans l’opinion publique. Et comme cette même opinion publique est « bonne fille », elle distille et elle accepte tout ce qu’on lui donne. Le temps passait depuis les premières attaques de la mi-janvier, les tensions restaient. Pour reprendre l’expression de la bouche du ministre Séméga, la stigmatisation est venue du camp de Kati face à l’irrésolution de Koulouba. Que pouvait-on apprendre ? Qu’avec Bamako, les chefs rebelles étaient devenus des équilibristes. Un coup, ils pédalaient pour aller de l’avant, un autre coup, ils laissaient l’impression de pédaler vers l’arrière. N’était-ce pas là un exercice difficile dans la réalité ?
Dans la guerre de l’image, la rébellion actuelle montrait que les siens n’avaient plus seulement besoin du « minimum vital ». Et au Sud, en avait-on marre de continuer de voir prendre leur argent pour aider des gens qui n’avaient pas envie de s’en sortir autrement ? Avec l’irruption scénique des femmes dans ce dossier, on s’est dit que les vraies questions n’avaient pas été posées jusqu’à présent. Du côté des rebelles, on insistait que dans les accords passés, Bamako ne s’était pas montré soucieux des détails et n’avait pas fait ce qu’on attendait de lui. Voire. Dans le camp d’en face, on se posait la question de savoir si le Nord était irréconciliable avec le reste du pays. C’est dans cette atmosphère électrique que les femmes, parties avec leurs quenouilles et leur reste d’épouses éplorées, vinrent à vouloir escalader les enceintes du Palais de Koulouba. Le face à face fut tiré au cordeau, avec tact, jusqu’à l’accès des bureaux présidentiels. Rappel historique, mais sans parallèle : les Maliennes étaient autant déterminées qu’elles furent les Françaises dans les années 1790 où elles partirent ramener le roi Louis XVI de Versailles à Paris. Les hommes avaient fait la révolution, les femmes ramenèrent le roi…à Paris, dira un historien. Les femmes de Kati étaient déterminées à se faire écouter par le « Président » de Koulouba qui, par la suite, s’est engagé à recevoir les autres femmes des camps du pays.
Tout est à rebâtir autrement.
Peut-on parler de levée de boucliers (nous y sommes déjà) ? Mais une levée des cœurs, oui. Nous dirons un chœur de ressaisissement patriotique. Le temps déraisonnable où l’on vivait à crédit sur la question sécuritaire du Nord est révolu. Les populations, dans leurs murmures, font entendre qu’elles sont déçues par la manière et la distance prise par les politiciens sur ce dossier. Une note maximale nous est venue du chœur des femmes en colère et il ne serait pas indiqué d’ignorer cet avertissement dans un « petit » mouvement d’orgueil.
Les plaintes de ces citoyennes nous replacent face à nos erreurs du passé. Tout le monde s’accorde sur la timidité des réponses données à ces mêlées multiples des rebelles. Tout cela va-t-il fondre dans un potentiel de déstabilisation majeure dans la sous-région du fait de ces bandes rebelles ? Il y a certainement, dans nos capitales africaines, de petites divergences d’approche sur l’agenda des négociations à tenir. Ce sera une autre guerre déclarée sur la gestion du mode de fonctionnement. Ceux qui se battent pour la cause des touaregs (comme le soutient l’ancien consul libyen au Mali, Moussa Ag Koni aujourd’hui rallié au CNT à Tripoli) voudraient voir jouer une carte diplomatique par Paris auprès de nos Etats. La jonction à craindre, si elle est prouvée ou ajustée, serait dans un soutien et une alliance d’intérêts des touaregs avec AQMI.
Quelles sont les chances de Bamako de se retrouver engagé dans un effort diplomatique dont l’objectif serait de contraindre nos pays amis à faire un choix « binaire », comme on dit ? Koulouba ne tenant plus à retarder ou à diluer certaines mesures. Il ne rechercherait plus « un compromis bancal » puisque subissant une pression politique pour ne pas laisser les rebelles continuer à frapper. Le ministre Gassama, appelé au gouvernail de la défense, ne l’est certainement pas pour des raisons de procédure, mais bien propitiatoires.
S.Koné