La journée du 2 août restera à jamais gravée dans la mémoire collective des populations de la commune de Watagouna. Elle consacre en effet le retour à la vie civile de près de 400 ex-combattants de Ganda Iso, un mouvement d’auto défense composé en majorité de peulhs et constitué pour faire face à l’insécurité résiduelle imposée par des communautés nomades. Ce sont surtout ces jeunes anciens du Ganda Iso qui ont accepté de quitter le maquis pour tourner définitivement le dos à la lutte armée en acceptant d’alimenter une flamme de la paix, notamment avec l’incinération de 366 armes.
Comme gage de leur bonne foi, les combattants démobilisés de ganda Iso ont remis plus de 366 armes aux autorités représentées par le gouverneur de la région de Gao Kalifa Kéita, en présence du Consul de la Libye au Mali, Moussa El De Koni, dont le pays a promis d’aider à l’insertion socio économique de ses ex- combattants. Les armes ont été brûlées dans le cadre d’une symbolique flamme de la paix, devant les représentants des différentes communautés et dans une ambiance festive qui rassure sur l’esprit de paix et de tolérance qui règne désormais dans la zone.
Du beau monde avait fait le voyage de Fafa, localité située dans la commune rurale de Watagouna, dans le cercle d’Ansongo. Outre le gouverneur de la région de Gao, on notait la présence de l’émissaire du chef de l’Etat, Eglass Ag Ouffen, chargé de mission à la Cellule de la sécurité nationale, du président du conseil de cercle de Gao, celui de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères, le colonel Sirakoro Sangaré et le chef d’Etat major de l’opération Djgui Tougou, le colonel Oumar Diawara.
Côté libyen, le consul Moussa De El Koni était accompagné de Mohamed Abdoul Karim, secrétaire général du Consulat et de Mohamed Ibrahim chargé de mission. La délégation libyenne revenait de Tidjalalène dans la communauté des Idnanes et de Tessit chez les Imgades, dans la région de Gao, où elle avait auparavant procédé à la remise de la somme de 240 millions FCFA à des ex-combattants touaregs pour leur insertion sociale. Nous reviendrons sur cette étape dans notre parution de demain, vendredi.
L’insécurité dans la commune de Watagouna, pour rappel, avait en son temps atteint son paroxysme, quand en septembre 2009 les éléments du Ganda Iso avaient organisé une expédition punitive pour s’en prendre au village d’Ourara, majoritairement composé de Tamachèques. Une attaque qui avait provoqué la mort de quatre personnes, en réponse aux nombreux vols de bétail et d’exactions que leur communauté subissait de la part et la communauté nomade. Depuis, la région s’est retrouvée plongée dans une insécurité totale, les deux communautés, à savoir la communauté sédentaire composée de peulhs et songhaïs et la communauté des nomades tamachèques se regardant en chiens de faïence.
C’est justement pour fêter ce retour à la paix que les responsables maliens et libyens se sont retrouvés à Fafa. Ce retour à la paix a été possible, grâce à la volonté du chef de l’Etat Amadou Toumani Touré qui avait promis d’aider à la démobilisation des combattants du Ganda Iso, une fois les armes déposées. Mais ensuite, grâce à la partie libyenne qui avait aussi rassuré de son aide financière pour l’insertion socioéconomique des ex-combattants, à condition qu’ils définissent les activités de développement dans lesquelles ils entendent évoluer.
D’autres personnalités de la région, dont le maire de Gao Sadou Hamma Diallo ont aussi abattu un travail de titan pour amener les ex-combattants à déposer les armes. L’édile de Gao et Seydou Cissé, un des pères fondateurs du Ganda Iso et non moins chef politique du mouvement, ont démarché beaucoup de ces jeunes combattants jusque sur les collines où ils étaient perchés, pour les ramener à de meilleurs sentiments. Des notabilités de la communauté des nomades ne sont pas restées en marge de cet élan du cœur des chefs d’Etats malien et libyen. Elles ont convaincu leurs enfants à aller dans le sens du processus de paix désormais enclenché.
Il ne peut avoir de paix véritable sans des actions de développement
L’arrivée de la délégation officielle à la tribune, sous les youyous des communautés peulh, songhaï et tamachèques, témoigne de cet esprit de paix qui s’empare désormais des populations de la commune de Watagouna et environs.
La troupe folklorique du cercle d’Ansongo dont les membres étaient habillés de teeshirts à l’effigie des présidents Amadou Toumani Touré et Mouammar Kadhafi, a trouvé les mots justes pour exhorter les différentes communautés à cultiver et entretenir cet esprit de paix prôné par les deux chefs d’Etat. La troupe a même produit une chanson pour saluer et louer la propension des responsables malien et libyen à assurer la cohésion et la stabilité dans la région.
Le calumet de la paix est donc fumé. Mais est-ce largement suffisant pour que les différentes communautés y adhèrent, quand on sait que bien des fois, les engagements pris sont aussitôt brisés et violés après la cérémonie ? En tout cas, voilà l’énigme au sujet de laquelle les organisateurs de la cérémonie n’ont voulu laisser planer aucun doute. En effet, non, répondra pour sa part, le maire de la commune de Watagouna Harouna Ongoiba, pour qui, la cérémonie du 2 août est porteuse d’un espoir qui, ajoute -il, verra le tout Watagouna amorcer son développement social et économique.
Le chef de village de Fafa, Djibrilla Moussa Diallo, insistera sur une bonne distribution de la justice entre toutes les communautés du nord pour mettre un terme au cycle d’impunité. Le porte-parole de la communauté pastorale, Alpha Ahmadou a assuré les officiels du respect de leur engagement à déposer les armes et de s’inscrire dans la voie du développement social et économique. Dans la foulée, il demandera à Ganda Iso de se dissoudre et de se faire appeler Ganda Goï. Ce qui signifie en langue locale, nous a-t-on dit, " acteur du développement ". Même propos de la part de Mahamane Maiga de la communauté des sédentaires. Il a exhorté les jeunes à devenir des acteurs clés du développement et à ne plus se retrouver sur le chemin du banditisme. Dans cette affaire, on ne peut s’empêcher de décerner un coup de chapeau au maire de la ville de Gao, Sadou Hammma Diallo, non moins président de la Commission d’organisation de la flamme de la paix. En seulement cinq jours de sensibilisation, il a pu récupérer 366 armes dont 17 grenades défensives, 7 grenades lacrymogènes, en plus de 15 cartouches de fusils, 526 munitions, etc. " Tous, nous nous sommes dit, ça suffit" a relevé le président de la commission qui ajoute : " Cette flamme dont les bûches sont constituées d’armes de destruction volontairement remises par les détenteurs, est le symbole de notre détermination pour la paix et la concorde ". Il précise au passage, à l’endroit des pouvoirs publics : "Pour que notre réconciliation des cœurs et des esprits soit accompagnée rapidement d’une réelle volonté de développement pour le cercle d’Ansongo, il ne peut y avoir de paix véritable sans des actions de développement qui fixent les populations et diminuent l’oisiveté de notre jeunesse. C’est pourquoi, un coup d’accélérateur doit être donné à la réinsertion économique et sociale des jeunes et entrevoir une multiplication des projets de développement en direction du monde rural ".
Le Consul de la Libye Moussa De Koni a salué l’initiative des communautés de la vallée du Koukia en déposant les armes. Une démarche qui, ajoute t-il, va dans le sens des objectifs affichés par le Guide de la révolution Mouammar Kadhafi, à savoir la paix dans le septentrion malien. Moussa De Koni ajoutera : " Quand le guide m’avait nommé Consul à Kidal, c’était pour apporter notre aide à l’effort de développement de la région. Malheureusement, les événements du 23 mai ont retardé ce processus. Fafa constitue le quatrième foyer de tension que nous avons éteint en si peu de temps au Mali. Les objectifs de Mouammar Kadhafi sont clairs, c’est de faire disparaitre le nationalisme sur le continent africain. C’est ce qui explique sa volonté de création des Etats unis d’Afrique. Il trouve un écho favorable auprès du président malien toujours engagé pour la paix ".
Le gouverneur de la région de Gao, qui a salué la paix retrouvée, dira qu’aucune revendication ne justifie l’usage des armes. Votre engagement, dira t-il, implique de votre part une collaboration avec les forces de sécurité pour la paix. Le colonel Kalifa Kéita dira que " nous sommes un même peuple et le restera malgré nos différences ". Il avait auparavant indiqué " qu’aucune impunité ne sera tolérée et que la justice sera la même pour tous ". Les forces armées et de sécurité seront équipées pour la circonstance en vue de bouter l’insécurité hors de la zone.
Par ailleurs, nous avons appris de source sûre que dans les jours à venir, une délégation des responsables des ex-combattants du mouvement Ganda Iso et comprenant des notabilités de la région, se rendra à Tripoli, en vue d’une concertation sur la marche à suivre en vue de l’insertion des jeunes.
Envoyé spécial
Abdoulaye DIARRA